the things i do for love

Qu’ils réalisent trop tard… Au fond de lui, Justin avait exactement la même crainte que Joleen. Lui aussi craignait que son petit frère ne se rende compte des choses qu’une fois qu’il sera trop tard. Il était terrifié à l’idée que ce petit qui avait toutes les clés en main pour réussir, pour s’offrir un avenir se retrouve sur le bas-côté, abandonné de la société. Il ne voulait pas qu’il se réveille un matin en se disant qu’il aurait pu faire autrement, qu’il aurait dû faire autrement. Alors oui, il comprenait les peurs de Joleen, il comprenait qu’elle se disent que de toute façon, une fois qu’il serait trop tard, cela ne servirait à rien de chercher à comprendre qui avait raison depuis le début. Justin poussa alors un léger soupir tout en portant son regard sur son gobelet quasiment vide. Il cherchait des mots. Parce qu’il avait envie de lui remonter le moral, de lui dire qu’il n’était pas question de ça, qu’il ne fallait pas penser tout de suite qu’il serait forcément trop tard. Justin remonta alors le visage et glissa son regard sur Joleen. Il ouvrit la bouche, voulant cracher ces mots qui restaient coincés dans sa gorge. Il se détestait de ne pas savoir parler comme il le fallait, de ne pas savoir trouver le mot juste. Joleen enchaîna. Elle secoua les bras devant elle, lui demanda de laisser tomber. Le jeune homme affichant un sourire tordu, désolé. Il se sentait crétin de ne pas avoir su lui remonter le moral. Elle lui fit comprendre que de toute façon, il ne pouvait pas y arriver, qu’elle trouverait toujours quelque chose à redire. Elle plonge son regard dans le sien. Il sourit toujours un peu bêtement, un peu gauchement.

« Et moi j’suis super naze pour trouver les mots qui réconfortent… J’suis désolé. »

Justin vida alors la dernière goutte de son café. Il en prendrait bien un autre. Pour faire passer cette impression amer d’être complètement à côté de la plaque. Mais aussi, pour prolonger un peu son entretien avec Joleen. Son café était terminé, ils avaient sans doute du travail en attente et pourtant… Pourtant, il n’avait pas envie de partir maintenant. Il aimait discuter avec elle-même s’il était maladroit. Il aimait sentir sa présence, son regard. Un peu con ? Peut être mais ça lui faisait du bien alors pourquoi se refuser ça ?

« Mais promis, j’bosserai mon argumentation pour la prochaine fois et j’trouverai un moyen de te convaincre d’y croire ! »

La prochaine fois ? Quelle prochaine fois ? Ahem. Justin souriait, comme un enfant, comme l’enfant qu’il était toujours au fond de lui. Joleen aussi sourit mais d’un air plus taquin et renvoie la conversation sur un sujet qu’il croyait éteint. Cette fameuse ligne dans sa main qui lui annonçait une rencontre. Justin rit à l’attente de ses questions. La femme de sa vie ? Difficile à dire. Il y en a bien une qui le fait chavirer quotidiennement mais il sait qu’elle ne s’intéressera jamais à lui. Problème physique inchangeable. Mais au-delà de ça ? Dans dix ans ? Justin se râcle la gorge, mi-amusé, mi-sérieux.

« Dans dix ans j’me vois dans un appartement vachement classe, dans l’centre ville… Nan mieux, une maison, avec un jardin et une piscine. Une belle voiture dans l’allée. »

Sourire amusé du côté de Justin.

« Ah merde pardon, ça, c’était mon rêve d’la nuit dernière. »

Et il rit légèrement, comme une andouille. Au fond, il n’avait aucune idée de où il pourrait bien être dans dix ans. Justin avait tendance à vivre au jour le jour et ce n’était pas comme s’il avait un métier qui le poussait à faire de longs plans de carrière où à se projeter dans un futur vrillant. Non pas vraiment. Mais cela ne le dérangeait pas plus que ça. Des rêves, il en avait sans doute… Mais ceux qui étaient réalistes étaient en fait, assez simples.

« Et pour la femme de ma vie… J’ai pas de critères moi. J’pense que toutes les femmes peuvent être belles, qu’elles ont toutes du charme et qu’il faut simplement se laisser cueillir. »

Le sourire de Justin a légèrement changé, il se fait plus séducteur. Est-ce qu’il drague Joleen ? Oui un peu et il ne s’en cachera pas si on lui pose la question. Il aime séduire, il aime sentir le regard d’une femme, il aime jouer à ce petit jeu. Est-ce que ça fonctionnera ? Il n’en sait rien et au final, ce n’est peut-être pas son but. Il aime juste discuter avec elle et il sent qu’elle aussi à ce côté joueur, taquin qui réchauffe le cœur.

