high life | fanny

Les yeux sur le téléphone mais les mains sur la guitare. Il joue, n'y fait même plus attention – la musique se fait d'elle-même, les notes devenues un automatisme dont il ne pourra se défaire. Après tout, c'est la musique de leur mariage. Daniel est parti au matin, s'en retournant aux affres de ce métier qu'il maudit, quant à lui, silencieusement. En secret. Il se souvient de l'importance que ça peut avoir dans la vie de son amant, fiancé – bientôt époux. Un sourire s'ancre sur ses lèvres en y passant, il faut que Fanny lui réponde. Il faut qu'elle voit, qu'elle sache. Il faut qu'elle comprenne l'absence de nouvelle qui les a séparé depuis peu. Entre le coma de Daniel, la nouvelle quant à sa reprise, les préparatifs... il pensait ne jamais pouvoir s'en sortir. Faux. C'est en bonne voie, la machine est lancée, le tout est pratiquement terminé. Il ne lui faut plus que de la patience. Un peu plus de patience qu'en cet instant. Ça l'agace qu'elle ne réponde pas, il veut tout déballer, tout lui faire savoir – et encore, en y pensant, la musique s'arrête et Leo réfléchit. Par message, vraiment ? Non, il ne peut pas lui faire ça. Pas à elle, pas de cette manière là. Il se lève en s'activant, ses chaussures enfilées, c'est à la recherche de ses clés qu'il part, un dernier coup d’œil sur son téléphone en bravant la porte d'entrée de cet appartement de nouveau ensoleillé. Il parvient à vivre avec l'absence de Claudia. Il parvient à vivre avec l'idée qu'elle ne pourra plus être dans ses bras. Non, la vérité c'est qu'il parvient à se dire qu'elle est enfin en paix. Il esquisse un maigre rictus, coupé dans ses pensées par son téléphone qui se met à vibrer. Rien de prévu hein ? Parfait. C'est confiant qu'il arpente les rues de la Cité des Vents, à la recherche d'un taxi qu'il se met à attendre finalement. Non pas que la route soit longue mais il ne tient pas tellement, impatient. Tellement impatient. Il faut dire que les faire-part traînent un peu, à moins qu'elle l'est déjà eut et le fasse marcher ? Qu'elle fasse l'innocente juste pour pouvoir le laisser venir et rattraper ce temps qu'ils n'ont pas eut. Cette idée ne l'étonnerait pas mais il lui laisse le bénéfice du doute, convaincu qu'elle ne puisse pas jouer ce jeu trop longtemps – et au pire, elle lui aurait d'ors et déjà envoyé un message. Non, elle ne sait pas encore. Tant mieux, il aura le privilège de pouvoir lui annoncer. Leo pourra satisfaire sa fierté en voyant le bonheur de son amie en direct quant à ce qu'il a à énoncer. Parce qu'il sait à quel point elle pourrait être fière de ce chemin parcouru, de cette remontée exemplaire quant aux ténèbres qu'il n'a que trop connu. Leo revient de loin, de trop loin même finalement, bravant la douleur, la souffrance d'une perte pour s'offrir quelque-chose de tout autre. Bien plus chaleureux, bien meilleur ; entre ses mains se tient désormais un avenir pour lequel il y met du cœur.

Et ce sont des mots à dire là-dessus qu'il cherche tandis que l'automobile jaune le mène jusqu'à Fanny qu'il a contraint à rester chez elle. Il faut qu'il la voit, au diable ce qu'elle pourrait avoir à faire en dehors de ça. C'est égoïste, certes, mais nécessaire. Nécessaire pour lui, c'est vrai. Ça l'est tout de même et il est prêt à endurer le titre de selfish rien que pour cela. Les billets verts donnés, le pourboire donné avec un sourire inhabituel pour le chauffeur visiblement, chose qu'il devine à la manière dont il le toise, ne partant pas de suite – peut-être choqué, qui sait ? Lui est de bonne humeur, de très bonne humeur comme souvent depuis peu. Il paraît que c'est une bonne chose et il l'affirme sans soucis, loin de cette dépression qu'il a subit. Ce qu'il oublie aisément en soit, trop concentré sur les préparatifs de son mariage, aujourd'hui lancé à toutes jambes jusque chez Fanny qu'il accueille d'une trop grosse étreinte sûrement. « Putain que tu m'as manqué. » Qu'il laisse entendre, la serrant au mieux dans ses bras, plus que content d'être là. Ces lieux sont, après tout, un repère qu'il aime à arpenter ; son lien avec Fanny n'a fait que grandir au fil des semaines, des mois derniers. Elle est l'une des personnes qui lui est chère, l'une des personnes pour qui il donnerait tout ; Daniel, Taylor, Jess y comprit, bien-sûr. « Ça va j'espère ? T'as intérêt à aller bien, j'te préviens. » Un baiser sur la joue et il la laisse enfin respirer, reprenant ses distances avec son hôte retrouvée.

