I miss the taste of a sweeter life
Du plus loin que l’on puisse remonter, Natalia avait toujours su trouver la beauté dans le monde qui l’entourait. Elle n’avait pas grandi dans une maison miteuse, mais dans un foyer aimant, pas accumuler les erreurs, mais les expériences plus ou moins chanceuses, elle n’était pas non plus passée à côté d’une opportunité professionnelle mais choisi un autre chemin. Certains diront qu’elle se trouve des excuses pour justifier sa situation actuelle, mais elle, elle ne perçoit pas les choses de cette façon ou en tout cas, la réalité à pris son temps pour venir la frapper en pleine face.
Élevée dans le Southside, Natalia n’a jamais vraiment connu le faste et la sécurité et si ses parents (enfin il faut entendre par là sa mère et son beau-père car son géniteur s’est quant à lui barré il y a bien longtemps pour retourner au pays sans que quiconque veuille bien lui en révéler la raison) ont eu tendance à vouloir la protéger du monde dans son entièreté cela n’a duré qu’un temps. Adolescente naïve et en quête de rébellion, elle s’est laissé influencer par tous et chacun, perdant de vue les valeurs que ses parents avaient mis tant de force à lui inculquer jusqu’à se retrouver entourer de personne peu recommandable, elle ne le savait pas à ce moment-là, mais ses choix d’enfants allaient être déterminants pour sa vie d’adulte. Si certaines personnes avaient su habilement garder leurs places dans son entourage malgré qu’ils n’approuvent guère le chemin pris par la jeune fille, certains avaient disparus pour ne jamais revenir. Elle ne s’en était cependant pas formalisée, elle n’en avait pas grand-chose à faire à l’époque, tout ce qui la préoccupait, c’était le grand frisson, cette impression d’appartenir à un groupe, d’avoir une place et tant pis si ce n’était pas la bonne.
C’est dans ce contexte qu’elle avait rencontré James, elle avait dix-sept ans et lui vingt, ils ne faisaient pas partie du même monde, n’avaient ni les mêmes ambitions, ni la même direction en tête et pourtant quelque chose avait cliqué entre eux. Il était beau, sûr de lui et avait une allure impressionnante sur sa moto et surtout il avait donner de sa personne pour la séduire, il avait insisté là ou d’autres ce serait arrêter et il n’en avait guère fallu plus pour que la jeune femme décide que c’était ce type-là qu’elle voulait avoir et pas un autre…et elle l’avait eu, cela avait même dépassé ses espérances.
I’m following the map that leads to you
++ Elle s’était réveillée un matin et il était là allongé face à elle, un sourire qui lui donnait un air presque enfantin peint sur le visage et qui tira à la jeune femme une moue amusée qu’elle fit disparaître dans son oreiller, marmonnant quelque chose d’inaudible à son petit ami.
« Hein ? Revient par là » lui avait-il lancé en l’attrapant par la taille pour l’obliger à revenir tout contre lui.
« J’aime pas quand tu fais ca. » avait-elle enchainé en fronçant les sourcils.
« Quand je fais quoi ? » il laissa échappé un rire amusé.
« Quand tu me regardes dormir, c’est creepy, t’as franchement pas mieux à faire ? » Elle avait beau essayer de rester sérieuse elle n’y arrivait pas vraiment.
« Nan ! » Il déposa un baiser sur son front et se leva pour filer dans la cuisine.
« Allez la belle au bois dormant bouge tes fesses, on a plein de choses à faire. »En contrepartie, il n’obtint qu’un grognement et une Natalia qui remonta les couvertures au-dessus de sa tête comme une gamine un peu trop têtue. Quelques minutes plus tard lorsqu’elle débarqua dans la cuisine, fort peu vêtu et les cheveux en vrac, ce fut pour lui demander ce qu’ils pouvaient bien avoir de si important à faire, car primo, il n’était que huit heures du mat et secondo, elle n’avait pas le souvenir qu’ils aient fait des plans ou alors elle avait bu plus que ce qu’elle pensait la veille au soir. Il commença à lui énoncer, une longue liste de truc pas nécessairement motivant tandis qu’il lançait la machine à café puis il finit par se retourner et lui lança un sourire identique à celui qu’il lui avait réservé à son réveil, elle commençait à le trouver bizarre, pour sûr qu’il manigançait quelque chose.
