ONE X

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Kurtis pousse un lourd soupir qui fait gonfler ses joues.
« Relax ! Tout va bien se passer. Et j’ai un futal de rechange dans la voiture si jamais tu te chies dessus » ricane Meghan en venant tapoter la joue livide de son jumeau.
Il n’est pas capable d’esquisser un sourire ou de l’envoyer bouler. Il est trop nerveux pour ça. Il sent que cette soirée va tourner au fiasco le plus total. Tout tourne toujours au fiasco le plus total avec lui alors pourquoi l’inauguration de son salon de tatouage ferait exception ? La dernière fois qu’il a participé à une soirée de ce genre, il s’est fait poignarder sur un fichu parking !
« Je sais à quoi tu penses. Arrête tout de suite Kuku. Personne ne va venir ruiner ta soirée et tout va bien se passer. »
« Qu’est-ce t’en sais ? »
« J’en sais qu’y a des gars armés jusqu’au cou à chaque coin de rue pour assurer tes arrières. Le salon est plein à craquer et y a la queue jusqu'à pétaouchnok ! Ça va bien se passer. Ça se passe DÉJÀ bien Kurtis ! T'a bossé dur sur ce projet et ça va rouler tout seul. »
« Mais si c'est moi qui foi… »
« Kurtis, m’oblige pas à aller chercher Judith pour qu’elle te mette un coup de pied au cul ! »
Kurt grogne, tique et pousse un nouveau soupir.
« Tu veux que j’te fasse vomir avant qu’on y retourne ? J’suis prête à faire ça pour toi. »
Il lui jette un regard agacé et la bouscule doucement alors qu’elle éclate de rire.
« Allez mon grand ! Va donc te mêler à la foule ! »
Là-dessus, elle l’attrape par la nuque, l’oblige à se baisser un peu pour coller un baiser sur sa joue puis maintient quelques instants son front contre le sien. Ce contact suffit à lui redonner l’aplomb qui lui manquait. Il adresse un discret sourire à sa sœur, réajuste sa veste de cuir et gonfle sa poitrine de courage pour se lancer dans la fosse aux lions.

Il sort des toilettes devant lesquelles quelques personnes font la queue, une coupe de champagne ou leur portable à la main. Il leur adresse un signe de tête en guise de salutation, espérant croiser bientôt un visage familier. Sa sœur lui emboite le pas et, après lui avoir asséné une dernière tape encourageante dans le dos, elle s’éloigne pour retrouver ses amies mannequins, venues l’aider à faire la promo du One X.
Il la suit un instant du regard et Rupert en profite pour l’approcher.
« Ça s’passe plutôt bien. »
« Ouais… »
« Joli p’tit cul. Mais j'pensais que t'avais une régulière ? »
« Hein ? »
« J'parle de la fille que t’a été tringler aux chiottes pour passer ton stress. »
« …C’est ma sœur. »
« …Ah… Bon... Joli p’tit cul quand même ! » s’exclame le nouveau VP du club en terminant son verre d’une traite, avant de lui donner deux tapes sur l’épaule et de s’éloigner.
Kurtis ravale son agacement, essayant de se convaincre que l’homme ne pouvait pas deviner son lien de parenté avec Meghan…

Une serveuse du Crash passe près de lui et lui propose un verre qu’il accepte volontiers. Planté au milieu du salon qui ne désemplit pas depuis l’ouverture des portes qui remonte à une petite heure maintenant. Ça ne l’empêche pas de stresser. Ça ne l’empêche pas d’envisager un millier de scénario catastrophe et de se dire que le salon va faire un bide maintenant qu’il en a la gestion.
C’est foupoudav…
Les gens sont certainement venus pour s’en mettre plein le foie et la panse et profiter des tatouages gratuits qu’il propose ce soir. Les aiguilles tournent à plein régime et, dans une petite demi-heure, c’est lui qui proposera ses services dans l’un des espaces dédié à cet effet. Il sent qu’il va se foirer. Sa main d’habitude si assurée va trembler et il va se chier, c’est certain. Ça le frustre d’avance.
Voilà, il a encore la gerbe. Il aurait dû accepter la proposition de Meghan de le faire vomir…

Une voix familière l’arrache subitement à ses ruminations.