Son sourire s'impose à lui, toujours aussi large, aussi soutenu. Il aime à l'admirer, se souvient de toute cette aide que ça a pu lui apporter ; Leo donnera beaucoup pour la remercier, pas encore sûr de la manière dont il devrait s'y prendre. Néanmoins, il fait au mieux, tente par tous les moyens de s'assurer qu'elle ne manque jamais de rien – grand cœur avide d'un peu de paix pour la vie de son amie. « Oui ça va, et ça va encore mieux maintenant que tu es là Leo. Faut qu'on prenne le temps de se voir un peu plus. Un énième sourire, cet air flatté qui se trahit le long de ses traits. Il accepte le compliment, cette remarque quant au fait que sa présence ne dérange pas ; heureusement en soit, vu les nouvelles qu'il apporte, ce serait dommage que de gêner. Aussi, il acquiesce également à ses derniers dires, plutôt d'accord avec cette idée. Parce qu'ils se sont éloignés ces derniers temps, cependant que physiquement. Sa faute à lui, en partie. Les préparatifs pour son mariage ont accaparé une grande partie de son temps, une grande partie de son attention. Leo s'est perdu là-dedans avec toute l'attention, tout le cœur qu'il fut en mesure d'y mettre. Il tient à ce que ce jour soit parfait, ne manque plus qu'à s'assurer que les âmes auxquelles il tient le plus seront présentes à ses côtés. Et toi alors ? Je dirais que ça va aussi mais je te laisse me répondre quand même. Tu veux boire quelque chose ? » Il accepte, s'engouffre dans l'appartement qu'il connaît déjà ; quelques souvenirs lui reviennent mais il choisit de ne pas en tenir compte. Ces mauvais moments sont derrière lui, Claudia ne voudrait pas le voir faiblir alors qu'un avenir meilleur se dresse enfin contre sa vie. Malgré sa volonté à vouloir trouver le coupable de cette perte, malgré toute cette hargne dont il pourrait user pour ne serait-ce qu'y arriver, Leo fait le choix de taire toutes ces voix, tous ces songes qu'il n'a déjà que trop ressasser par le passé. Place au bonheur, place au renouveau, place à cette reconstruction qu'il essaie de mener à bien ; le blond est entré dans un nouveau chapitre de sa vie. C'est une vérité qu'il tient encore silencieuse, comme un secret qu'il peine néanmoins à garder ; Dieu qu'il aimerait pouvoir tout lui déballer sans même attendre d'être installé. Mais l'auxiliaire de vie parvient à user un peu de patience, suivant la jeune femme jusqu'au séjour où il se laisse aller, là, sur le canapé dans lequel il a trouvé tant de réconfort. Pas de larmes cette fois, seulement ce radieux sourire ancré le long de ses lèvres et dont il ne parvient pas vraiment à se défaire.

« Sors nous quelque-chose de festif, j'ai de bonnes nouvelles avec moi. » Il ose, laisse sous-entendre qu'il n'est pas vraiment venu pour des broutilles ; bien que ça ne l'aurait pas dérangé. Il aurait dû venir plus tôt finalement, il aurait dû la mettre dans la confidence, obtenir peut-être une aide supplémentaire au bazar qu'il a géré pratiquement à la dernière minute – merci le coma de Daniel qui n'a pas aidé son esprit à être plus concentré. Mais à y réfléchir, Taylor a été extraordinaire et il n'avait pas besoin de plus que tout ce qu'elle est parvenue à lui épargner, tous ces détails qu'elle a su régler ; Fanny, de son côté, doit avoir bien plus urgent à gérer. « C'est à propos de Daniel et moi. Il commence, laisse la blonde le rejoindre au salon et s'installer avec la bouteille et les verres amenés. Il en tremble presque, heureux de cette grande avancée, heureux d'avoir su faire la part des choses et tout recommencer. Il mérite de pouvoir pleinement se relever, Leo mérite de retrouver un peu de paix. Tu devrais recevoir le courrier dans quelques jours mais je n'pouvais pas attendre et je préfère te le dire moi-même que sur un bout de carton. » Il se confie là-dessus, persuadé qu'elle mérite mieux que de l'apprendre comme le reste des invités. Après tout, elle est l'une de ses meilleures amies, l'une des seuls qui se soient souciés de sa personne quand le pire était à braver.

