Cool Down

Plus facile à dire qu’à faire...

octobre 2018

Dire que la journée avait été calme serait mentir. A l’heure qu’il était, l’ensemble du personnel du département devait être au courant de l’altercation entre Alex et Goodwin. Et qu’Alex avait été suspendu. Jess était à son bureau terminer des rapports quand l’incident - doux euphémisme - avait eu lieu, et elle n’avait pas encore eu le temps de discuter avec son partenaire tout neuf de ce qu’il s’était passé. Cela dit, vu les personnes impliquées, elle suspectait fortement un délit de connerie profonde. Et même s’il existait toujours deux versions de l’histoire, elle pariait sur le fait que celle d’Alex serait plus « réaliste » que l’officielle : depuis quand un officier s’en prenait à son supérieur sans raison ? Et entre le fait qu’Alex lui inspirait plus de sympathie que les Goodwin, et qu'il était désormais son partenaire, elle comptait bien lui apporter le soutien qu’elle pourrait.

Aussi, son service terminé, elle s’empressa de quitter le poste et de retrouver Alex. La question du où fut résolue par un SMS. Lancé sans grande conviction, elle eut néanmoins la surprise de recevoir une réponse : il se trouvait dans un des bars qui servaient de repaire aux flics du département, mais pas le plus couru non plus. Sans doute un des refuges les plus proches pour passer ses nerfs, sans non plus prendre le risque de croiser trop de collègues.
La porte passée, elle alla directement au bar, pour commander une bière et mener l’enquête du siècle :
« Salut Dick. T’as vu Alex ? » Le Dick en question lui désigna un booth où Jess repéra son partenaire.
« Fait gaffe, il a pas l’air d’humeur à cueillir des marguerites. » Jess lui retourna un regard dubitatif quant à l'image.
« Ca devrait être gérable. » Mais plus elle s'approchait, moins elle en était sûre. « Ou pas… » Marmonna-t-elle juste avant de s’assoir en face d’Alex. « On descend quelques bières, ou tu veux passer directement au pétage de pare-brise ? » Elle se fendit d’un vague sourire, histoire de faire comprendre qu’il s’agissait d’une blague, mais l’humour corrosif pouvait être à double tranchant. Restait à savoir si ca suffirait.

Cool Down

Une mise à pied, une foutue suspension pour avoir cogné un connard et menacer un bâtard. Je trouve ça cher payer. Mais en même temps, je ne suis pas des plus objectif pour le coup. J’ai envie de hurler, d’autant que j’ai eu quelques heures pour bien ruminer ce qu’il s’est passé. J’ai eu envie de tout détruire chez moi, enfin, j’ai eu envie de plein de choses et mon état ne s’est pas vraiment amélioré. Jess, ma nouvelle équipière depuis quelques jours, m’a contacté à la fin du service. J’ai accepté d’aller boire un verre avec elle, histoire de passer le temps et de pas faire de conneries ce soir. On a prévu de ce retrouvé dans un bar du Loop, un repaire de flic, mais pas trop fréquenté. Si je pouvais éviter de tomber sur Baal ce soir ça m’arrangerais. Enfin, toujours est-il que j’arrive avant elle et que je m’installe à une des tables après avoir commandé une vodka. Histoire de bien commencer. J’ai pris un taxi pour venir, me permettant ainsi de boire comme un trou et ne pas avoir à prendre le volant. En plus, je suis trop en colère pour rouler, j’aurais été un danger public.

Elle ne devrait pas tarder, mais je finis quand même rapidement mon premier verre pour en commander un second. Je n’ai pas le temps de le boire cependant que je la vois entrer dans le bar. Elle passe par le bar avant de me rejoindre. Elle me tire un sourire en venant s’installer en face de moi. « Me tente pas. Je me suis retenu toute la journée. » Je ricane à moitié sérieux avant de boire une gorgée, trinquant de loin avec elle. « Tu as dû en entendre parler cet aprem, non ? » Je me doute bien que tout le 33 est déjà au courant. En même temps, c’est pas tout les jours qu’un inspecteur s’en prend à son lieutenant et détruit une vitre et un écran de pc. Sans compter les coups que j’ai portés à Baal. « Tu veux ma version des faits avant de me donner la version officielle du bureau ? » J’aime bien bosser avec elle. Elle est sympa, travail bien et me fait confiance. Alors je n’ai rien à lui reprocher et je ne pourrais sans doute pas lui en vouloir si elle préfère rester neutre dans l’affaire. « Ensuite, si je suis pas assez bourré en sortant d’ici, ouais, y a moyen que j’aille péter un pare-brise ou deux... »