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Un coup d’œil sur les alentours mais rien, aucune silhouette féminine semblable à celles qu'il avait côtoyé ; aka son ex-femme, sa petite-amie. Un soupire et le cœur qui s'en remet bien vite malgré tout, verre à la main, il arpente le salon, détaille chaque élément de décoration avec la pensée simple que... eh bien, Kurtis n'aurait pas pu faire ça tout seul ; et il ne se trompe pas là-dessus. Tant mieux, un peu d'aide pour lui donner confiance ne devrait pas lui faire de mal – ou peut-être que si, la fierté d'un homme en cache toujours plus qu'elle n'en montre. Un sourire, un rictus, il continue sur sa lancée, changeant son verre vide contre un autre. Cuir sur les épaules, cette assurance lourdingue de récupérée, c'est finalement vers le plus jeune qu'il se dirige, prenant le soin de ne pas trop s'imposer, de ne pas trop se faire remarquer – pas ce soir en tout cas, pas pour l'inauguration du projet de l'un de ses frères. Non, il ne fera pas de vague. « Tu sais, petit con, tu t'en sors vraiment bien. » Il ose, laisse sa voix se perdre jusqu'à l'homme qu'il est venu trouver, ce Kurtis un peu péteux qui a les yeux qui traînent partout comme peureux de voir quelque-chose lui tomber dessus. Ils ont tous cette crainte mais la gère de différentes manières. « Fais pas cette gueule, tu vois bien que ça tourne comme pas possible et que tu pourrais pas faire mieux même si tu le voulais. » Un nouveau regard se porte sur l'établissement qu'il ouvre officiellement. La queue n'en finit pas, de nouvelles têtes s'ancrent dans la file d'attente et les sourires ne s'estompent pas tellement. Force est d'avouer qu'il s'est bien démerdé et il espère pouvoir lui faire comprendre – bien qu'il ne soit pas le meilleur pour user de compliment. Pourtant, il essaie, une tape dans le dos comme si ce simple geste pouvait lui donner un peu de courage, Sebastian n'enchérit pas plus, conscient que l'état de l'autre homme est loin de la sérénité qu'il aurait pu porter. Ou peut-être qu'il a simplement du mal à recevoir les bonnes critiques, trop habitué à être dénigré. C'est le souci des bons bougres, c'est trop facile de les taquiner. « Bon, et sinon, laisse moi deviner, t'as laissé les gonzesses s'occuper de la deco ? Une pause, il désigne certains éléments, un large sourire d'ancrer le long de ses traits. Il pourrait continuer mais s'en abstient, il s'est promit de ne pas trop empirer l'état de ce frère à l'allure baissée – bien que ça le démange. J'dis pas ça dans le mauvais sens Kurt, j'suis juste surpris que ça rende plutôt bien. »

