after the battle ø thomas

After the battle

ft. thomas

James ferme la porte, ou plutôt, claque la porte derrière lui, cuir sur le dos, il s’arrête sur la dernière marche du perron et pousse un large soupir. Il a les nerfs, la colère qui lui fait rouler les épaules et serrer les poings, la mâchoire. Et aussi, il se sent comme un con, alors qu’il réalise évidemment, à peine sorti de sa baraque, qu’il n’ira pas voir les poules du club. Parce que même si elles l’intéressaient, il n’irait pas. Jamais il ne pourrait trahir son épouse, pas comme ça. Il a lutté comme un chien, s’est écrasé pour retrouver Natalia et n’ira pas la mettre à l’épreuve de cette manière, pas alors qu’elle porte sa fille. Il pousse un autre soupir, il a envie de cogner quelque chose, se contente de glisser ses mains dans ses gants de cuir et les serrer à s’en faire péter les jointures. Il a besoin d’aller vite.

Expliquer à son fils pourquoi il se barre pour la nuit, le lendemain, les prochains jours peut-être il n’en sait rien, n’a pas été chose aisée. Il en veut à Natalia pour ça, de toutes façons à cet instant il lui en veut pour à peu près tout : pour la marque de griffe laissée sur la selle de sa bécane, pour le petit caillou qui se glisse sous sa chaussure, pour la façon dont elle l’a regardé avant de partir. Il est en colère parce qu’elle ne comprend pas. Et qu’il n’est pas capable de lui faire comprendre le mal que ça lui fait, les entrailles comme ça lui tord… Il n’arrive pas à lui faire comprendre et il se sent complètement con. Il s’installe sur la moto, et se retient de cogner l’une de ses possessions les plus précieuses. Avant de partir, il passe ses mains sur son visage, dans ses cheveux, comme pour défaire la tension qui lui tire la peau mais rien ne fonctionne alors il enferme le casque autour de son crâne en proie aux milles questions et ferme la boucle.

La voix de son fils tourne en boucle, il était déçu. Ça lui a fait mal, de le voir hausser les épaules, encore une fois déçu que son père soit absent du diner familial. Il a essayé de tourner les choses pour ne pas lui faire de mal, lui faire comprendre qu’il n’a rien à voir avec ce problème et que parfois les adultes se crient dessus et qu’ils ont besoin d’espace. Pas facile d’expliquer ça a un gosse. Mais il ne voulait pas partir sans lui dire au revoir, au-delà de l’injonction perfide de son épouse.

« Allez, et bonne soirée chérie. » Un sourire, un salut de la main narquois, c’est ce qu’il a laissé à Natalia qui l’a observé monter et descendre les escaliers. L’a observé quitter la maison. Il enlève la béquille qui soutient le poids de sa bécane après avoir fait tourner la clef. Il jette un regard en direction de sa maison mais ne s’éternise pas davantage, se serait presque attendue à la voir à la fenêtre. Tout ce qu’il voit, c’est son fils, à la sienne. James lui adresse un geste de la main, rendu par l’enfant. Il n’a plus envie de partir.

Mais la fierté guide ses mains qui enclenchent l’accélérateur et le trésorier se met en route pour nulpart.


Nulpart, qui se révèle finalement être chez Thomas. Après avoir roulé trop vite, trop inconsciemment, après avoir slalomé entre les voitures et profité de la vitesse pour purger son besoin d’adrénaline, il a fini par décider de faire demi-tour en direction du West Side. Enfin, pas son West Side, la partie riche bien sur, puisque Thomas est tranquille dans son cocon doré. Il a grimpé sans réfléchir les marches quatre à quatre et est venu toquer à l’endroit bien connu.

« C’est pour quoi ? Une brune aux airs latins lui ouvre la porte. Elle n’est habillée que d’une culotte et d’un t-shirt qui ne lui appartient pas du tout. Sa tête lui dit quelque chose. James pourrait presque rire de trouver une des poules du club chez son meilleur ami. Il n’attend pas de lui répondre pour la dépasser et rentrer chez Thomas. D’un geste il balance ses clefs de maison et de moto sur la commode et se dirige vers le salon.

