human being | maxime

Le rire qui vient franchir la barrière de ses lèvres lui soulève le cœur. Matthew peine à appréhender les émotions qui traversent sa partenaire, l'âme bienveillante qui malgré la vérité demeure à ses côtés. Il n'en dit rien, patient ; ou presque. Il n'en dit rien, attendant que les mots ne viennent pleuvoir sur l'obscurité de la pièce ; similaire, finalement, à celle de son être en ces temps derniers. « La normalité ne fait pas parti de notre monde. Non, en effet. Il ne le sait que trop et ils en sont un exemple assez complet. Il se l'était dit, plus d'une fois. C'était une évidence que personne, pas même eux, ne pouvait ignorer. Et il s'y était habitué avant de souhaiter quelque-chose d'un peu moins dévastateur pour sa propre personne. Pour ce qu'ils sont en train de construire, également, petit à petit. Parce qu'il y tient, aussi fou que ça puisse paraître pour cet homme-là. Matthew se berce de ce qu'il sent faire battre la machine fatiguée qui erre dans sa poitrine. Je t’aiderais, tu n’as pas à traverser ça tout seul, c’est fou de pouvoir penser faire ce pas de géant ainsi. Tu n’as pas à faire ça comme ça, pas seul. » Et s'il s'était inquiété de ses idées, de l'image qu'elle pourrait en tirer, Goodwin en ressent une espèce de soulagement l'envahir sans ménagement. Il s'immisce, poison salvateur pour le bouclé qui pourrait – d'un seul coup – en tomber. Car cette presque paix intérieure parvient à tout rompre jusqu'à la moindre parcelle d'anxiété. Les craintes s'estompent et la panique se dissipe. Maxime parvient à renverser la balance, à changer le coup de ses songes en quelques secondes à peine. Rien que ça. Et malgré ses « maux », si le mot puisse être approprié pour cet homme, il s'en rend compte avec une certaine surprise. Esclave de sentiments qu'il ne contrôle pas, qu'il ne comprend pas ; il se laisse prendre au piège le plus naturellement du monde. Qu'elle vienne encore faire entendre sa voix, qu'elle vienne encore supposer qu'elle sera là, qu'elle restera là. Matthew ne demande plus que ça. Et derrière ses idées bat avec vigueur son cœur fatigué. Un mouvement de sa part, ensuite, l'amène à poser de nouveau ses prunelles sur elle, à la contempler désormais plus qu'à l'éviter, lui qui craignait que la vérité puisse l'effrayer. Il veut lui dire de ne pas forcer, de ne pas s'en sentir obligée mais il s'abstient, la laissant libre de ses choix, de ses mouvements. Et Dieu sait, maintenant, qu'il pourrait agir égoïstement rien que dans l'espoir de l'apercevoir. Sa vue à demi brouillée ne l'empêchera pas de ne pas s'en rassasier. « J’espère que je saurais trouver un moyen de te remercier. » Des mots qu'elle laisse glisser de manière tout à fait normale sur lui, tout autant que la couverture qu'elle vient de remonter, là, sur son être abîmé. Les gestes sont doux, mesurés. Les gestes viennent trahir tout ce qu'ils ne parviennent pas encore à pleinement énoncer.

Mais, au-delà de tout ce qui vient s'inscrire en lui, en cet instant précis, ses sourcils se froncent. Il essaie d'analyser, de se répéter au mieux les dires qu'elle vient d'énoncer. Il brave la fatigue, les tourments, la sensation de lévitation qui vient le prendre sans qu'il ne puisse y parer. Matthew doit d'abord savoir ce que lui vaudrait ce 'merci' dont il ne connaît pas l'origine avant de céder, s'effondrer dans un sommeil peut-être réparateur ; ou peut-être pas, qui sait. « Je ne suis pas sûr de pleinement comprendre, ma tête... doit me jouer des tours. » La voix faible, tremblante. La voix qui s'impose malgré cette teinte complètement différente. Il essaie de capter son regard, il essaie de s'y accrocher bien plus qu'au départ. « Si l'un de nous deux doit être remercié ce soir, ce n'est pas moi. J'en suis même très loin. Il appuie ses dires, tient à ce qu'elle ne puisse pas y répondre, le contredire sur cette pensée qu'elle ne fera pas faiblir ; quand bien même elle pourrait essayer à tout dire. Et je ne vois vraiment pas de quoi tu voudrais me remercier. » Une pause, le souffle qui se brise contre la couette de laquelle elle est venue le couvrir. Un bref silence s'installe, brisé seulement par les lourdes respirations qu'il essaie de soutenir. Sa tête commence à se perdre, ses songes à s'entremêler. « Si c'est de ne pas avoir été honnête dès le départ et d'avoir tenu ce vice caché, je doute que ce soit des faits à remercier. Blâme-moi, plutôt, je pense que je serai plus à même de le supporter. Un léger rire avant que le rictus ne se fane. Ou peut-être pas, mais ne me remercie pas de te mêler à ces erreurs-là. »

