ft. the wife
« Elle n’a pas dit grand-chose, elle s’appelle Mindy, doit avoir seize ou dix-sept ans je pense et elle te ressemble… Ça lui brise le cœur d’entendre ces mots dans la bouche de sa femme. Evidemment qu’elle lui ressemble, suffit que la gamine ressemble à sa mère, comme lui et le tour est joué. Ça lui serre la gorge, les larmes qu’il avait fini par éloigner de son visage par honte de les afficher devant son épouse reviennent flirter avec le bord de ses paupières. Il se sent faible et stupide et pourtant ne peut s’empêcher de se poser dix milles questions, de se demander quelle était sa part de responsabilité, à l’époque, pour qu’on le laisse de côté. Il se saisit du verre qu’elle lui tend et il se dit encore qu’elle le connaît bien assez pour savoir ce dont il a besoin. Il l’observe, plus petite que lui, reprendre la parole pour lui assurer qu’il n’y est pour rien dans cette histoire.
Rien de tout ça n’est de ta faute, tu n’étais qu’un enfant et tu as juste eu la malchance de tomber sur des égoïstes incapables d’assumer d’avoir un gamin. Il va pour soulever un point différent dans cette approche, incapable de comprendre à quel point elle peut avoir raison, mais :
Et je t’interdis de remettre ça en question, est-ce que tu pourrais penser à une seule chose que ton fils puisse faire qui te ferait l’abandonner ? Le maltraiter ? »À nouveau, sa gorge se serre. Il intègre, comprend, et pourtant se sent plus coupable que jamais. L’erreur qu’a faite sa mère, finalement, il l’a déjà répétée. Et maintenant qu’il se rappelle à quel point il est douloureux de subir l’absence d’un parent, que la plaie s’ouvre à nouveau, James se dit qu’il a oublié bien vite le poids de sa propre erreur de parcours. Il se retrouve face à cette terrible idée, qui lui noue l’estomac, qui lui donne envie de se replier sur lui-même comme le gamin qu’il est redevenu depuis de longues minutes déjà. Sa faiblesse lui fait honte.
« J’en doute ! Et c’est la même chose pour toi, alors s’il-te-plait ne lui cherche pas d’excuses, elle est la seule et unique coupable, la seule responsable de la décision qu’elle a prise il y a plus de vingt-ans. Elle et elle seule. »Il se sent abattu, fatiguée, terrifié par ses petites révélations intérieures, le poids de la culpabilité dont il se cachait jusque-là. Il avait fait en sorte de mettre toutes ces pensées de côté mais aujourd’hui ses certitudes ont été balayées d’un revers de la main et il est incapable de faire barrage à ce qu’il évitait soigneusement d’évoquer. Il observe sa femme, baisse les yeux sur le verre qu’il tient dans sa main tremblante. Son corps lui semble trop lourd, le tissu sur ses épaules, de trop. Il reste silencieux un temps encore, n’a plus la moindre envie de faire les cent pas. Pour aujourd’hui, le motard a envie de baisser les bras. C’est beaucoup trop pour un homme incapable de gérer deux émotions à la fois. Il n’a même pas envie de glisser l’alcool entre ses lèvres et pourtant il s’en occupe d’une traite, n’a plus la force de répéter ses gestes de colère. Il dépose le verre quasiment vide sur la table, les traits désormais tirés non plus par la colère mais l’épuisement.
Il va pour tendre la main vers son épouse puis se résigne, glisse une main sur son visage, semble s’y cacher l’espace de quelques secondes en poussant un long soupir. Le motard secoue la tête à la négative, il n’arrive plus à mettre une seule de ses idées en ordre, obnubilé par sa faute.
« Je n’ai rien fais si ce n’est répéter ses erreurs. Le kos relève finalement le regard, laisse retomber sa main, sa carcasse trop lourde. Il n’a plus les mots, va pour dire quelque chose mais n’arrive pas à s’exprimer, se contente de lever une main comme pour accompagner la parole qui ne passe pas ses lèvres et puis, à nouveau, laisse tomber. Il abandonne, secoue la tête, hausse les épaules. Ses yeux sont humides à nouveau alors il passe une main sur son visage pour effacer la flotte qui le menace et attrape sa femme pour l’accompagner contre lui et la serrer dans ses bras. Il n’a pas besoin de plus, glisse une main dans ses cheveux, y noie son visage et ses paupières brûlantes.
Je suis désolé. »James se contente de garder son épouse contre lui un certain temps avant de s’éloigner, pas très loin. Il laisse tomber sa main dans celle de Natalia et décide qu’il en est assez pour ce soir.
« On peut r’mettre ça à demain ? » Question plus pour la forme qu’autre chose, elle ne l’a jamais poussé à plus que ça et la démonstration absurde d’émotions dont il a fait preuve ce soir est déjà hautement exceptionnelle. Il se contente de glisser ses doigts entre les siens et faire un geste en direction de la chambre. Il doit dormir, il a même hâte de se laisser tomber dans l’inconscience et ne plus entendre le brouhaha qui se joue dans sa tête. Il veut laisser glisser son corps fatigué contre celui de son épouse et s’endormir bercé par sa respiration. Demain il s’occupera de répondre à ses questions.
code par Nostaw.