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octobre 2018

Jess nota la vodka plutôt que la bière réglementaire. Indice intéressant de l’état d’énervement dans lequel Alex pouvait être : quand le degré d’alcool dépassait 15, c’est qu’il y avait des choses à évacuer. Elle-même attaquait sa bière - autant dire de l’eau, pour son foie habitué à de plus mauvais traitements. Non qu’elle comptât ce genre de chose, évidemment… En tout cas sa tentative d’humour avait permis d’enclencher la discussion. Pas d’hilarité - elle n’en avait pas vraiment attendu, vu les circonstances - mais il n’avait pas explosé directement. Peut-être y avait-il de l’espoir. Espoir de quoi, c’était une bonne question, mais l’espoir, c’est l’espoir, non ?

« J’en ai entendu parlé. En fait, je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un au 33 qui ne soit pas au courant. Les détenus, peut-être… Ou l’équipe de nuit… Qui doit être en train d’en prendre connaissance, note bien. Ah et les gars en congés. En gros, ouais, c’est arrivé à mon bureau. » Trop parler, c’était sa marque de fabrique. Elle ne s’en rendait pas vraiment compte, mais le moulin à paroles qu’elle était manquait parfois de filtre.
« Tu sais, la version officielle, je l’ai eue. A peu près. Et Goodwin peut se la mettre au cul. Les deux, d’ailleurs. Les deux Goodwin, pas les deux culs. Encore que des fois, je me demande si le lieutenant n’a pas deux culs. Pour s’y mettre deux balais… Ca mérite une enquête. » Elle grimaça Mais si je suis là… » [/color]Elle inclina le goulot de sa bouteille vers Alex. « C’est pour ta version, partenaire. Dans l’immédiat, c’est la seule qui m’intéresse. »
Elle finit par sourire à la dernière remarque d’Alex. « Ouais… Faudra voir si tu sais encore tenir une batte à ce moment là ! Je vais pas t’aider à viser ! »

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Elle est folle, c’est officiel. Jess est folle. Mais en bien, parce qu’elle parvient quand même à me faire rire. Elle enchaîne les phrases avec une facilité déconcertante. Donc, ouais, tout le 33 est au courant de mon petit exploit. Le contraire m’aurait bien étonné de toute façon. Je bois mon verre d’un coup pendant qu’elle parle, heureusement avant qu'elle me sorte sa connerie sur Goodwin. Parce que je me serais sans doute étouffé dans ma vodka. D’un signe de la main, j’en recommande une troisième. Je sais que c’est pas bon, mais me bourrer la gueule est la seule solution pour l’instant. Elle me précise alors qu’elle est là pour entendre ma version des faits, la seule qui l’intéresse. Je remercie le serveur quand il me ramène mon verre avant de lui répondre enfin. Me calant un peu plus sur le dossier de la banquette, jouant avec le verre. « Pour le 33, je suis pas surpris, c’est les pires des commères les flics. Goodwin, lui… c’est pas un balai qu’il a dans le cul... c’est un putain d’aspirateur… avec la femme de ménage. » Je ricane à ma connerie tout seul avant de revenir me pencher sur la table.

« Je vais essayer de résumer. J’ai été surpris par les mœurs avec un jeune. Enfin, c’est ma moto et c’est bien moi sous le casque, mais bon. Pas de preuve d’échange d’argent ou quoi que ce soit, enfin bref. Je marque une pause, lui laissant digérer l’information. Le lieutenant m’a convoqué et là, c’est parti en live, il a commencé à parler de mes fils, me disant qu’ils seront peut-être un jour dans le même cas que Babylon et… j’ai pété une pile. Le reste, bah tout le monde l’a vu. » Je sais que je ne devrais pas être aussi fier de moi, mais avoir recadré le lieutenant et son foutu cousin, bien que je m’en sois pris plein la gueule aussi, disons que cela à fait du bien à mon ego. « Pour ce qui est du pare-brise… si jamais je le fais. Arrête-moi. Te fous pas dans la merde pour moi, ok ? » J’entame alors mon troisième verre et il me semble qu’il y a plus de chance pour que je finisse à l’hôpital en coma éthylique que dans une cellule.