Il voit ses traits se confondre en interrogation mais il tient, Leo parvient à taire la nouvelle encore quelques instants. Il doit faire preuve de patience, faire les choses dans l'ordre ; après tout, il vient seulement d'arriver. Alors il prend sur lui, plus que jamais au fur et à mesure que les secondes s'écoulent, que le temps passe. Maigre mais puissant, il tient un secret plus grand qu'il ne l'aurait imaginé, plus lourd qu'il ne le pensait ; Dieu qu'il aimerait pouvoir le crier sur bien des toits, rien que pour pouvoir pleinement se vanter de la chance qu'il peut enfin posséder. « Une bouteille de champagne avec deux flûtes, je n'ai pas plus festif pour vous monsieur Sanders, j'espère que ça ira. » Il ose un sourire, s'abstient de faire savoir que son nom ne sera plus celui-ci d'ici peu mais chaque chose en son temps et, finalement, tandis qu'il acquiesce, qu'il poursuit, il voit cette surprise s'inscrire le long de ses traits. Elle comprend enfin, son secret n'en est plus un. Le cœur qui s'emballe, qui bat plus que jamais, ça lui fait un bien fou de voir autant de personnes se réjouir de son bonheur, prôner – parfois – qu'il le mérite amplement. Tout sourire, il laisse son amie servir, continuer sur sa lancée, ne rien perdre de l'objectif qu'ils se sont donnés de fêter ce qu'elle ignorait encore lorsqu'il est arrivé. Une seconde, deux puis quelques autres avant qu'elle ne parvienne à s'immiscer entre ses bras. Leo accepte l'étreinte, plus heureux que jamais – il faut l'avouer. « C'est super ça, je suis si contente pour toi, Leo, pour vous deux. » La serrant tout contre lui, il la remercie plusieurs fois, trop fier de lui pour feindre une neutralité qui, de toute manière, ne serait pas la bienvenue – c'est une nouvelle heureuse qu'il annonce, pas un simple fait aussi banal que d'ordinaire. Il essaie de ne pas trop s'y perdre, de ne pas trop s'emballer, beaucoup ont été les personnes lui ayant fait remarqué qu'il avait tendance à trop en parler mais ça le touche au plus profond de lui. Lui qui pensait qu'il ne pourrait jamais obtenir telle relation au vu des chaos ambulants qu'il côtoyait à l'époque est surprit lui-même par cette situation, la manière dont tout ça a évolué. Le récit qu'il avait commencé avec Daniel, au départ voué à l'échec, ne fait que continuer et sur la meilleure des voies. « C'est gentil, j'ai même pas eu à dire les choses pour que tu devines – comme quoi ça devait être une certaine évidence. » Il en rigole, se moque de sa propre personne en usant de ces termes plus que niais.

Mais il s'en remet, doucement. Il réinstalle une certaine distance bien qu'il n'y ait aucun mal, s'empare des flûtes avant de lui en tendre une. « Va falloir m’appeler monsieur Mills bientôt, on a choisit de prendre son nom. » Un sourire en coin, les joues tout de même assez empourprées. « La date est calée à Septembre, de toute façon tu auras tout sur le faire-part. Je voulais surtout te l'annoncer moi-même plutôt que sur un bout de carton depuis le temps qu'on s'est pas vu. » Il se risque à une nouvelle étreinte, prends soin de ne pas renverser le champagne qu'elle leur a servit un peu plus tôt – et, en y pensant, il se redresse enfin. « Bon, du coup, j'imagine qu'on peut trinquer, tu t'opposes pas à ma décision ? » La question est bête mais il la laisse tout de même répondre, le blond plongé dans un état d'euphorie au fur et à mesure que septembre s'approche et, avec lui, ce jour qu'il attend plus que jamais.