« Thomas ?
— Euh… ok, bon,…
— Ouais j’pense que tu peux te rhabiller et rentrer chez toi. Il lui adresse un maigre sourire qui n’a rien d’aimable, juste incisif, sarcastique, comme s’il appuyait un manque d’intelligence, comme si elle ne comprenait pas le message. Elle laisse échapper une sorte de rire outré, soulève ses épaules visiblement perplexe et James lui montre son t-shirt éparpillé là, pas loin d’un jean beaucoup trop serré pour être à Thomas.
— Allez, allez,…
— Sérieusement James ?
— Depuis quand j’suis pas sérieux, hein ? Il lève les bras dans un geste de présentation, penche la tête sur le côté. Allez tu l’verras demain, t’as plus rien à foutre ici si j’en juge par la gueule de ton maquillage.
— Sale con.
— Ouais, ouais. Il se laisse tomber dans le canapé de son meilleur ami alors que l’eau de la douche s’arrête. La gonz s’éloigne récupère ses fringues, s’habille derrière une porte et alors qu’elle revient dans le salon, Thomas lui même s’extrait du couloir menant à sa douche.
— Allez, salut Becca ! James lui adresse un geste de salut. La nana s’arrête, se tourne vers Thomas, lève les bras.
— Thomas ?
— T’as entendu le monsieur, non ? La colère passe comme un éclair sur le visage de la gonz qui se retient, s’imagine surement avoir un avenir en tant que old lady alors elle serre les dents et tourne le dos à toute vitesse pour claquer la porte de l’appartement du hacker.
— Pas trop farouche ça va… James lève à nouveau la voix et relève un regard plein d’amertume en direction de son meilleur. Désolé mec, j’t’ai pas prévenu, mais j’me suis dis que tes matelas de riche, mémoire de forme et tout, seraient meilleurs pour mon dos que le vieux canap d’un des autres gars. Il semble sourire mais rien n’a l’air de l’amuser à cet instant. T’as pas un truc à boire ? »

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After the battle

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Il ne répond pas quant aux allusions sexuelles de Thomas, certainement censé le faire marrer un coup. Il se contente de lui sourire mécaniquement, plus par automatisme que réellement convaincu par toute cette histoire. Ladite Becca lui est déjà passée au-dessus de la tête.

« T’inquiète, c’est pas comme si j’étais débordé. » James acquiesce, passe une main sur son visage et la laisse retomber contre sa nuque. Il observe son meilleur ami de l’autre côté de la pièce qui est toujours en serviette, visiblement content d’exhiber son six-pack. James suit le regard de Thomas qui lui indique un mini-bar –normal- et revient lui donner son attention alors qu’il reprend la parole sur le ton de la blague. Il aimerait bien se marrer aussi mais il n’en a pas envie, la vérité étant qu’il se sent comme un gros con et qu’il est fatigué. Il se sent sur les rotules, et la dispute avec son épouse est trop proche pour qu’il n’arrive à s’en défaire. Tandis que le hacker se barre pour se changer, James se lève dans un souffle agacé pour aller se servir dans le mini-bar. Il sait que ce que Thomas boit et s’avance en lui servant d’ores et déjà un verre. Il récupère les deux contenants qu’il vient déposer sur la petite table noire. Il se laisse tomber dans le canapé et dépose son verre sur son genou gauche qu’il fait tourner en attendant son frère d’arme.

« Depuis quand Romeo préfère délaisser une nuit d’amour et de licorne avec sa femme au profit de mon nouveau canap’ ? Il s’est passé un truc avec Nat’ ? »

Le trésorier lève un sourcil et pousse un profond soupir, déjà lassé par avance de la suite des évènements. Il laisse son regard accroché à la paroi circulaire du verre qu’il fait tourner entre ses doigts et se contente de rester silencieux quelques secondes avant de relever sa main pour trinquer. Il descend la moitié de son verre sans vraiment réfléchir. Les nombreux degrés du whisky qu’il s’est servi lui tirent sur la gueule et il grimace brièvement. Ça lui fait presque du bien à ce stade de la conversation.