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octobre 2018

Au moins se mit-il à rire. C’était toujours ca de pris. Elle n’avait pas vraiment envie de se mettre à sa place, mais ca venait naturellement : être suspendue serait dramatique. Un désaveu pareil ? C’était à se flinguer. Et que ferait-elle de ses journées, on se le demandait… Sans doute larver sur son canapé, dans son vieux sweat Made In Parris Island, plus gris que noir à force d’être porté - et lavé - , à engloutir de la glace devant une bleuette quelconque - oui, Jess pouvait aussi être une caricature de fille… Et quoi de mieux pour se laver le cerveau que ces téléfilms niais ? Bref, malgré toute l’affection qu’elle pouvait avoir pour son partenaire, plutôt lui qu’elle.

Ce fut à son tour de rire à la remarque d’Alexeï, qui en rajoutait une bonne couche.
« Mmmm la femme de ménage, je sais pas… Si elle se trimballait dans son cul, elle lui ferait sans doute des trucs marrants à la prostate, il serait carrément moins chiant. Quoique… Avec un cul aussi plein, il doit avoir du mal à chier… » Ok, ca devenait glauque, et Goodwin devait avoir les oreilles qui sifflait comme l’Orient Express. Cela dit, c’était bien fait pour son cul… Merde, on n’en sortait pas…

Mais Alex en vint finalement au fait, et Jess reprit un peu son sérieux, bien que son sourire ne la quitta pas. Les explications de son partenaire rendaient les choses bien plus claires. Il fallait que Goodwin se soit comporté en connard fini pour en arriver à ce qu’Alex pète un plomb de la sorte, et force était de constater que le lieutenant avait tapé bien en dessous de la ceinture. Trou du cul…
Elle fronça néanmoins les sourcils brièvement à l’évocation des circonstances qui avaient initialement conduites Alex dans le bureau du lieutenant. Il y avait quelque chose à creuser, mais elle le laissa d’abord finir tout en sirotant sa bière.
Et quand il enchaina sur l’opportunité ou non de péter des pare-brise, Jess haussa les épaules.
« On verra de quel pare-brise on parle, partenaire. Et puis t’es mignon, tu me laisses choisir les motifs pour lesquels je me mets dans la merde, ok ? Je suis une grande fille. En tout cas, il parait. C’est en tout cas ce qu’on dit mes instructeurs quand ils m’ont laissée partir de Parris Island et qu’ils ont dit que je pouvais aller jouer… » Son sourire s’élargit. « Goodwin, c’est pas Al-Qaida… En matière de merde, il n’arrive pas à la cheville des Talibans. Ca serait drôle, d’ailleurs, de l’envoyer au bac à sable du côté de Kandahar, nan ? Je me demande combien de temps il tiendrait... » Elle prit deux secondes de fausse réflexion, avant de planter son regard, bien plus sérieuse, dans celui d’Alex.
« Par contre maintenant dit moi… De la merdouille, je vais forcément m’en prendre demain quand ton petit exploit sera bien connu. Nos commères peuvent en plus être de vraies langues de vipère. Ils peuvent s’en donner à coeur joie, mais avant, j’ai besoin de savoir pour quelle raison je vais entendre des jeux de mots débiles. Tu faisais quoi avec ce jeune ? Babylon, c’est ca ? J’ai bien compris ? Parce que sinon dit-moi... »