Les craintes se dissipent, lentement. L'espace d'un instant, Leo en oublie les tourments qui règnent en lui depuis le début des préparatifs, depuis qu'il se doit d'organiser toute cette journée pour qu'aucun faux pas ne soit possible. Il fait au mieux, y met un cœur certain pour parfaire cet instant qui commence à se faire attendre – de plus en plus au fur et à mesure que les jours s'écoulent, que les nuits tombent et s'estompent. Il en oublie toute cette douleur, cette panique qui aime d'ordinaire à le prendre aux tripes. Non, comme souvent, en compagnie de Fanny, tout devient facile, agréable, plus prenant que ça ne l'a jamais été. Raison pour laquelle il se confond en étreinte, raison pour laquelle il aime à voir ce sourire sur les traits féminins. Ça lui rappelle qu'il parvient à s'en sortir, que contrairement à tout ce qu'il a pu croire durant des années, il est assez fort pour pleinement se relever – grâce à elle et à d'autres, avant tout. « Parce que tu as besoin de ma bénédiction peut-être ? Il hausse les épaules, laisse son sourire contaminer la moitié de son faciès. Il n'arrive pas tellement à s'en défaire, bien trop heureux de venir lui annoncer tout ça, bien trop heureux de pouvoir retrouver un semblant de vie normale après la perte de Claudia. Pour la première fois depuis longtemps, depuis bien trop longtemps même, Leo peut avouer respirer convenablement. Une manière silencieuse de la remercier pour toute l'aide qu'elle a pu lui fournir, pour sa présence toujours offerte dès lors que le gouffre semblait le ronger. Aussi, il acquiesce à sa question, il ose. Il en attend beaucoup de sa part parce qu'elle a été celle qui a permit au blond de remonter avec une certaine assurance. Il tient à ses conseils, il tient à ses pensées, il tient à s'assurer qu'il ne fait pas d'erreur comme aveuglé de stupidité – même s'il refuse d'imaginer que son engagement avec Daniel soit une faute commise. Il l'aime trop pour ça, trop pour laisser quelqu'un prétendre qu'il n'est pas fait pour ses bras. Mais qui sait, peut-être aurait-elle eut quelque-chose à en dire ? Bien-sûr que je te la donne, car si c'est ce que tu veux pour ton plus grand bonheur, alors c'est ce que je veux aussi pour toi. » Un rire brave la frontière de ses lèvres et, à vrai dire, le rouge lui monte aux joues. Il ne sait pas trop comment tout encaisser, encore sur une espèce de nuage depuis la demande, depuis les premières préparations. Leo est aux anges.

« Crois-moi, j'en attendais pas moins pour parfaire le tout. » C'est là-dessus qu'il s'offre la première gorgée de champagne après avoir trinqué. Là-dessus qu'il ouvre leurs petites festivités, conscient qu'encore beaucoup est à dire sur cette journée bien spéciale. « Du coup, j'en viens à une question... j'ai choisi ma témoin déjà mais j'aimerai que tu sois aux premières loges avec nous. Je te demande pas forcément de faire un discours sauf tu tiens à en faire un mais au moins tu viennes avec moi pour la décoration, tout ça... Il marque une pause, guette sa réaction. Leo prend sur lui pour ne pas exploser, ne pas laisser toute sa joie prendre d'assaut l'appartement de son amie. Il essaie, depuis qu'il a dit oui, de contenir cette joie des plus encombrantes. J'veux dire par là que j'suis pas le meilleur pour ce genre de préparatifs mais toi tu tiens un bar, tu sais ce qui rend bien et tu fais bien plus classe que moi. » Il la désigne d'un bref geste de la main, démontre ses dires par sa prestance qui diffère bien de la sienne. « Je peux te demander ça de manière officielle si tu veux. Il dépose sa coupe sur la table, lui revient en venant quérir l'une de ses mains. Leo en joue et paraît plus bête que d'ordinaire, il paraît que le bonheur peut rendre assez con – et il l'assume plus que jamais. Fanny, acceptes-tu de m'aider dans tout ce merdier ? » Un rire franc et il essaie de retrouver un semblant de sérieux au vu de tout ce qu'il reste à faire – si Taylor l'a déjà beaucoup aidé, à deux ils n'iront pas très loin.