« Ah mec, les gonzesse, putain… » À nouveau, il soupire. Son crâne trop lourd retombe en arrière contre le dossier du canapé moelleux et James se contente de jeter un bref regard à son meilleur ami. « Je sais pas trop combien de temps je vais crasher chez toi. Mais si tu préfères j’peux faire un tour chez un des autres gars, ou quoi… » Il se redresse, redonne son attention au hacker qui le renseigne d’un coup d’œil seulement sur le fond de ses pensées. « Nan mais sérieux, cette fois c’est moche. »

Le trésorier du club se penche en avant pour récupérer son verre après s’être défait de son éternel vieil hoodie qu’il dépose sur l’accoudoir sans se faire chier à le plier. Il tire une deuxième gorgée de whisky avant de fouiller dans ses poches pour en sortir une clope avant de livrer son paquet à Thomas. Il ne lui reste plus qu’à l’allumer et se laisser retomber au fond du canapé.

« Tu t’souviens d’Ronnie ? Ronnie Johnson… Lawson… Dawson j’crois j’sais plus t’sais, dans la catégorie ex pouilleux »

 

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« Ouais Dawson. Un peu que j’me souviens de ce gros looser. Eh bah quoi, c’est quoi le problème ? » Le blond récupère le zippo pour allumer sa clope également. Il fait passer la flamme au bout du tube de nicotine et aspire une première longue bouffée de poison. Il recrache la fumée dans un long soupir. Il est sursoulé, fatiguée, a envie de rentrer mais sa fierté est telle qu’il ne se laissera jamais faire. Il est son propre ennemi dans cette histoire, ne reconnaitra pas son excessive jalousie par pur principe. Il n’arrive pas à comprendre comment Natalia peut lui faire ça, ça le dépasse. Ok, il n’est pas parfait, mais il ne va pas parler à ses multiples exs, coup d’un soir, ou il ne sait quoi d’autre. Et ça lui suffit pour perdre la tête, parce qu’il sait qu’un rien pourrait les séparer. C’est déjà arrivé une première fois, il ne voit pas en quoi il serait davantage protégé aujourd’hui.

« T’sais c’est pas pour rien que ce trou duc porte le nom d’une série pour gonzesse hein. Le karma lui chien bien dessus de A à Z à ce redneck. » Il n’a même pas envie de rire et c’est dramatique. Il n’y a que pour Natalia que James perd la tête comme ça. Il ne se laisserait jamais aller sinon. Mais elle détient la clef, celle qui fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. Il sait ce qu’on pense de lui au sein du club mais il s’en fout. Sa femme, son épouse, la mère de ses enfants. Il la place au-dessus de toutes les autres femmes, sur un autel qui n’est dédié qu’à elle.

« Bon vas-y, dis-moi. » James est mal à l’aise. Il se replace dans le fond du canapé, tire à nouveau une bouffée de sa cigarette. « C’est juste que… Hm… Le blond place ses mains devant lui, parallèle l’une à l’autre. Il se redresse dans le canapé, finalement et tourne son visage vers son meilleur ami. Ce soir, je rentre. Normal après une journée au club, à éplucher ces putains de compte du Homewrecker. Je rentre chez moi, donc, et Natalia est en train de faire à manger. Et là, elle me dit qu’elle a été s’taper un p’tit resto avec ce mange-merde. Donc elle me dit qu’y’a aucune raison d’en faire une histoire, mais putain,… »

C’est immédiat, le trésorier recommence à avoir le visage rouge de colère et le cœur qui s’emballer à l’idée qu’elle se soit tapé la discute avec son ex. « Pourquoi faut qu’elle lui parle tu vois ? Alors moi, je lui demande pourquoi tu vois, pourquoi elle s’évertue à aller voir ses exs, hein ? Et elle me sort qu’elle lui doit bien ça ? »

James recommence à s’énerver, il se sent repartir dans une spirale, alors il s’arrête dans son récit, passe une main sur son visage, tire sur sa clope et s’autorise quelques longues secondes de silence, le regard fixé dans le vide. Ça ne sert à rien de s’énerver maintenant, après tout, ça lui a déjà bien suffit pour la journée.

« Fallait que Lloyd bosse avec elle tu vois, et qu’elle se mette à recauser à c’t’autre péquenot, mais putain je prends ça comme une punition, mec tu me connais, pas ça… Je peux pas croire, en plus, que ces trou du cul voudraient pas se la r’taper au passage, faut pas me prendre pour un con… Alors j’ai pété un câble, voilà. C’est ça au final. J’ai pété un câble, je peux pas supporter ça, ma femme enceinte jusqu’au cou va voir son ex. J’en ai chié pendant six ans, j’en ai chié pour la récupérer. Et elle leur tend des perches là… » Il s’arrête, porte le verre à ses lèvres pour gober une bonne gorgée. « Pas ça, juste… » Il hausse les épaules, soulève les mains, n’est pas capable d’en dire plus que ça. Ça le met hors de lui, et il a du mal à contenir la fureur qui lui colle au cœur.