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« Tu sais, petit con, tu t'en sors vraiment bien. »
Kurt laisse échapper un lourd soupir, relâchant un peu de pression. Pas parce que la remarque de Seb l’a particulièrement rassuré mais simplement parce qu’il en a besoin. La pression est grande et ses épaules, d’apparence larges, ne le sont pas tant que ça. Son verre de champagne est déjà vide et il lui en faudrait sans doute un second... Sauf qu’en réalité, il s’est déjà enfilé plus d’un verre avant l’ouverture des portes et qu’il serait plus raisonnable qu’il n’en fasse rien s’il veut tatouer convenablement.
Le Sergent continue sur sa lancée et Kurtis aimerait beaucoup le croire, mais il n’arrivera pas à respirer sereinement tant que la soirée ne sera pas officiellement terminée. Et encore… Il se connaît, il va exiger de Meghan qu’elle se renseigne pour lui sur les réseaux sociaux pour savoir ce que les clients ont pensés de son salon. Il va devenir dingue… Qui a eu l’idée archi naze de le nommer gérant déjà ?
Seb lui donne une tape dans le dos et le questionne sur la déco. Kurtis suit son regard qui se porte sur le décor et l’angoisse étreint le motard.
« J'dis pas ça dans le mauvais sens Kurt, j'suis juste surpris que ça rende plutôt bien. »
« Sûr ? » ne peut-il s’empêcher de demander à O’Malley qui le rassure une fois encore. « C’ma frangine qu’s’est chargé d’la déco. Elle est dans l'coin. E’ voyage pas mal avec son taf de mannequin et d’coup elle a pris des idées à gauche à droite pour moi p’dant ses voyages. C’moderne et classe qu’e’ dit. C’la mode du style industriel/bois i’ paraît alors…v’là… »
Il espère que c’est le cas. Que sa sœur n’a pas un train de retard ou qu’elle ne lui a pas fait ouvrir un salon un peu trop avant-gardiste pour plaire aux clients. Le Crashdown se remet de ses coups durs, le Homewrecker tourne bien…s’il se plante, il va en entendre parler, c’est certain.
Il sait que les gars comptent sur ce nouveau business pour rapporter un peu d’argent légalement et blanchir le sale… Il faut qu’il assure, il n’a pas le choix. Sauf que Kurtis rime plus souvent avec échec cuisant qu’avec brillante réussite…
« T’es v’nu seul du coup ? » questionne-t-il son ainé, ayant du mal à suivre les rebondissements de sa vie sentimentale animée…
En tout cas, entre les serveuses du Crash, les amies mannequins de sa frangine et les filles du HW : il y a peu de chances que Seb reparte en célibataire d'ici.

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Il débarque avec le sourire aux lèvres, bien heureux de voir que le site et la pub a tout de même fonctionné pour ramener tout ce que paquet de monde mais, surtout, bien fier de ce que Kurtis a accomplit aujourd’hui. Lui qui a toujours l’air d’avoir trois trains de retard, qui ne sait pas aligner deux mots sans faire des fautes d’orthographes aussi grosse que la bite de Seb, se retrouve aujourd’hui gérant de son propre salon de tatouage. Et de ça, oui, Thomas en est fier et ne le cache pas lorsqu’il entre dans les locaux.
Il voit au loin Meg qu’il salut d’un signe de tête et, cette fois, évite de faire le malin avec ses sourires quand il sait que Kurtis a ENFIN digérer l’épisode nouvel an. Et puis, la seule personne qui l’intéresse pour le moment c’est la star de cette journée… Enfin, quand il ne croise pas une paire de nana qui lui décoche un sourire que le hacker rend avec un regard appuyé. Hors de question qu’il reparte d’ici sans une de ces femmes qu’il ne se prive pas de détailler avec de recentrer son attention sur son meilleur ami qui l’interpelle.
Thomas est venu en compagnie de James, qui scrute tout comme lui la déco de cet endroit qui, visiblement ravi à peu près tout le monde. Le hacker s’approche de Seb et vient lui filer une accolade à cet homme qui, malgré tout ce qui a pu se passer, reste un de ses frères. Puis, Thomas se dirige vers Kurtis a qui il réserve la même étreinte chaleureuse mais pas trop longtemps, ce con serait foutu de gueuler que ça fait gay.

« Good Game Kurt’ ! Il y a un paquet de monde ! Et j’l’admet, tes locaux ont d’la gueule. Il jette un dernier regard alentour, sourire aux lèvres avant de se recentrer sur son frère qu’il affuble d’une tape dans le dos. Eh, te chies pas dessus comme ça, tu vas gérer mec. Il est sincère dans ses encouragements mais ne peut s’empêcher de craindre à ce que Kurtis ne dégueule sur ses chaussures tant son teint est aussi livide qu’un cul en hiver. Il pose une main sur son épaule pour attirer son attention qui semble flotter il ne sait où avant d’enchainer. J’ai décidé qu’à la place de ta thune pour le site que j’t’ai fait, j’veux être ton premier client aujourd’hui. J’te donne l’occas’ d’inscrire ton talent sur une œuvre d’art ! T’as des flashs à proposer ? » Il lui donne l’occasion de se faire la main sur lui, de prendre peut-être un peu d’assurance pour se lancer, faisant aveuglement confiance au talent de Kurtis.