« Quoi ? » sourire aux lèvres et regard interrogateur.
« Ou…on peut laisser tomber tout ca et juste allez se marier ! »Elle se mit à rire très franchement en secouant la tête de gauche à droite avant de se rendre compte que lui ne rigolait pas et affichait désormais un air plutôt sérieux.
« Tu parles sérieusement ? » Il se contenta d’acquiescer d’un signe de tête.
« C’est comme tu veux, on peut aussi rester sur le plan A » Elle était estomaqué, c’était une idée qui sortait de nul part, complètement insensé…et pourtant.
« T’es complètement taré. » « Ca veut dire oui ? » Elle se mordit la lèvre inférieure, observant l’homme qui se trouvait devant elle
« Oui, ca veut dire oui. » Répondit, elle en riant avant de se jeter littéralement sur lui et de l’entraîner dans un baiser enflammé.
++C’est comme ca qu’après à peine 6 mois de relation, Natalia Antonović était devenue Natalia Manning. Jamais elle n’aurait pensé épouser James, il n’était pas de ce genre-là, pas de celui qu’on épouse, mais elle était sauvage et imprévisible et lui juste amoureux et instinctif et c’est sur un coup de tête qu’ils avaient franchi le pas et échangé leur vœux dans la plus grande intimité. Jamais, pas même aujourd’hui n’avait-elle regretté ce moment de folie, car elle avait été heureuse avec lui, il l’avait toujours traité avec respect, aimé et combler même si elle avait dû faire avec la famille et les noirs secrets qu’il amenait avec lui. Elle n’avait rien contre le club, elle appréciait même la plupart des gars et ne s’était jamais mêler de leurs petites affaires, fermant les yeux sur ce qui pouvaient se dérouler autour d’elle, c’était un pris parti, mais elle l’assumait entièrement. Elle avait fini par aimer leur compagnie, ils étaient après tout sa seule famille, celle qu’elle avait un jour connu lui ayant tourné le dos sans jamais revenir sur leurs pas.
I wonder where were you? When I was at my worst down on my knees and you said you had my back
L’annonce de sa grossesse avait été aussi inattendue que celle de son mariage, elle ne l’avait pas prévu, pas plus que lui à dire vrai, c’était juste arrivé comme ca sans crier gare. Ils n’avaient pas réfléchi très longtemps même après deux années de mariage, tout leur semblait encore curieusement idyllique. Les choses n’étaient pas parfaites loin de là, leurs disputes étaient violentes, mais leurs réconciliations plus que passionnées, ils étaient sans cesse attirés l’un vers l’autre comme deux aimants impossible à séparer, qu’importent les situations, qu’importent les raisons de leurs discordes.
Cet enfant avait été une révélation pour James, bien plus que pour elle pour être tout à fait honnête, en tous les cas jusqu’au moment où il n’y eut plus qu’elle et celui qui grandissait jour après jour au creux de ses entrailles. Car ce tableau idéal s’était désagrégé en un seul instant, une journée pour anéantir leurs vies dans leur entièreté, une seconde et James disparaissait derrière des barreaux de métal sans même lui laisser le temps de savoir ce qui pourrait advenir de ce qu'ils avaient mis tant d'ardeur à construire. 6 ans ferme, des années, une vie sans l’autre, Natalia avait essayé de faire face, de comprendre comment ce club pouvait lui prendre autant...et s'ils s’empressaient tous de venir lui témoigner affection et aide, elle ne les voyait plus que comme la cause de son malheur, un vautour dont l’ombre planait au-dessus de son avenir et celui de son petit garçon, une menace dont elle voulait s’éloigner le plus possible…une chance qui elle ne le savait pas encore à ce moment-là ne lui serait pas donné, elle n’avait pas réalise qu’en épousant James, elle avait aussi épousé ce club et que malgré l’absence douloureuse de celui-ci, eux au contraire ne la lâchait pas, elle avait toujours cet œil discret tourné vers elle, pas tant pour ses propres intérêts que pour protéger la propriété de ce frère qu’ils avaient lâchement envoyé payer leurs péchés.