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Elle surenchérit en plus. Sauf que ça devient chelou, alors je ne dis plus rien, me contentant de boire une gorgée de plus. C’est donc mon troisième verre de vodka et je commence à en ressentir les effets. Elle ne promet pas de m’arrêter si je venais à en détruire les pare-brise des Goodwin, vu que j’ai les deux dans le pif. Elle me parle alors de son engagement dans l’armée, se permettant même de comparer le lieutenant aux Talibans, proposant de l’y envoyer. Sauf que moi, ça ne me fait pas rire du tout. J’ai envie de lui foutre sur la tronche, je dis pas le contraire, mais j’en suis pas à lui souhaiter la mort ou plus de blessures. Je ne suis pas ce genre de type. Je ne souhaite la mort de personne en fait, bien que certain, je ne les pleurerais pas. En tout cas, si je n’ai pas le temps de le lui dire, de faire la moindre réflexion, j’ai le temps de finir mon verre pendant qu’elle parle. En commandant un quatrième. Je compte pas sortir d’ici avant d’être torché, seulement, je tiens assez bien l’alcool, la plupart du temps. En tout cas, elle me fait perdre mon sourire quand elle parle de Babylon. Elle veut savoir. Sauf que je ne suis pas sûr de pouvoir me le permettre. « Écoute, Jess. Je sais que tu veux comprendre. Mais je peux pas te répondre. Tu vas sans doute être interrogée par les Affaires Internes, peut-être par les mœurs aussi. Alors si je te dis ce qui s’est passé, soit tu vas devoir leur dire ou alors tu vas devoir mentir. Tu es peut-être une grande fille, mais j’ai pas l’intention de te faire mentir pour moi, quand bien même se serait ta décision. »

Mon poignet, celui que Baal a tordu dans mon dos, me faire encore souffrir. Faut dire que ça a été assez violent. Je vide mon quatrième verre d’un coup avant de me lever. « Je vais fumer une clope, tu viens ou tu m’attends ici ? J’en ai pour cinq minutes max. » J’attrape mon paquet et mon briquet, faisant signe au barman que je reviens rapidement et qu’il garde un œil sur mon blouson. Je sors en t-shirt, Russe oblige, je n'ai pas la même relation au froid, puis il y a l’alcool qui aide aussi. Je sais que je vais devoir lui expliquer à un moment, mais le plus tard sera le mieux.

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octobre 2018

Elle ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’il se confiât si facilement. Après tout, ils n’étaient partenaires que depuis peu, collègues depuis à peine plus longtemps. Faire confiance pour évoquer ce qu’ils faisaient lorsqu’ils n’étaient pas ensemble demandait plus de temps. Jess elle-même n’aurait sans doute pas confié à Alex ses secrets les plus intimes. Evoquer ses années Marines était déjà un risque de se faire questionner, en soi, elle en était bien consciente. Elle savait également que le sujet viendrait, tôt ou tard. Mais ce n’était pas le moment, pensait-elle.

Néanmoins, le refus d’Alex de lui donner des détails susceptibles de l’aider à comprendre ce qui était à la base de sa mise à pied - avoir été vu en compagnie douteuse - l’irrita. Elle pinça les lèvres et prit une longue gorgée de bière pour la peine alors que lui-même finissait prestement son verre. Et avant qu’elle ait pu se fendre d’une remarque acerbe, il prit la clé des champs - la cigarette salvatrice, offrant une échappatoire toute trouvée aux discussions compliquées. Haussant les sourcils, elle lui fit un geste de la main.
« T’y vas tout seul. C’est pas vraiment une température qui me botte, en ce moment… » Avoir passé presque un tiers de sa vie dans le désert, ca laissait des traces. A dire vrai, les températures habituelles de l’Illinois étaient à peu près les seules choses qui lui faisait regretter l’Afghanistan.

Alex avait à peine franchit le seuil du bar qu’un type posa son verre face à elle et s’installa à la place de son partenaire. Un sourcil dubitatif levé, Jess l’apostropha :
« T’es perdu ? »
« Pas du tout, ma belle. Je… »
« Plait-il ? Je suis pas « ta belle ». Alors qu’est-ce que tu fiches là ? » Rétorqua-t-elle sans lui laisser le temps de poursuivre, d’un ton et d’un air qui ne laissait rien présager de bon. Pourtant, elle avait toujours le sourire, mais un de ces sourires qui conseillaient plutôt de dégager rapidement. Sauf que l’importun ne savait visiblement pas lire dans les sourires…
« Relax, miss. Comme ton pote est parti, j’me suis dit qu’on pouvait bavarder et... »
« Non. »
« Mais je… »
« Non. »
« Parce que… »
« Non. »
« Enfin c’est pas ton mec, là ! Je vous ai regardé, vous vous êtes pas touché depuis que t’es là ! »
« Et ca t’a rendu sourd ? »
« Nan. »
« Cool. Alors dégage avant que je perde vraiment patience... » Elle n’avait pas quitté son sourire prêt à mordre. Simplement, plus on avançait, plus la morsure semblait proche. Et l’autre semblait enfin comprendre le message.
« Ca va ! Putain on peut vraiment plus vous parler, les meufs... » Lacha-t-il en quittant la table.