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Alors qu’il a l’impression d’avoir fait un énième plongeon dans un plat bien épicé avec sa question foireuse : Kurtis est sauvé par l’arrivée de Thomas. Le hacker les approche, lui et Sebastian, pendant que ce dernier prenait la parole et l’attire contre lui dans une étreinte virile. Kurt se tend un peu. Il déteste cette manière qu’on les motards de se saluer… Les tapes dans le dos, ça passe, les accolades, un peu moins. Il aime avoir son espace perso et le voir être respecté. Il se garde cependant de faire la moindre remarque à celui qui gère son site internet et hoche simplement la tête quand, à son tour, il le félicite pour les locaux. Il pourrait répondre une fois de plus que c’est Meghan qui a tout choisi pour lui, mais préfère ne pas aborder le sujet de sa jumelle en sa présence… S’il fait avec l’idée qu’ils aient couchés ensemble durant la soirée du Nouvel An, il a encore beaucoup de mal à digérer l’infirmation et les images qui lui viennent en tête malgré lui. Le sujet est sans doute plus épineux encore que celui de la rupture de Seb avec Addison…
« Eh, te chies pas dessus comme ça, tu vas gérer mec. »
Kurt laisse échapper un grognement pour toute réponse. C’est sa réplique à lui, d’ordinaire. Je gère.. Judith adore lui renvoyer cette punchline sur tous les tons possibles et imaginables pour le taquiner.
Mais ce soir, il n’a pas l’impression de gérer du tout et n’a même pas la force de faire semblant pour l’honneur.

« J’ai décidé qu’à la place de ta thune pour le site que j’t’ai fait, j’veux être ton premier client aujourd’hui. J’te donne l’occas’ d’inscrire ton talent sur une œuvre d’art ! T’as des flashs à proposer ? »
Les yeux clairs de Kurtis s’écarquillent à cette proposition. Est-ce qu’il est sérieux ?
« T’es sérieux ? »
Thomas est apparemment sérieux.
Kurtis ne sait pas trop quoi répondre. Il a envie d’accepter, d’offrir cette compensation à Thomas mais…il reste persuadé qu’il va foirer. La pression devient même encore plus grande. Pourtant, Thomas a l’air bien sûr de lui et il ne tarde pas à l’entrainer (le trainer presque) avec lui vers l’espace que le motard s’est réservé et où sont affichés quelques unes de ses œuvres.
Sebastian leur a emboité le pas et, un peu gêné, Kurt leur présente son book, composé majoritairement de croquis jugés morbides par la quasi totalité de son entourage. Des crânes à perte de vue. Grouillants d’insecte, entourés de fleurs ou de symboles quelconques, présentés auprès d’armes à feu ou d’autres objets du quotidien, grimés, décharnés, réalistes ou déstructurés…
« J’peux faire un mix de plusieurs trucs… Ou une bite sur la joue » réussit-il à plaisanter malgré son stress de moins en moins envahissant à mesure que les minutes passent et qu'il reste entouré et soutenu par ses frères.

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« T’es sérieux ?
- Ouais. Il a bien l’air surprit et ça le fait sourire avant de lui donner une petite tape sur l’épaule et le pousser vers la pièce réservée au tatoueur. D’ailleurs tu vas t’y coller dès maintenant. Il est temps de faire le show et de leur montrer c’que t’as dans le bide. » Il laisse son frère le guider à travers la salle, pour le mener là où il devra donc le tatouer et lui présente un book que Thomas contemple, impressionné par le talent de Kurtis. Des crânes majoritairement, rempli d’insectes, entourés de fleurs, des symboles qui n’ont peut-être pas forcément de sens mais qui ont carrément de la gueule. Un univers bien glauque et morbide mais qui plait aussitôt à Thomas qui aime ce qui n’est absolument pas conventionnel. Il tourne les pages, sourire aux lèvres, avouant avoir bien du mal à se décider parmi toutes cette panoplies d’œuvres.