 

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After the battle

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« Bon, j’avoue que c’est sacrément chelou d’aller s’taper un petit tacos avec son ex. Elle lui doit quoi en plus ? Que dalle.
— On est pas d’accord ?! » Il saute à moitié sur place, étend ses bras de chaque côté de lui comme pour marquer sa question. Mais Thomas ne rebondit pas sur ça, non, à la place, il préfère faire le grand garçon, le type qui réfléchit et défend Natalia ou en tout cas essaye. Et au passage, lui file des images dégueulasses de sa femme et Ronnie sur le capot d’une voiture sur un background post-apocalyptique. Il tire une grimace et essaie d’éloigner le sale tableau de son esprit en tirant une taff sur sa clope. Ça l’énerve, il aimerait que le hacker se mette plutôt à sa place, à lui dire qu’il a raison, bien sur, que c’est intolérable. Et d’ailleurs, d’où il commence ses phrases par « mais ça veut pas dire que », lui, le type le plus impulsif de la planète ? Ça le dépasse, et il n’est pas venu là pour se prendre cette facette de Thomas dans la gueule. Il préfère quand il est chiant et irrationnel. Comme lui en cet instant.

« Bref, j’comprends que t’aie le mort, t’en as chier, elle en a chier aussi et j’pense que ça vous suffit à tous les deux pour pas faire d’connerie, tu vois ? Et puis, c’est pas parce que Gras Double a envie de s’la taper que c’est le cas de son côté. Franchement tu crois pas qu’elle a autre chose à foutre que de te punir ?
— nan mais tu t’fous d’moi, vieux, là ?
— Par contre, ce gros fils de pute, on peut aller lui remettre les points sur les « i » s’tu veux, ça n’empêche pas qu’on puisse lui rappeler qu’il a plutôt pas intérêt à l’approcher en lui pétant les jambes. Peut-être que si on vise bien, il sera suffisamment paralysé pour n’plus la lever. Ça lui calmerait ses envies à ce connard. »

Le blond observe le hacker d’un air complètement décontenancé et ne souhaite pas rebondir sur les dernières paroles de son meilleur ami, qui sont pourtant celles qui lui plaisent le plus à vrai dire dans cette conversation. Il écrase sa clope fumée trop vite dans un cendrier qui traine avec un peu trop d’entrain et termine son verre par la suite. Lui qui pensait être trop fatigué pour être agacé sent la contrariété lui monter au nez.

« Donc, si j’t’écoute bien, c’que j’fais hein, et du coup merci pour les images de Ronnie qui saute ma nana c’est sympa. Le trésorier hausse les sourcils comme pour souligner l’évidence, un air sarcastique sur le visage, bien entendu. Si j’t’écoute bien, je dois laisser mon épouse trainer avec un mec qui a envie de se la taper ? Je dois, physiquement, la lui laisser à portée ? Y’a pas un problème là ? Et même si Natalia a pas envie de s’le faire, c’que j’espère bien tu vois, tu vas me dire que, toi, Thomas Hunt, dans le même cas, tu laisserais ta meuf trainer dans les pattes d’un type qu’elle a quitté… pour toi ? Oh oh… On parle du connard qu’elle a lâché à l'époque hein. Dans quelle putain de planète on vit ! » Il s’est levé durant son petit monologue incohérent et s’est mis à marcher d’avant en arrière, se reculant pour accentuer un effet de surprise ironique ou s’avançant pour poser une question rhétorique au hacker.

« J’en ai rien à foutre de ce qu’elle a envie ou pas, elle a pas à trainer avec ce mongole ! En quoi c’est compliqué à comprendre, merde ! Tu crois pas que ça m’a pas déjà assez cassé l’cul d’savoir qu’elle lui tapait la discute pendant que j’étais en taule, faut qu’aujourd’hui il soit encore dans le paysage ? C’est quoi cette histoire de trainer ou parler avec ses exs, est-ce que j’me paie un café avec les poules du club tous les quatre matins ? Tu m’vois aller leur faire des putains d’tresses ? Il fait une pause, attend une réponse négative. BON ! On est bien d’accord ! »

 

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« Ololooooooooooo ! Calme tes ardeurs mon vieux, c’pas moi qui tourne autour de ta gonz’ ! Tranquille. » James lève les yeux au ciel et pousse un large soupir. C’est pas le moment de le gonfler. Même s’il ne lui a rien dis, James est sur la brèche et prend à près tout n’importe comment. Il n’a pas envie de « calmer ses ardeurs » comme il dit, il a besoin d’expulser le trop plein de colère et de frustration. Il a l’impression d’être complètement incompris et cette réflexion lui fait faire la moue, comme un enfant de douze ans planqué dans sa chambre.