« Attends, t'es en train de me dire que c'est un si gros merdier que ça ? Il hausse les épaules, tique un peu. Leo cache, derrière un maigre sourire, le fait que tout est un merdier sans nom et que le coma de Daniel n'a pas tellement aidé. Il a dû gérer, il a dû faire en sorte que tout soit au minimum prêt. Mais il traîne, l'homme, il traîne par manque de bras, manque de temps. A avoir voulu faire au plus vite pour s'y lier, Leo en a oublié que les jours sont courts et peuvent rapidement se terminer. Les nuits s’enchaînent et, oui, il traîne. Allez, si tu me supplies, je t'aiderais peut-être, sinon, je peux pas, j'ai aqua-poney tout les samedis et dimanches matins. » Un rire franc, un léger poids qui se retire de ses épaules. Leo croit pouvoir respirer l'espace de quelques secondes. « Non, mais j'accepte avec plaisir. Et heureusement, il ne sait pas trop ce qu'il aurait pu imaginer sans l'esprit de cette jeune amie. Il lui fait confiance, place pas mal d'espoirs pour sa journée au creux de ses mains. Et, à vrai dire, Leo ne manque pas d'en devenir aveugle. Tu as déjà des pistes ? Qu'est ce qu'il te manque exactement ? Tu as le nombre d'invités ? La salle pour le mariage ? Les questions tombent, s’enchaînent. La machine se met en route sans qu'il ne puisse y parer. Leo soupire, prit de court, cache son désarroi derrière un sourire des plus larges. Mais rien ne l'arrête, Fanny s'emporte dans une excitation qu'il ne lui reprochera pas – bien au contraire, elle est l'aide qui pourra apaiser ses bras. C'est un fait, l'étincelle qu'il perçoit dans son regard en dit long sur le cœur qu'elle compte y mettre. Et, finalement, Leo doit avouer qu'il ne s'est pas trompé. Il me faut savoir à peu près pour que je tente de visualiser tout ça. Tu as des idées de thèmes ? Parce que j'ai déjà plein d'idées pour ça. » Quand lui, de son côté, n'en a pas tellement. Il n'a réfléchit à rien, lui propose cette place dans l'organisation pour cette raison même. Il ne s'en fait pas, l'inquiétude s'estompe presque aussitôt qu'elle se lance, qu'elle s'imagine la cérémonie qu'il vient de placer entre ses doigts. Le palpitant s'emporte, trahie la joie qu'elle insuffle chez lui à bien vouloir se mêler à tout ça, à cette préparation chaotique qui bat encore de l'aile. Plus pour longtemps, pas en sachant que Fanny entre finalement dans la partie. « Je viens de penser à un truc. Si tu changes de nom de famille ça veut dire que c'est toi qui va porter la robe de marié ? Tu vas avoir besoin d'aide pour ça aussi. » Il allait pour boire une gorgée de sa coupe mais sa connerie le coupe dans son élan ; Leo fait au mieux pour ne pas tout recracher, pour ne pas tout salir par bêtise. Mais elle le cherche, en soit. C'est elle qui se risque à ce genre de plaisanterie alors qu'il n'a pas forcément les mains vides.

« T'en as d'autres des conneries dans ce genre ? » Les mots bravent le sourire, le rire qui s'extirpe du fond du cœur. Il s'apaise, le jeune homme. Il reprend un peu de couleurs, de celles qu'il perd dès lors qu'il se risque à évoquer tout ce qu'il doit encore faire. Mais si la belle lui retire une épine du pied, il peine encore à marcher. « J'ai pensé à rien, j'suis désolé. Je t'avoue que je fais comme je peux et que je dois pas forcément faire les choses dans le bon ordre... Donc, vraiment, j'attends tes conseils concernant tout ça, j'te laisse plus ou moins carte blanche en soit. Une pause, le blond qui réfléchit, qui essaie de se projeter au mieux à ce jour à venir, à ce week-end très loin de promettre des merveilles. Pour l'instant en tout cas. Rien que pour l'instant... il l'espère. Je verrais avec Daniel s'il avait envie d'une idée précise et pour la salle qu'il veut. Je te tiendrais au courant rapidement. » Et, cette fois, il parvient à terminer son verre, à fêter cette nouvelle annoncée correctement et dignement. « Il me reste juste les plans de tables... et crois-moi, c'est pas une partie de plaisir. Je pense que je vais attendre de voir la disposition pour essayer de faire quelque-chose de potable. J'suis complètement à la ramasse... » Il l'avoue mais ne s'en démoralise pas, pas en sachant que le pire est encore à venir. Il a la force nécessaire et sait qu'il ne le fait pas pour rien – ces jours à venir, ceux dont ils parlent, seront les meilleurs de sa vie.