++ « Maman ? » Une petite main était venue se glisser dans ses cheveux et lui arracha un sourire qu’elle s’empressa de faire disparaître dans son oreiller.
« Naaaaaaaaan tu dors pas. » Son bras se glissa sous la couverture et sa main rejoint discrètement le ventre encore chaud d’Elliot pour le lui chatouiller, il n’y avait rien de mieux que les éclats de rire du petit garçon pour commencer la journée.
« Je crois que c’est l’heure de petit-déjeuner, allez petit monstre en avant. » Il s’amusait à cacher son visage poupon sous les couvertures avant de réapparaitre pour mieux s’évanouir de nouveau.
« Maman va devoir manger tout les pancakes et toute la crème glacée, tant pis pour toi. » Elle avait quitté la pièce pour rejoindre la cuisine, des bruits de pas crapahutant à ses trousses.
« C’est mon anniversaiiiiiiiiire ». Une journée que Natalia s’efforçait de fêter avec faste et grandeur chaque année, peu importait s'ils leur fallait faire attention à leurs dépenses, certains jours faisaient exception et elle entendait alimenter cette tradition année après année, peu importait le stress qui l’envahissait tous les ans à cette même date, parce qu’elle savait qu’il appellerait et que comme à chaque fois, son cœur se briserait encore un peu plus…
++
When all the roads you took came back to me
Les cinq ans de son fils avaient eu un goût amer pour Natalia, elle savait que cette année serait différente, elle savait que tout ce qu’elle avait construit depuis la naissance de son fils allait se retrouver pris dans une tornade qu’elle ne contrôlerait pas, sa vie allait être mise sans dessus-dessous par le retour de son mari, celui même qu’elle avait laissé derrière elle et les jours qui défilaient les un après les autres ne la rapprochait qu’un peu plus de l’échéance problématique. Cette vie, elle n’en voulait plus, mais elle n’était pas sûre que le choix lui soit vraiment laissé...
Puis il était revenu et avec sa silhouette, les traits de son visage et le son de sa voix, les sentiments qui s’étaient endormis, ceux-là même qui l’avaient poussé à arrêter de venir lui rendre visite à la prison. C’était égoïste c’est vrai, il était seul dans ce trou mais elle n’y arrivait plus…comment expliquer à James à quel point le voir comme ca, ne pas pouvoir le toucher, rester spectatrice d’une situation devant laquelle elle se sentait impuissante et trahie lui déchirait les entrailles ? Comment lui faire comprendre que si elle mettait tant de distance entre lui et son fils c’était parce qu’elle était profondément effrayé qu’il puisse ne serait-ce que ressentir un dixième du chagrin qui ne la quittait plus ? Alors elle avait choisie la facilité, elle avait cesser de se présenter au parloir, avait laisser les visites conjugales s’éteindre et avait naïvement cru que cela serait suffisant pour qu’elle puisse repartir de l’avant mais ce n’était là qu’un mirage qui s’était dissipé à la seconde même ou son mari s’était affiché sur le pas de sa porte.
Renouer avec son mari, le regarder devenir un père c’est ce qu’elle avait attendu et espéré pendant six longues années et pourtant aujourd’hui ses sentiments étaient cachés et écraser derrière ses inquiétude et cette confiance perdue, propulsant le couple dans un dédale incertain de contradiction auquel elle n’arrivait guère à trouver de sortie.