« Tu as très bien entendu. Ses mots, elle ne les accepte pas, ses raisons non plus. Pouvait-il en admettre plus de sa part malgré la ténacité qu'elle possède en elle ? Bien-sûr que non, Matthew savait à quoi s'en tenir malgré l'éloge fait, le pathétisme rétablit. Si tu m’acceptes à tes côtés il faudra bien apprendre à partager Matthew. Et vivre avec ces remerciements. » Et si tenir tête lui semble, malgré son manque clair de lucidité, être une bonne idée, Goodwin y renonce assez rapidement. Au lieu de se perdre sur les voies habituellement empruntées, il se concentre sur ce qu'elle vient d'énoncer. Alors c'est acté, les choses commencent à prendre forme comme ce qu'il craignait ? Pour elle, en soit, plus que pour lui ; la solitude s'est toujours faite mère de sûreté alors rien ne pourrait évincer ce fait, pas même le changer. Puis, après tout, ne l'avait-il pas non plus souhaité ? Derrière tous ses compliments, tous ses sourires, toutes ses belles paroles qui lui vont encore à ravir ? N'avait-il pas souhaité que cet instant leur parviennent enfin ? Ce serait mentir que de nier, Matthew s'est entichée d'elle à l'instant où, des autres, elle s'est démarquée. Et au moment où elle choisit de pleinement rester, c'est son cœur qu'il sent battre avec brutalité. La Belle se laisse couler à ses côtés, perdant les songes de Matthew dans l'océan d'émotions incontrôlées qu'il peine à analyser. « J’ai ta promesse d’essayer, ça m’est suffisant. Il acquiesce à cela, laissant l'azur épuisé de son regard se perdre sur les traits de Maxime désormais installée, à ses côtés allongée. Il ose, défait une main de son cocon de couverture, passant cette dernière par dessus ces remparts pour l'abandonner contre la joue de celle qui devient, à partir de cet instant, un pilier des plus nécessaires à sa remontée. Maintenant reposes-toi, je reste là et puis si j’ai besoin de quelque chose j’irais embêter ta colocataire. Il fronce les sourcils durant quelques secondes, essayant de saisir où elle veut en venir avant de se souvenir : Judith est toujours là, quelque-part, errant dans les couloirs de l'appartement sûrement encore plongé dans le noir. Il n'en sait rien, n'est pas sorti. Il en oublie parfois qu'elle est là, comme Jade l'était avant qu'elle ne la remplace par cette femme-là. Et si Matthew commence à sombrer sur cette idée, sa belle brune semble lire dans ses pensées. J’ai presque oublié sa présence en arrivant… » A lui aussi se prête cette petite surprise, parfois, quand dans ses pensées il se perd et que sa silhouette lui revient jusqu'au canapé qui use de ses serres. Aimant efficace à la silhouette qui, contrairement à Jade, n'est pas à constamment déambuler.

Les yeux qui commencent à se fermer, sa main s'abandonne sur l'une des siennes après les mots énoncés, Matthew délaissant les dernières lueurs de luminosité pour le néant total de ses paupières désormais fermées. « Moi aussi, j'ai tendance à l'oublier. » Qu'il chuchote, à demi éveillé, commençant à sentir un maigre apaisement se manifester. Maxime, certainement, elle a cet effet sur lui depuis peu. Et malgré ce courage retrouvé, il sait d'ors et déjà que les heures à suivre seront longues, parsemées d'obstacles en tout genre. Il sait que le pire est à venir, que les cauchemars et les hallucinations ne sont que la première phase de cette longue remontée, Matthew n'est pas au bout de ses surprises, de ses efforts. Matthew est encore loin d'imaginer à quel point il lui faudra être fort. La volonté sera testée, les nerfs seront mis à rude épreuve. Il en sent déjà le parfum de la défaite malgré l'envie qu'il possède de rentre son âme bien meilleure. Il lui doit au moins ça pour tout ce qu'elle ravive sans vraiment le savoir en son être brisé, trop longtemps insensible à la vie et ses stupidités. « Dans ma tête, il n'y a que moi. Moi et ce que je sais, ce que je vois. La voix à peine audible, il laisse les mots se perdre jusque la Belle à ses côtés, Goodwin commençant à sombrer. Les effets de cette douleur qu'il ne ressent pas semble s'apaiser, au moins se calmer. Puis, il y a toi... » Et le néant absolu, celui qui consume jusqu'à réguler sa respiration, briser les liens qui le maintenaient dans les eaux troubles du doute, loin de l'exaltation. Les ombres s'amenuisent et son palace semble à nouveau s'éclaircir, dans l'inconscient du bouclé se dessine la vérité. Les maux n'existent que pour lui faire entendre un fait : les choses sont en passe de changer. Maxime intégrée à sa vie n'a fait que renforcer tout ce qu'il essayait d'ignorer, tous ses sentiments qu'il essayait d'évincer. A elle seule, Miss Adler est parvenue à renverser l'opinion qu'il s'était fait sur l'erreur humaine qu'est d'aimer.