« Et lui là, ce gros fils de chien, il a rien à foutre autour de ta meuf. J’te dis, faudrait aller le lui rappelle. Deux trois coups dans la gueule et ça va lui remettre les idées en place une bonne fois pour toute.
— Mais même ça j’peux pas ! » Et hop c’est reparti, il se remet à tourner en rond, comme un lion en cage, passe une main dans ses cheveux, souffle comme dans le but de vider entièrement ses poumons. Ça le rend dingue, il n’a qu’une envie, exactement celle d’aller coller deux trois points sur les i du connard tatoué. James ne comprend pas comment on peut être aussi borner, son épouse lui en fait voir de toutes les couleurs, et même si elle jure que ça n’est rien… Il ne voit pas tout ce bordel du même œil. Il sait, parfaitement comment pense ce putain d’ogre. Il sait qu’il a une revanche à prendre et il est persuadé que Ronnie n’attend que le bon moment pour le faire. Comment peut-elle être aussi aveugle ? Non, définitivement, il ne comprend pas. Elle est lucide, sur bien des sujets, même quand lui est aveuglé. Cette fois pourtant, le trésorier sait qu’il est dans son bon droit, qu’il a parfaitement et rien ne l’en fera démordre. Et surement pas quand Thomas reprend la parole.

« La seule chose que j’te dis, c’est qu’on parle de Nat. Vieux, regarde un peu l’tableau. Vous en avez chié tous les deux, elle fait pas ça pour te punir, c’est finit tout ça, c’est derrière toi. Derrière vous. Faut que t’arrête de faire une focal sur ça, ok ? J’dis pas qu’elle a raison, juste que voilà, vous êtes passez à autre chose maintenant. Le trésorier s’arrête net dans ses pas et fait volte-face vers son meilleur ami. Il plante ses poings sur ses hanches (ok j’avoue là c’est parce que c’est drôle) et observe Thomas avec un air complètement désabusé. Il a entendu ce qu’il vient de dire ou pas ? Puis, soyons honnête, on sait toi et moi que t’es du genre excessif, à t’emballer. Mec, tu serais capable de te changer en tronçonneuse si jamais elle louche un peu trop sur un arbre, pour peu que ça soit masculin.
— Excessif ? » Il plante un index un peu trop fort au milieu de sa propre poitrine et se sent bouillir à nouveau, il a l’impression qu’il va exploser, son cerveau est trop gros pour sa petite caboche et le sang tape à ses veines, percussions malsaines qui n’augurent rien de bon. « Moi tu m’trouves putain d’excessif tu t’fous pas d’ma gueule non mais je rêve putain d’sa mère, EXCESSIF ?! » Il hurle, parle plus vite et plus vite encore, bouffe les mots, le visage rouge, la veine qui palpite. « C’est pas la putain d’foire, l’hôpital qui s’fout d’la charité sérieux c’est toi qui viens me dire que j’suis excessif mais mec quand t’auras une femme tu vas comprendre, ma parole ! » Ses mots lui échappent, il devient mauvais, il siffle entre ses dents, passe la paume de sa main sur sa bouche avant de le repointer du doigt d’un air accusateur. « Quand t’auras tous les queutards du quartier qui baveront sur elle on pourra peut-être en reparler parce que visiblement t’as rien compris, je vois pourtant pas c’qui vous échappe ! J'pas attendu 6 ans comme un connard au trou pour qu'on me sorte des conneries pareilles au diner, merde ! »

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Dire qu’il s’attendait à ce que ses propos lui retombent, littéralement, sur la gueule, serait mentir. Il n’a pas vu le coup venir et le crac qui impliqué sa peau contre l’os de sa pommette et ceux des phalanges de son meilleur ami a le don de lui filer le tourner. Il en a vu plus d’une passer, alors ce n’est pas la douleur qui l’arrête dans sa colère mais le choc, simplement, de voir que Thomas en arrive à la. Il reste immobile, la main portée au visage, stupéfait. Ça suffit à l’arrêter dans son grand speech et laisser Thomas déblatérer la suite du sien.