« J'en ai plein oui, mais je suis sûre que tu serais super classe en robe de mariée vraiment. » Un instant de doute, le regard qui trahie le fait qu'il ne soit pas si convaincu que ça – force est d'avouer qu'un sourire se dessine le long de ses lèvres à s'imaginer en robe. Il pourrait le faire, il pourrait oser mais cette journée se doit d'être grandiose. Il y tient, le blond, fera tout son possible pour s'assurer que rien ne manque, que rien ne soit bâclé. « D'accord, on verra à ce moment là, mais si jamais il y a des couleurs que vous ne voulez absolument pas avoir par exemple, ça serait bien de le savoir, histoire que ça vous plaise. » Il acquiesce alors, continue sur sa lancée, laisse ses lèvres baigner avec le champagne qu'elle a servit pour l'occasion. Il y prend goût, finalement – à tout ça. Il commence à se perdre dans la possibilité que la pente dévalée ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Son deuil commence vraiment depuis la demande, son deuil commence réellement depuis qu'il est certain que justice finira par payer – peu importe quand ou comment, il se promet que ce sera chose faite. « Pour le plan de table, c'est à toi de voir, mais peut être que tu devrais laisser un place assez libre ? Comme ça, peut être qu'il y aura moins de risques que les mauvaises personnes se retrouvent trop proches ? Enfin, c'est à toi de voir évidemment. » La tête se relève, suivi d'un haussement d'épaules. Là-dessus, il est complètement perdu, ne sachant pas trop comment s'y prendre. Il lui faudra prendre un sacré temps de son planning pour pleinement y réfléchir, revoir les quelques dispositions déjà imaginées. Leo a énormément de choses à faire et un temps bien trop limité. « Mais nous allons avoir du boulot, je note déjà les idées que j'ai et puis je te dirais tout ça, je vais essayer de ne pas partir trop loin dans le délire. » Un nouveau rire, quelque-chose de sincère qui brave la pièce qu'ils animent à eux deux et un peu plus joyeusement que la dernière fois. Ça n'a rien de comparable, l’événement à venir n'amène pas des aurevoirs mais bien le début d'une toute autre histoire. C'est un grand pas qu'il s'apprête à faire, un engagement des plus sérieux, des plus enivrants. Et c'est pour ça qu'il est dans cet état, un peu stressé, un peu perdu – errant dans des eaux plus qu'inconnues. « On verra bien ce que ça donne, faut que j'arrive à me faire un ordre de priorité et ça ira comme sur des roulettes. Enfin, je crois. » Les sourcils qui se froncent pour feindre l'incertitude. Et même s'il en joue là, la vérité est quasi similaire. Il est incertain, pas pour la réponse qu'il donnera à la fin mais bien pour ce qui reste à faire et qui, d'ailleurs, repose entre ses mains.

« En tout cas, je te suis vraiment reconnaissant de bien vouloir m'aider là-dedans. » Les mots sont énoncés mais il y ajoute le geste, réinstaurant une accolade entre eux deux. Il y tient, veut qu'elle puisse savoir à quel point ça importe pour lui. Après tout, ce jour ne devrait être vécu qu'une fois dans sa vie – du moins il l'espère, ne serait pas en mesure de voir Daniel partir et de le perdre. Non, il n'a pas de doute là-dessus, sait que les choses ne pourront jamais les séparer à ce point. « J'essaierai de tout t'envoyer par message du coup. Que tu puisses au moins te faire une idée de ce qu'on attend ; moi je sais à peu près mais je dois en parler avec Daniel. » Un sourire le long des lèvres, Leo lui rend sa liberté, un peu tremblant désormais. Tout se concrétise plus ou moins, tout est en train d'avancer – tout comme les jours qui, en attendant, persistent à s'écouler. « Si ça peut te rassurer, je ne doute pas de tes capacités et je sais d'avance que ça va défoncer. » Un franc sourire et le regard qui lui revient, qui se fait instinctivement désolé. « Par contre, je m'en veux de venir t'embêter avec tout ça alors que je t'ai pas demandé comment ça se passait pour toi. »