« J’peux faire un mix de plusieurs trucs… Ou une bite sur la joue Thomas éclate de rire, secouant légèrement la tête.
- Non, ça t’auras le droit d’le faire quand j’serais mort. T’auras qu’à m’en faire une avec le bouclier de Captain America et le poing d’Iron Man. Il tourne son regard vers ses frères, hausse les épaules. Quoi, j’veux une mort fun et stylée, que vous vous foutiez de ma gueule en vous étouffant avec votre whisky. » Le hacker ricane de plus belle, plus qu’à moitié sérieux dans ses dires même si Kurtis ne ferait probablement pas ça et qu’il ait de grandes chances que James ne le laisse pas faire. Lui, ça lui plairait. A sa mère et sa sœur par contre… bon. Peut-être pas sur la gueule alors. Hunt continue de tourner les pages avant de s’arrêter sur un motif, le pointant du doigt.

« Tiens, j’veux ça sur à l’intérieur de l’avant-bras. Il remonte déjà la manche de sa chemise jusqu’en dessous du coude après lui avoir montrer un crâne déstructuré et ombragé, avec des canines, des fissures, bref tout un univers propre à son frère. J’m’installe ? » Après que Kurtis lui ait donné le feu vert, Thomas s’assoit sur le fauteuil, déjà prêt à recevoir l’œuvre.

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Tout avait commencé par une plage, le bruit lancinant des vagues, et des tubes à essai de nitrate d’argent, allongés sur des chaises longues, en train de brunir au soleil. C’était plutôt cool, il faisait beau, il faisait chaud... Mais la thématique « farniente et vacances » se mua rapidement en course folle à moto dans les ruelles bordées de palmiers d’une ville inconnue. Un atome d’oxygène au blouson rouge se faisait pourchasser par deux atomes gris d’hydrogène, jusqu’à la collision fatale, et BOUM! Cela aurait dû faire de l’eau, mais les rêves avaient leur logique propre. Feu, fureur, cris… Emergeant des carcasses en flammes des trois véhicules, une silhouette de fumée se dessinait doucement, prenant du corps et de la substance. L’apparence d’une femme gracile, en costume de brume, les cheveux volant vers le ciel. Cette femme anthracite et éthérée tendit ses mains devant elle, avant de les ramener vers son corps, vers son ventre, qui s’ouvrit et vomit soudain un océan écarlate recouvrant tout. Le fluide épais dévorait le paysage, noyant le sol, les carcasses flamboyantes, envahissant jusqu’à la totalité de son champ de vision.

Callum se redressa d’un coup sur sa chaise. Il respirait comme une forge, ses deux yeux grands ouverts, mais il ne voyait rien. Pas avant que son cortex ne se rende compte que voilà, c’était bon, il était réveillé… La réalité, la bonne vieille réalité, voilà où il se trouvait, et plus exactement devant son bureau, dans sa chambre. Sur la tablette devant lui, ses cours étaient ouverts, étalés les uns par-dessus les autres dans un bordel organisé qui lui était caractéristique. Un post-it était resté collé sur sa joue, il le replaça sur le bouquin en face de lui. Pfff… la chimie lui montait à la tête, les souvenirs du rêve s’effaçaient doucement, il se saisit de son portable pour regarder l’heure « OH BORDEL ! ».

Bien sûr, Callum n’aurait raté l’inauguration du One X pour rien au monde. Déjà, parceque pas mal de Kings seraient là, pour pas dire tous, à priori, mais aussi parceque c’était Kurtis, quand même. C’était un grand jour pour son meilleur pote, même si il ne devait pas en mener large, c’était certain. Le jeune homme avait enfilé rapidement son cuir et avant de rouler à tombeau ouvert vers le salon, qui n’était fort heureusement pas loin. Quand il arriva, la fête n’était pas démarré depuis teeeellement longtemps, certes, mais il y avait déjà pas mal de monde qui faisait la queue dehors… Ah ouais quand même ! Laissant sa bécane proprement garée, il se présenta à la porte, squeezant la file d’attente avec l’aura d’une rock star… Et on le laissa entrer direct. Mwhaha c’que c’était bon d’avoir des p’tits privilèges.