« C’est bon, t’es calmé Caliméro ? T’as terminé ou j’t’apporte ta coquille ? » Le trésorier se redresse, continue de passer sa main sur sa pommette qu’il sent encore comme en feu, son meilleur ami n’y est pas allé de main morte, mais il n’en attendait pas moins de lui. Il sait aussi qu’il ne frappera pas tout de suite, parce que le hacker doit bien se douter que James pourrait riposter et il n’a pas envie de cogner dans le vide. Il est fatigué, s’épargne des efforts compliqués qui lui demanderaient beaucoup d’énergie pourtant il a envie de lui en coller une, à son tour alors qu’il avance dans son fil de pensée.

« T’vas encore jouer les chialeuses pendant combien de temps James ? T’fais chier à geindre là, moi j’ai fait d’la taule, on m’punit, blablabla ! C’est bon, on avait compris que t’avais l’mort et qu’elle te casse les couilles ta femme avec jouer à la dinette avec l’autre gros sac ! » Ses yeux s’ouvrent et pour un peu il sentirait sa mâchoire se décrocher. Au-delà de son histoire avec Natalia, il a l’impression de ne pas complètement entendre ce que Thomas lui claque à la gueule. Il s’estime dans son bon droit et n’a pas envie d’entendre la moitié de ce qu’il lui raconte. Au lieu de le calmer, il sent la colère se reformer en boule et bloquer sa respiration, sa poitrine. Ses poings se serrent, ses mâchoires suivent mais heureusement Thomas n’avance pas plus loin qu’une dernière insulte.

Il le jauge, prêt à fondre sur lui, prêt à se jeter une nouvelle fois au combat, il le sait, ça lui ferait un bien fou. Mais James sait aussi qu’il n’est pas facile de s’arrêter et il est déjà sur ses rotules. Agacé d’être le seul à être pris pour un con quand c’est lui qui a fait les sacrifices et mérité par la même occasion le droit de gueuler comme bon lui semble et d’au moins décider que son autorité soit respectée. Il s’empêche de frapper ou d’attraper un truc à jeter n’importe où. Ses doigts frottent sur ses paumes de mains pour ne pas céder aux pulsions violentes qui lui font battre le sang à vive allure.

« Six ans, Thomas. » Ses dents sont serrées, il a l’impression de se désagréger au fur et à mesure des secondes qui passent. « Ça vous allait tous bien quand c’est moi qui me suis retrouvé derrière les barreaux, alors j’estime avoir gagné au moins le droit de gueuler, d’accord ? » Il siffle entre ses dents. « Six putain d’années, les premières de la vie de mon fils, sacrifiées pour le club, six ans où mon épouse, pas une pute au coin d’la rue, mon épouse,… a décidé d’aller voir ailleurs pendant que JE faisais mon taff. Alors non j’suis pas calmé ok ? » Il lève un doigt en direction du hacker, s’efforce de rattraper la légère fluctuation de voix permise à l’idée d’avoir perdu autant de temps dans la vie de son fils. « Y’a un an j’étais quasiment un inconnu pour Eliott. J’ai du la boucler et ramer comme un connard pour la récupérer, la boucler encore, et ramer, encore, pour le club parce qu’on est tenus par des abrutis. Alors je sais qu’c’est pas une balade de santé, mais si on pouvait me lâcher un peu au lieu de me casser le cul et surtout, surtout pas de m’foutre c’te vieille pute de redneck sous le nez, ça me ferait un bien fou. »

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Thomas se contente de le resservir. James desserre le poing pour attraper le verre. Il est fatigué, le poids de cette journée qui semble ne plus finir lui pèse sur les épaules. Le pire dans cette histoire est qu’il n’a pas envie de rentrer chez lui, pas tout de suite, la colère lui brule toujours les veines.

