Jess Rizzo

Rather be the hunter than the prey

Jess est née au printemps 1986, et avait tout pour devenir une petite princesse : dernière née de la famille, seule fille avec deux grands frères pour la couver. Pourtant, elle n’était pas du genre à se laisser faire. Plutôt que de se laisser cocooner, elle se rebelle. D’abord timidement, en protestant doucement, puis par des bêtises. Au début, pas grand chose. Casser des jouets, de la vaisselle. Des défis idiots, comme grimper aux arbres trop grands ou trop fragiles. Elle s’est d’ailleurs fait souvent fait peur comme cela.
Mais avec son entrée en Junior High, elle tourna tout simplement aux mauvaises fréquentations : les caïds de l’école l’attiraient comme des aimants, surtout parce que ca rendait dingues ses frères et que ca allait contre l’éducation traditionnelle pétrie de catholicisme de ses parents. Ca a commencé par les suivre à la trace, et puis fumer en cachette. Boire en cachette. S’habiller et se maquiller de telle sorte que ses parents s’arrachent les cheveux. Faire le mur. La panoplie de l’adolescente en phase de rébellion.
Et puis s’est ajouté à ca des provocations de ses petits camarades, et les débuts d’une phase descendante dramatique. Conduite sans permis, puis petits larcins comme du vol à l’étalage, ou de la dégradation de biens publics. Ils ont pourtant toujours eu la chance d’échapper aux problèmes inhérents à leurs activités.

Et puis un jour de ses 16 ans, alors que, pour une fois, ils se tenaient à peu prêt tranquilles à squatter un arrêt de bus, le drame qui changea sa vie survint. Une voiture en excès de vitesse manqua le virage et partit en tonneau. Tout se passa très vite : la course erratique de la voiture l’amenait droit sur l’arrêt de bus et les adolescents qui se figèrent devant l’imminence de l’accident. Les yeux fermés, tremblante de peur, elle attendit que le bruit cesse. Lorsqu’elle osa finalement rouvrir les yeux, ce fut pour se retrouver au milieu d’un carnage qui la marqua à vie. Tous ses camarades étaient morts et dans un état qui témoignait de la violence de l’impact. Les secours la trouvèrent prostrée et en larmes. Elle ne s’en était sortie que par miracle.
Elle resta silencieuse pendant plusieurs jours avec une culpabilité du survivant bien ancrée. Elle passa de nombreuses nuits d’insomnie à ressasser la scène, à se demander ce qu’elle aurait pu faire, du faire, pourquoi elle… Quelle chance lui avait permis d’en réchapper ?

Lorsqu’elle fut autorisée à sortir de l’hôpital, les médecins trompés par un calme apparent qui cachait la tempête de culpabilité qu’elle entretenait malgré elle en ressassant les événements, elle reprit rapidement sa vie d’adolescente révoltée, en plus destructeur. Ses parents avaient en apparence retrouvé une fille débarrassée de son comportement indocile, guérie par le drame qu’elle avait vécu, car elle leur offrit l’image d’une enfant sage et studieuse. Pourtant, Jess faisait le mur plus d’une fois par semaine pour retrouver des bandes peu fréquentables et continuer sa spirale descendante. Conduite dangereuse, bars mal famés, vols de plus en plus graves, le tout avec des alcoolémies insolentes, elle sombra pendant deux ans dans un rôle de délinquante qu’elle n’aimait pas, mais dont elle n’arrivait pas à se sortir. Elle réussit pourtant à éviter les démêlés avec la justice, grâce à une chance insolente - et un instinct de survie bien aiguisé. Le danger constant était devenu comme une drogue, et elle multipliait les occasions repousser les limites : combien de temps avant de se faire arrêter ? Blesser ? Ou pire… ? Une part d’elle-même s’opposait à cette spirale, et se tenait parfois tranquille pendant quelques jours d’affilé. Mais elle éprouvait rapidement une sensation de manque d’émotions fortes, et replongeait immédiatement.
Et puis quelques jours après ses 18 ans, elle passa à deux doigts de se faire arrêter après un casse dans une bijouterie en plein jour. Elle avait bien tenté de raisonner ses comparses, mais avait finalement cédé. Mal organisés, ils s’échappèrent les mains vides et les flics au cul. Pour semer les flics, hors d’haleine, Jess finit par s'engouffrer derrière la première porte venue. Qui s’avéra être celle d’un bureau de recrutement des Marines. Prise par le discours convaincant du recruteur, elle vit soudain une sorte de lueur dans le marasme dans lequel elle se trouvait, un moyen d’échapper au cycle vicieux qui l’absorbait. Ce jour là, elle signa. Personne autours d’elle ne comprit, mais elle ne céda pas aux injonctions de renoncer.

Envoyée à Parris Island avec les autres recrues féminines, elle trouva un certain équilibre dans la rigueur militaire et un certain apaisement. La fin de son instruction, son appétit pour l'adrénaline la reprirent quelque peu, et elle s’orienta vers le déminage. Une instruction qui dura 4 ans au terme desquels elle renouvela son contrat pour 5 ans.
Pendant 5 ans, elle fut volontaire  pour toutes les affectations possibles, ne restant à Chicago, chez ses parents, que quelques semaines par an. Elle se fit une réputation de non conformisme et d’efficacité. Elle avait un talent certain, cultivé par une étude acharnée de tous les manuels. Elle avait en effet bien retenu la leçon assénée par ses instructeurs : elle n’aurait jamais fini d’apprendre. Mais évidemment, elle ne réussissait pas à tous les coups. Ses échecs ont parfois conduits à faire des victimes, et il arrivait aussi à son unité d’arriver trop tard. Les corps des morts et des blessés s’ajoutaient alors à ceux de ses camarades de classe et alimentaient sa culpabilité, la tirant à la fois vers le bas avec l’envie de se punir, et vers le haut avec le besoin de faire toujours mieux. Et lorsque les deux atavismes devenaient trop pressants, elle les noyait dans une bonne dose d’alcool.

Vers la fin de sa 5eme année, alors qu’elle envisageait de renouveler son engagement, elle et son unité furent envoyés s’occuper d’un IED. Le déminage fut rapidement évalué difficile, et Jess ne put que le confirmer : la personne qui avait fabriqué la bombe était un sacré tordu, et son circuit ne ressemblait à rien de connu. Elle ordonna donc le repli de l’unité et une explosion préventive sécurisée. Mais alors que son groupe s’exécutait, un jeune nouvellement formé et peu expérimenté décida de désobéir et de terminer lui même le travail, sans les en informer. Jess et son groupe ne l’apprirent qu’en entendant l’IED exploser – le jeune soldat avec lui. Ce nouveau drame fut une épreuve difficile pour la jeune femme, qui, après le débriefing compliqué de l’incident, choisit de ne pas renouveler son engagement. Il fallait qu’elle se sorte de ce milieu avant de se consumer, elle le sentait.

Pourtant, de retour au pays, incapable de rester inactive ni de renoncer à son devoir envers son pays inculqué par les Marines, et malgré les sirènes de Quantico, elle choisit d’intégrer la police de Chicago. Après la formation initiale, elle fut affectée au 33e district, où elle gravit les échelons jusqu’à intégrer l’anti-gang.