Dedans, c’était aussi bondé que sur le trottoir en fait. Il y avait quelques têtes bien connues, que Callum salua d’un signe de la main ou de la tête. Le paysage féminin était particulièrement attrayant, entre les serveuses du crash, les filles du HW, et… sans doutes les copines de Meghan. Ahhh Meghan. C’était somme toute dans les mœurs de tous les hommes d’avoir un p’tit crush sur la sœur de leur meilleur pote (ou la femme, parfois). Bien sûr Callum ne faisait pas exception, elle était quand même sacrément sexy, la frangine… Enfin, après avoir saisi une coupe de champagnes sur un plateau, l’étudiant aperçut enfin la tignasse de Kurtis émerger dans un coin. Il était avec Sebastian et Thomas. Le cadet s’incrusta sans aucun remords dans le groupe, saluant les gars avec des poignées de main rapides, et gratifiant son buddy d’une grande tape amicale dans le dos. Ca vaaaa, il n’avait pas encore le dermographe a la main… Un peu sans gêne, Cal se pencha au-dessus du book. Thomas était partant pour un flash ? Comme d’habitude, le travail de Kuku était très artistique, mais aussi très sombre… Un crâne destructuré, assez abimé, et plutôt morbide.

« C’est un autoportrait Kuku ? C’était ton meilleur jour, ça, non ? Rajoute de la couleur si tu veux avoir ta tête d’aujourd’hui, t’es à la fois rouge, blanc, et même un peu vert. Déstresse, ça va bien se passer. En plus Thomas n’a jamais cassé la gueule de personne pour si peu… non ? »

Evidemment, c’était une pure application de « qui aime bien, châtie bien », il souriait aux deux bikers, ce fameux sourire de p’tit con qui lui était habituel. Histoire de finir d’enfoncer le clou, le jeune KoS rajouta quand même, en rapprochant une corbeille à papiers de son ami, la poussant du bout du pied.

« Tiens, ça, c’est si tu vomis. Ou alors si t’as à cracher tes dents, c’est selon. »

Huhuhu. Callum cacha son rire dans sa coupe de champagne, laissant enfin le pro travailler. Il y avait un peu trop de monde autour d’eux, mais une fois dans le job, Kurtis arriverait sans aucun doute à faire abstraction.

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Les compliments se laissent entendre et il tient pas sa langue là-dessus. Pour une fois, comme rarement en soit, il ne retient pas ses mots, fait même en sorte que chacun d'entre eux ne viennent s'inscrire dans la tête de celui qu'ils sont tous venus féliciter, tous sans exception. C'est ce qu'il constate avec une esquisse de sourire tandis que les explications de Kurtis sont données quant à la décoration, au voyage que cette dernière a pu faire dans pas mal d'esprits avant de se retrouver couchée ici. Tant mieux, ce sera un bon salon, une bonne boite pour celui qui croit qu'entre ses mains rien ne fonctionne – il aura au moins l'occasion de prouver le contraire, de faire savoir que les temps ont sûrement changé, au moins pour lui. Lui, eux, qu'on vient saluer avant qu'il n'ait pu répondre à sa dernière question ; une aubaine pour lui qui n'aura pas à raconter à quel point les choses sont difficiles dernièrement. Plus le temps passe et plus les choses disparaissent, toutes, sans exception – Addison lui filant entre les doigts sans qu'il n'est la possibilité d'y faire quoi que ce soit. Mais il est le fautif, il ne reviendra pas sur cette idée-là. Il l'a toujours été, rien ne pourrait réellement différer. Et qui dit Addison, dit Thomas – ce frère qu'il accueille tout de même chaleureusement, comme de plus en plus souvent. Disons que sa remise en question aide à faire la part des choses et, à la vérité, Thomas n'a jamais été le méchant, ni même celui qu'il pensait pouvoir vouloir manipuler. Non, il est simplement un frère, parmi tant d'autres, bien que sûrement l'un des plus proches qu'il puisse avoir. Derrière les crises qu'il lui a tapé, Sebastian doit et s'excuser et le remercier. Un jour, peut-être, s'il s'en donne pleinement la possibilité. Ce à quoi il pense tandis que la discussion entre les deux hommes se poursuit, tandis qu'ils bougent, eux deux d'abord puis lui ensuite, suivant le mouvement, peu enclin à aller déranger les autres pour l'instant. Aussi, il revient doucement à l'instant présent, il s'en remet à ce qui se passe, à ce que leur ami présente. Un style bien à lui qu'on lui reconnaît, n'importe qui aurait pu le parier – mais c'est aussi pour ça qu'ils l'apprécient, non ? Pour ce côté décalé qu'on ne trouve que dans un esprit aussi dérangé – et c'est lui qui possède ces songes-là. Néanmoins, à bien y réfléchir, lui aussi pourrait se laisser tenter ; un jour peut-être, sur un coup de tête. Pour l'instant, il laisse le soin à Thomas d'essayer les talents de leur hôte, il laisse le soin à cet homme-là de découvrir si, oui ou non, Kurtis saura percer dans ce nouveau projet. Et il reste, prend place aux côtés des deux hommes, pour rien au monde il ne prendrait la peine de manquer ça – surtout pas maintenant que le teint de Hawkins semble se faire un peu plus livide. C'est qu'ils aiment, tous, quand il se met à stresser.