« Parce que tu crois que ça m’a fait plaisir de voir mon frangin se prendre six ans de taule dans les pattes ? Tu sais parfaitement que si j’avais eu l’choix, j’les aurais pris à ta place. » Le trésorier pousse un soupir, défait son poing libre pour passer la main dans ses cheveux, comme s’il cherchait enfin à essayer de se remettre. Ses émotions lui font faire une montagne russe, d’abord énervé puis triste, puis profondément agacé, vexé, persuadé d’être complètement incompris, qu’il est le seul à payer dans cette histoire. Il n’empêche qu’il s’estime être dans son bon droit quant à ce qu’il demande à Natalia. Et même si sa fureur semble se refroidir et qu’il est conscient d’avoir dépassé certaines limites, à son plus grand regret, lui qui déteste avoir tort ; il ne reculera pas par rapport à cette position. Il est dans le droit de remettre en question la présence de cet homme dans la vie de sa femme. Car, si elle a accepté de l’épouser à nouveau, c’est bien lui et les Kings of Speed. Et s’il ne voulait pas l’impliquer davantage, son avis et ses besoins ont changés depuis la mort de Caleb et l’annonce de la grossesse. Il a besoin d’elle avec lui, le trésorier a conscience qu’il ne pourrait pas avancer sans la mère de ses enfants. Et s’il n’a pas su le dire ainsi, c’est pourtant le fond du problème. Il n’arrive pas à dépasser la trahison, son histoire avec Lloyd, et veut se croire en parfait contrôle pour que ça n’arrive pas à nouveau.

« J’dis pas que t’as pas le droit d’être en colère James, au contraire. T’as toutes les raisons du monde d’avoir la haine comme ça. J’dis juste qu’à un moment, va falloir que tu passes au-dessus de ça si tu n’veux pas t’laisser bouffer par toute cette merde. Regarde dans quel état ça t’mets. James relève la tête, s’enfile une gorgée d’alcool. Tu vas nous faire un AVC avant tes trente-cinq piges à ce rythme-là. L’humour est la manière qu’à Thomas de gérer la colère de James. Et même si celui-ci n’a pas envie de rire, il ne lui jette pas pour autant un regard sévère, s’efforce d’essayer de redescendre. La vérité est qu’il se sent mal, parce que son temps de prison n’est finalement pas si loin de lui qu’il se plait à le penser, et qu’il n’a toujours pas réussi à passer au-dessus de ça. Mais t’en as visiblement gros sur la patate, t’as déjà parlé de tout ça avec Nat au moins ? Parce que j’en ai pas vraiment l’impression.
— Non, à peine et qu’est-ce que t’veux que j’lui dise Thomas ? Il n’est pas agressif, l’espace d’un instant, James a juste l’air… désespéré. Fatigué d’avoir à se répété, d’avoir à se justifier. Il en veut à son épouse d’avoir été voir Ronnie, peu importe ce qu’elle lui assure, peu importe qu’il s’agisse d’un prétendu « ami ». Peu importe qu’elle pense lui en devoir une. Ce concept le dépasse. Elle en fait qu’à sa tête tu la connais ! C’est un constat, un trait de caractère qui l’a poussé vers elle, très certainement à l’époque, encore aujourd’hui ; mais avec lequel il a du mal à négocier aujourd’hui. Elle va me dire que c’est du passé, qu’il y a plus rien, que ça n’arrivera plus mais la vérité c’est qu’j’en sais rien ! Elle en sait rien, on n’a pas d’vues sur le futur, on sait jamais ! Ni toi ni moi ne sommes à l’abri de tomber, c’est c’qui fait notre allégeance au club. J’ai beau lui faire confiance, parce que va pas croire que c’est pas l’cas, on sait jamais. Et j’ai trop perdu pour continuer dans c’sens. Parler de ce qu’il ressent le met mal à l’aise, il se remet à bouger dans l’espace, enfin, signe qu’il n’est plus à deux doigts de se péter un tendon. De temps en temps, ses lèvres capturent un peu d’alcool et puis, il se remet à tourner en rond. J’veux dire d’abord aller le voir et ensuite me dire, quand le mal est fait, parce qu’elle sait TRÈS BIEN que j’aurais jamais été d’accord. Ça a bien été prévu c’truc avant qu’ça arrive elle lui est pas « rentré dedans par hasard en sortant d’un bar ». Tu vois c’que j’veux dire ? » Le trésorier s’arrête, relève une main en direction de son meilleur ami. « J’suis pas madame irma mais à priori j’sais plutôt bien quand on s’fout d’ma gueule. »

 

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