Jess était déjà en train de l’oublier et préparait son speech à Alex, pendant que l’importun continuait à s’éloigner en maugréant, laissant échapper un ou deux qualificatifs absolument charmants - dirons-nous - à l’encontre de Jess. Sans se soucier de qui il pouvait croiser.

Cool Down

Bon bah, j’irais fumer seul dans ce cas. Je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Toujours est-il que je me rends donc à la porte et allume ma clope. Ça fait du bien, peut importe que ce soit mauvais pour la santé, ça fait du bien. Je reste pas loin, voyant sans problème la table à chaque fois que la porte s’ouvre. Je rigole alors quand je constate qu’un gars a pris ma place à la table. Le pauvre, il me semble qu’il se fait jeter en beauté. En même temps, c’est quoi ce genre de creuvard qui profite qu’une femme soit seule même pas cinq minutes pour venir s’installer. Elle a pas besoin de mon aide, je le sais bien, alors je prends mon temps pour finir ma clope. Le laissant venir jusqu’à moi, alors qu’il se permet de l’insulter copieusement. Quand il se retrouve à la porte, me faisant face, je ne suis pas sûr qu’il comprenne tout de suite qui il a en face de lui. Mais quand je regarde derrière lui en direction de Jess et qu’il suit mon regard, son visage vire soudain au blanc. « Tu fais chier mon équipière, p’tite bite ? » Je me décale d’un pas avant de lui dire de dégager vite fait.

Je retourne à la table. Reprenant ma place en face de Jess, non sans avoir récupéré un cinquième verre. Je commence à vraiment sentir les effet de l’alcool et probablement sentir la vodka tout simplement. Bon, le barman m’a bien fait comprendre que lui ne me resservirait plus. Cinq verres, c’est pas mal. « Bon, on en était où ? Oui… tu veux que je te dise un truc qui pourrait me faire perdre ma plaque définitivement. » Je me penche vers elle, histoire que le moins de monde possible nous entende. « A ton avis, Jess ? J’ai fais quoi avec lui ? » Allez, je peux presque pas lui dire plus clairement sans me faire surprendre par un autre flic.

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octobre 2018

Le bruit de la porte lui avait fait lever la tête, à temps pour capter Alex interpeler le Cro-Magnon qui venait de la quitter. Jess ne put réprimer un sourire en voyant déguerpir l’importun la queue entre les jambes. Eut-il agit de la sorte alors qu’elle était en train de régler le problème elle-même qu’Alex se serait fait vertement rembarrer - elle n’était pas une petite chose à protéger. Mais en l’occurrence, il ne faisait que mettre un coup de pied au cul d’un pauvre type déjà en fuite. En rajouter une couche à un abruti avait plutôt l’heur de l’amuser.

Alors qu’il s’installait face à elle, Jess constata qu’il avait repris un verre, ce qu’elle se garda bien de commenter. Peut-être qu’une part d’elle-même se disait qu’elle n’avait pas de leçon donner en la matière, mais ce n’était pas celle-ci qui s’exprimait. Plutôt celle qui était convaincue qu’une bonne série de verres aidait bien à mettre la merde à distance - mais sans jamais l’enterrer… Ce qui obligeait à renouveler le traitement…

Etait-ce l’effet de l’alcool ou juste la confiance qui parlait, toujours est-il que ses quelques instants au frais avaient visiblement décidé Alex à entrer plus dans les détails. La réponse qu’il lui fit n’était pas explicite, mais pouvait difficilement être plus évidente. Jess haussa un sourcil en prenant une gorgée de bière. Réponse évidente, mais qui en soulevait une autre, plus compliquée, sans doute. Quel besoin avait un flic - attirant au demeurant - de mettre sa plaque en danger de la sorte ?
Il leur arrivait à tous de se mettre en danger, à un moment ou à un autre. Mais à ce point ?
« Bordel, pourquoi ? Tu sais ce que tu risques avec ce genre de truc, tu vas pas me faire croire que tu veux te faire débarquer ! T’es un bon flic et t’aimes ca - ok l’un ne va pas sans l’autre, en général, mais quand même ! Je suis ptete pas ta mère, mais les bons collègues et les bons partenaires, ca court pas le poste, me retrouver avec un branleur ou pire, une pourriture de première, ca me fait pas rêver… Du coup ouais, je me demande pourquoi ! » Elle leva une nouvelle fois sa bière, hésitant à poursuivre avec une remarque sur la plastique de son partenaire. Elle jugea cependant que ce n’était pas vraiment le moment, ni l’idéal pour poursuivre une relation de travail ensuite. Longtemps auparavant, Jess s’était laissée aller à une… camaraderie… excessive avec un collègue, alors qu’elle était en Irak. Le résultat n’avait pas été des plus heureux. Aussi évitait-elle désormais toute équivoque dans ses relations de travail. Même si, parfois, l’imaginaire pouvait être taquin… Mais Alex était son partenaire, Jess comptait bien que ca ne s’arrêtât pas là, mais sans ambiguité.
Elle s’abstint donc d’une remarque qui aurait put être mal interprétée et avala une nouvelle lampée de bière.