Mais après le calme vient la tempête et, aussitôt, Callum rejoint les rangs des curieux pour se frayer un chemin jusqu'à ce qui se prépare. Lui aussi sait flairer les bons plans pour pouvoir l'ouvrir et se moquer – un trait de caractère qu'il aime et qu'il apprécie, son sourire en témoignant aisément. « Tu vas surtout réussir à le faire tomber dans les vapes si tu continues. » Des paroles qu'il adresse au plus jeune avant qu'un regard moqueur ne soit déposé sur Kurtis, avant qu'un bref rire ne franchisse enfin la barrière de ses lèvres pour essayer de lui faire entendre que ça ira, qu'il n'a rien à craindre de leur présence – au contraire. Si ce petit con pouvait enfin entendre qu'ils peuvent aussi être fiers de ce qu'il choisit de faire. « Puis, Cal, l'ouvre pas trop t'es le prochain et on espère sincèrement qu'il viendra dégueuler sur ta petite gueule de fouine. » Un clin d’œil, la main qui choppe un verre sur le plateau d'une jeune femme passant au même moment. Il ne s'en prive pas, compte bien pouvoir se poser ensuite. Aucune femme à son bras et ses pensées pour seules alliées. « Aller, on te laisse bosser va. »

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Son estomac se noue un peu à l’idée de devoir tatouer Thomas. Et s’il se plantait ? SI le stress l’amenait à trembler comme une quiche et à tout foirer ? A coup sûr, son frère ne s’en formaliserait pas trop, il exhiberait même sans doute fièrement son tatouage raté et lui rappellerait jusqu’à la fin des temps quel genre de loser il est… Kurt essaie de se raisonner, se rappelle qu’il ne s’est pas foiré depuis l’époque où il débutait et que Thomas n’est pas aussi salaud que pouvait l’être l’ainé de sa fratrie, Logan. Logan qui lui a promis de passer et n’a toujours pas pointé le bout de son nez…et ne le pointera sans doute jamais. Typique.
« J’m’installe ? »
Kurt grogne pour toute réponse, sentant la pression monter d’un cran. Il manque d’ailleurs d’en retourner une à Callum lorsque celui-ci fait tout à coup irruption à leurs côtés et salut tout le monde.
« C’est un autoportrait Kuku ? C’était ton meilleur jour, ça, non ? » commence à le taquiner son cadet, avant de rajouter encore deux ou trois couches de moqueries. Il sait bien qu’il tente de le déstresser, mais ça ne fonctionne pas des masses. Il faut dire que Kurtis a toujours été plus prompt à accepter les reproches que les compliments…
« Tiens, ça, c’est si tu vomis. Ou alors si t’as à cracher tes dents, c’est selon. »
« Compte donc les tiennes de ratiches. S’tu continues à m’les briser faudra qu’tu saches combien tu dois en ramasser » marmonne-t-il en commençant à vérifier que son espace de travail lui permette de tatouer dans les meilleures conditions. Il y a du monde qui circule depuis tout à l’heure et sont matos a peut-être été malmené par certaines mains baladeuses…
Seb se joint à la danse des taquineries un instant, puis fait savoir au fils de Love qu’il sera le prochain à passer sur le billard.
« Compte pas là-d’sus gringalet. J’vais pas tous vous tatouer à l’œil. J’ des vrais clients c’soir » réplique Kurtis, une once de fierté dans la voix pour la première fois de la soirée (pourquoi pas de sa vie, allons-y carrément, il a eu peu d’occasion de se vanter de quoi que ce soit…).