Il a le cœur un peu plus apaisé, l'impression que les choses seront amenées à bien se passer – c'est l'effet qu'à Fanny sur lui depuis longtemps maintenant. Elle est une amie dont il ne pourrait se défaire, un vrai havre de paix au même titre que peu de personnes dans sa vie. Raison pour laquelle il y tient autant, s'assurant toujours de pouvoir être là pour elle si besoin est – comme elle pour ce beau jour à venir. « T'inquiètes, j'ai déjà organisé tout un tas de soirée au Blue Frog's et tout, ça se passera bien tu verras, on s'en souviendra pendant longtemps de ce mariage là. » Bienveillante, comme toujours. Il ose un sourire, quelque-chose d'heureux qui trahi aisément cette joie retrouvée, cette belle impression d'avancer. Elle commençait à se faire rare avec tout ce qui s'est passé, avec tout ce qu'il a dû braver mais le meilleur est à venir – il commence à ne plus en douter. L'homme s'en convainc tandis qu'il lui revient, n'apportant plus que de l'attention pour celle qui le reçoit et le réconforte dans ses doutes persistants. Un sourire sincère le long des lèvres, Leo prend le risque de se perdre sur sa personne et rien que cela, cherchant à savoir les nouveautés qui pourraient l'entourer. Il arrive qu'ils ne puissent pas se parler et c'est à ça qu'il veut remédier, reprenant la parole de sorte à pouvoir désormais l'écouter. « Moi ça va, je n'ai pas encore prévue de me marier si c'était la question, mais peut être que je rencontrerais un beau jeune homme à ton mariage qui sait ? Ce serait drôle quand même. » Il imagine la scène, essaie de voir qui pourrait plaire à cette femme-là. Leo est forcé d'avouer qu'il n'a pas vraiment idée du style d'homme qu'elle puisse aimer. Ils n'en ont jamais réellement parlé, toujours concentrés sur des taquineries plus que des réalités. Et ça lui saute aux yeux en cet instant, ça vient peser un peu sur sa culpabilité de se dire qu'il l'a peut-être trop laissé de côté depuis leur rencontre, tout ce temps passé. Si l'idée se fige un instant dans sa tête, il parvient à ne pas trop laisser ses traits s'affaisser. Non, au lieu de ça, il essaie plus que jamais de se souvenir de la liste qu'il a dressé, des invitations qu'ils ont lancé. Il essaie de se remémorer qui pourrait avoir le même âge que la jeune femme – hormis peut-être le petit-ami de Jess ; ce qui, en soit, serait mal venu. Non, il abandonne finalement.

« Va savoir, j'essaierai de voir si y'en a qui peuvent t'intéresser. » Un clin d’œil amusé, Leo ne se cache pas pour largement rire à cette idée. Mais, même s'il le voulait, il sait qu'en cette journée à venir, il ne lui sera pas possible de penser. Il n'aura de yeux que pour Daniel, que pour ce qu'ils vont créer. Il n'aurait d'attention que pour cet homme qu'il a sauvé autant que ce dernier l'a fait pour lui contre ses démons acharnés. Il n'aspirait pas à mieux pour finir sa vie – aussi tourmentée ait-elle été avant que les choses ne commencent à joliment se dessiner. « Je ne vais pas tarder, mais je suis tellement content que tu ais accepté de faire ça pour nous. Faut que tu saches que ça compte beaucoup pour moi. T'es une amie en or et j'espère vraiment que j'te perdrais pas. » Sa main cherche la sienne, s'y impose légèrement comme pour renforcer la portée des mots qu'il vient d'énoncer. Il y tient à ce qu'elle entende ces paroles – autant qu'elle puisse s'en souvenir pour les fois où il ne sera pas là, pour toutes ces fois où – malgré eux – les nouvelles manquent avant qu'ils ne se revoient. « Merci pour tout, t'es la meilleure mademoiselle Fleury-Arnaud. »