Cool Down

Pourquoi ? La question fatale. Je pourrais, je devrais, lui raconter ma vie, lui dire que depuis mon divorce, je ne suis plus que l’ombre de moi-même, que je n’arrive pas à oublier mon ex-femme. Que j’ai eu besoin de ça pour parvenir à passer à autre chose. Mais je ne suis pas sûr qu’elle pourrait comprendre mon point de vue. Moi-même, je ne suis même pas sûr de moi. Mais de toute façon, elle ne me laisse pas le temps de répondre qu’elle enchaîne. Je sais que je risque des poursuites, en fait, je risque autant que Babylon dans ce cas. Je risque de perdre définitivement ma plaque, sans pension. S’il y a la moindre preuve, je pourrai même retourner en prison, pour de bons cette fois. Jess me parle d’être un bon flic, mais j’en doute. J’essaye, je fais de mon mieux, mais au moins elle me tire un sourire. On n’a pas vraiment travaillé ensemble, alors elle doit se fier aux rumeurs. Elle me parle ensuite de ne pas vouloir d’un mauvais équipier et ça, ça me fait carrément rigoler. C’est pas à moi qu’il faut convaincre de ça. J’en ai déjà fait les frais.

Je bois une gorgée de mon verre. Il m’en faudra pas beaucoup plus pour ne plus répondre de mes actes. Mais ça ne sera pas dans ce bar-là. Je soupire avant de finalement lui répondre. « Je ne sais pas vraiment quoi te dire. Je l’avais croisé plusieurs fois déjà, mais je n’avais jamais rien fait. Mais mon divorce… j’arrivais pas à oublier mon ex-femme. Je n’arrivais plus à sauter le pas avec qui que ce soit. Du coup, je me suis dit que cela m’aider peut-être à débloquer la situation. » Je joue avec mon verre, lui laissant le temps de noter les infos dans sa tête. « Mon plus gros problème, c’est que Valeri va être présente avec les mœurs. Je sais pas vraiment comment réagir à ça. Je me demande si c’est bon signe pour moi, ou au contraire. Si les mœurs arrivent à me faire me balancer moi-même… hors de question que je retourne en taule. » En effet, hors de question. Un flic en taule c’est pas bon, puis j’ai déjà donné et je ne compte pas renouveler l’expérience. Maintenant, à voir envers qui Jess est la plus loyale, moi son partenaire, ou la loi...

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octobre 2018

A mesure qu’ils parlaient, il semblait à Jess qu’Alex baissait en pression. Ou n’était-ce qu’une impression ? Jess n’aurait su le dire. Bon au moins, ils avaient quitté le registre de ce que pourraient subir les Goodwin, mais Jess supputait qu’il ne faudrait pas grand chose pour revenir à ces perspectives. Au moins souriait-il un peu.

Quoi qu’il en soit, Jess continuait de s’interroger sur Alex et ce qu’il avait pu faire, même si elle doutait qu’il se confiât à elle : après tout, ils se connaissaient peu, et ce n’était pas une affectation qui transformait des collègues en amis intimes. La police n’était pas l’armée, et même si les soldats sous le drapeau étaient tous frères, l’intimité de chacun était rarement dévoilée. Elle ne savait même pas à quoi mèneraient ses confidences : elle n’était pas une balance, à condition que les secrets ne soient pas trop lourds à porter. Et même là était-elle incapable de planter un poignard dans le dos. Si elle était contrainte de divulguer ce qu’Alex pouvait avoir à dire, il en serait le premier informé. Pas question qu’il ne découvre qu’elle avait parlé le jour où les affaires internes se présentaient devant sa porte. Cependant, pour en arriver là, il faudrait qu’il ait tuer quelqu’un, au moins…