Là-dessus, O’Malley se ressert un verre et propose de le laisser se concentrer un peu sur ce qu’il a à faire, entrainant Callum le fauteur de trouble avec lui un peu plus loin. Kurtis prend une longue inspiration, soupire et s’installe sur son tabouret confortable en rapprochant sa tablette contenant tout ce dont il aura besoin pour encrer Thomas. Il jette un coup d’œil prolongé à son travail pour s’en imprégner avant d’enfiler ses gants et de s’occuper du bras de Thomas.
« T’es sûr mec ? Pa’ce que c’pas un décalcomanie hein ? » s’assure-t-il, avant d’être rassuré par Thomas qui est fin prêt à se faire tatouer par son frère KOS. « Bon… Ben j’y vais alors. »
Il se met donc au travail, essayant de faire abstraction de tout ce qui se passe autour et d’oublier que de plus en plus de pairs d’yeux sont en train de se braquer sur lui… Mais il est très rapidement happé par son travail et occulte le reste du monde. Il n’y a plus que lui et Thomas. Lui et l’aiguille qui vibre. C’est aussi jouissif que le ronronnement du moteur d’une cylindré. C’est d’ailleurs c’qu’il fait remarquer à Thomas après une poignée de minutes, engageant la conversation avec lui. Il n’a jamais été bavard et ne l’est pas forcément plus quand il tatoue. Juste peut-être un rien plus…philosophe, plus enthousiaste que d’ordinaire. Parce qu’il peut parler de ce qu’il aime, de ce qui le passionne et qu’il oublie qu’il n’est d’ordinaire qu’un loser dénué d’intérêt...

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Donald & les KOS

Une inauguration, voilà ce qui est prévu ce soir, et pas n'importe laquelle, celle du salon de tatouage de Kurtis, ni plus, ni moins. Il n'a pas l'intention de se faire faire de tatouages dans l'immédiat, il en a déjà quelques uns, rien de fou mais nécessaire pour son intégration. Enfin, si Kurtis lui fait un bon prix, peut être qu'il choisira de s'en faire faire un petit, ni vu, ni connu même si à priori ce ne sera pas le cas. Il se doute que d'autres passeront avant lui, il se doute même que certains ont pris rendez-vous pour l'inauguration, ça serait la classe pour eux d'avoir une oeuvre d'art sur le bras, ou l'épaule de la part de Hawkins. Donald arrive alors qu'il y a déjà du monde, ses frères KOS sont là, certains, pas tous, peut être que d'autres passeront dans la soirée, il ne sait pas trop, au pire, ça n'a pas tellement d'importance dans l'instant. Il s'incruste alors auprès de tous, Callum se fait déjà remarqué, mais Donald lui la joue plutôt profil bas après ce qui a pu se passer dernièrement avec Laura. Elle n'est pas là ce soir, il ne veut pas qu'elle se mêle à eux pour le moment en tout cas, c'est plus prudent même s'il sait que ça la rendrait fier. Mais là, ce n'est pas un petit barbecue, c'est une inauguration, d'un salon de tatouage, ce n'est pas rien. Visiblement, c'est Thomas le premier qui va passer au grill ce soir. Il ne sait pas qui sera le suivant, pas lui de toute évidence, un autre, mais il a hâte de voir si Kurtis va résister à la pression. Il ne peut pas se foirer ce soir, c'est une certitude, mais pourquoi le ferait-il après tout ? Il n'y a pas de raisons à cela même si, on n'est jamais trop prudent.