« Et toi alors ? Ta ligne de main t’annonce une rencontre ? A moins que t’ais d’jà trouvé l’homme de ta vie ? »

Il ne fallut que quelques secondes à Joleen pour démonter de A à Z les propos de Justin. L’espace de quelques instants il avait cru pouvoir réussir à lui arracher un sourire sincère, à l’émoustiller un peu, à lui faire plaisir. Mais c’était un échec total sur toute la ligne. Bon, sur le coup du rêve il s’y attendait un peu et au fond de lui, il l’assumait. Il avait des rêves bateaux, un peu nazes, mais cela ne le dérangeait pas plus que ça. Concernant les femmes par contre, il avait cru, sincèrement, que son discours aurait de l’impact, que c’était ce qu’il fallait répondre. Les femmes aimaient qu’on les respecte, non ? Et bah apparemment, il faisait fausse route. Justin avait tout de même ri face à cet échec cuisant, parce qu’il fallait bien avouer que c’était risible de le voir foirer son coup à ce point-là. Joleen ne semblait pas vexée pour autant et se décida à lui donner des conseils. Conseils qui arrachèrent d’immense sourire au jeune homme. Parce qu’elle répéta à deux reprises qu’elle le trouvait mignon et que cela lui faisait particulièrement plaisir. Parce qu’il y avait une sorte de jeu dans ses paroles qui lui procurait de nombreuses sensations. Cette fille était captivante, magnétique. Sourire aux lèvres, il ne se démonta donc pas et répondit sur le ton plus naturel au monde.

« Promis, la prochaine fois je ne ferai pas le même erreur et j’te montrerai que ton charme est unique. »

Et il était fier de lui en plus. Irrécupérable ce gosse mais cela ne semblait pas déranger tant Joleen que ça, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Cela ne lui fit cependant pas oublier tout le fil de la conversation et il en vint finalement à s’intéresser au cas de Joleen, une jolie manière de lui demander si elle était déjà prise. Et la réponse de la jeune femme le cloua sur place. Elle jouait oui, cela se voyait, elle était légère, elle n’était pas complètement sérieuse et pourtant… pourtant une part de lui avait un peu envie de croire à ce qu’elle disait. Oh non, il ne se projetait pas dans l’avenir mais juste un moment agréable avec elle, clairement, il n’aurait pas dit non. Le doigt de Joleen vint alors frôler son nez, Justin eut un léger mouvement de recul, sous l’effet de la surprise, avant qu’il ne se mette à rire.


« L’erreur de ma vie… »

Il sourit et adresse un clin d’œil à Joleen. Cette dernière retrouve alors un peu de sérieux, lui expliquant qu’avec ses études, elle n’a pas trop le temps de penser aux hommes. Pour Justin c’est une fausse excuse mais il ne lui dira pas, pas tout de suite, pas comme ça en tout cas. De toute façon, elle doit partir. Le jeune homme ne masque pas sa déception. Il sort alors son téléphone pour regarder l’heure. Il serait grand temps qu’il se bouge lui aussi même s’il aurait apprécié rester là encore un moment. Un retour au quotidien l’attend. Mais il est de bonne humeur et il sent que son enthousiasme va le suivre toute la journée.

« Si l’devoir t’appelle, j’ai plus aucune arme pour te retenir. »

Justin ne se défait pas de son sourire et la regarde finir son chocolat chaud d’une traite. Il attrape alors les deux gobelets, se lève et de son siège et va les jeter dans la poubelle la plus proche. Il a toutes ses affaires et sait qu’il va être l’heure de déguerpir, de sauter sur son vélo et de pédaler comme un dingue dans les rues de Chicago, activité qu’au fond, il apprécie tout particulièrement. Mais avant qu’ils ne sortent du café, Joleen lui demande son numéro. Le sourire de Justin s’agrandit, illuminant alors l’ensemble de son visage. Il attrape le téléphone et tape son numéro. Il n’écrit pas son nom, trop long, trop de risque qu’elle remarque ses difficultés.

« T’inquiète, que tu m’appelles pour du réconfort me dérange pas. Si tu m’trouves pas si nul dans l’exercice, autant que c’tte compétence me serve à quelque chose. »

Justin fait un peu l’andouille parce qu’il est content mais au fond, il est purement sincère. La réconforter ne lui pose absolument aucun souci, elle peut l’appeler, il répondra. D’ailleurs, son téléphone est en train de sonner. Il sort le téléphone de sa poche, la sonnerie s’arrête et Joleen lui sourit. Il entrera son nom dans son répertoire plus tard, quand il sera au calme.

« Plaisir partagé… Prend soin d’toi ! »

Justin sourit et il se sent fondre sous le clin d’œil qu’elle lui adresse. Cette fille a un magnétisme qu’il ne saurait expliquer. Elle s’approche finalement de lui et dépose un baiser sur sa joue. La main de Justin glisse sur sa hanche, une fraction de secondes seulement et il la regarde s’éloigner. Il fixe sa silhouette disparaissant par la porte du café. Il reste quelques secondes, un sourire béat sur le visage. Il réalise alors qu’on le regarde. Il rit et sort à son tour du bâtiment. Son frère n’allait pas échapper à une sacrée embrouille et il lui en voulait toujours d’agir comme le dernier des idiots… Mais au moins, il lui avait permis de faire cette rencontre. Du bon même dans le mauvais, cela se confirmait une fois de plus. Ce fut donc le sourire aux lèvres que Justin attrapa son vélo qu’il avait laissé aux abords de l’école et qu’il se mit en route pour une journée de travail. Son sourire risquait de rester en place encore un bon moment…