Mais finalement, les mots vinrent, et Jess se tint silencieuse.
Elle ne pouvait pas dire qu’elle comprenait à proprement parler : elle n’avait pas été mariée, ne pouvait pas savoir ce qu’était un divorce. Quant à ses histoires d’amour, elles avaient toutes eu un terme. Plus ou moins douloureux, mais toujours définitif. Cela étant, ses explications avaient le mérite d’être claires, sensées, et ne témoignaient pas d’un comportement déviant. Il était peut-être hors la loi, mais ce n’était pas non plus totalement amoral - même si bon, ce n’était pas forcément glorieux…
« J’espère que tu l’as bien choisie… » Lacha-t-elle, corrosive. Et puis une lumière s’alluma. « Attend… T’as bien parlé d’UN jeune ? Tu… avec… oui ? » Les sourcils levés, elle le pointa d’abord du doigt avant de faire un moulinet de la main, avant de dodeliner de la tête, le temps d’assimiler l’information. Elle finit par un grand haussement de tête. « Tu me diras, oui. C’est un bon moyen de ne pas penser à ton ex… Au moins, il ne risquait pas d’avoir les mêmes nichons... » Et histoire de bien digérer le fait, elle prit une grande goulée de bière.
« Valeri est juste. Je l’imagine pas enfoncer quelqu’un de son équipe, surtout si les Affaires Internes n’ont rien de factuel. Tu vas ptete te faire taper sur les doigts, mais tu retourneras pas en taule. Mais je serais toi, j’arrêterais de payer, parce qu’ils vont pas te lâcher. Et puis j’ai du mal à croire que t’aies du mal à trouver des mecs consentants… » Le regard amusé qu’elle lui lança ne laissait pas de doute à ce qu’elle pensait de lui, et ce sans qu'il n'y ait d'équivoque : ils étaient collègues.

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Cette réaction, je pense que je ne m’en lasserais jamais. Elle vient de caler que j’ai bien parlé d’un gars. Alors quand elle cherche une confirmation, je hoche la tête, buvant une gorgée de mon verre. C’est pas un secret que je suis bisexuel et que j’assume, du coup, je pensais vraiment qu’elle en avait déjà entendu parler. Mais il semblerait que non. Quand elle évoque le fait que Babylon ne risquait pas d’avoir la même poitrine que Kate, je manque de m’étouffer avec la gorgée que je prends au même moment. Non, ça, c’est clair. Elle boit à son tour avant de reprendre sur Valeri. Elle n’a pas tord, que je me fasse taper sur les doigts, c’est plus que certain. Que je ne retournais pas en taule, aussi, mais ça, c’est pour une autre raison. Seulement son conseil me fait soupirer. C’est pas vrai ? Merci Catpain Obvious. Sa réflexion suivante me fait bien marrer par contre.

« Le problème c’est pas de trouver les mecs, c’est de réussir à faire quoi que ce soit. » Je viens finir mon verre, le dernier, ici du moins. « Mais, je pensais que tu savais. Que je suis bi, j’veux dire. C’est pas un secret et souvent c’est le premier truc qu’on apprend sur moi. Avant même de savoir que j’étais dans les Tours en 2001. Pour ce qui est de cette histoire, c’est pas les Affaires Internes qui s’en occupent. Ce sont les mœurs. Les AI me feront pas chier, pas après ce qu’ils m’ont fait à New York. C’est à cause d’eux, que mon ex à demandé le divorce. À cause d’eux, que j’ai pas vu mes fils pendant des mois. A cause d’eux, que je suis plus aux stups et que j’ai quitté l’État. » Je me rends alors compte que sans avoir haussé le ton, il s’est fait plus dur. Mon regard plus froid. Je soupire alors encore une fois avant de me caler contre la banquette. « En tout cas, j’ai bien envie d’aller leur rendre une petite visite, mais bon, ça serait pas en ma faveur. Mais toi, j’espère ne pas te faire confiance pour rien. J’ai déjà été trahi par un équipier de longue date. J’aimerais pas découvrir que ça m’arrive de nouveau. »