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 I thought I heard you speak ▬ Ayleen

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Taylor M. Obrien

Taylor M. Obrien

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MessageSujet: I thought I heard you speak ▬ Ayleen   I thought I heard you speak ▬ Ayleen EmptyDim 28 Avr - 19:57



I thought I heard you speak
 




Mi-Août

Un ordre tranquille s’installe, un ordre presque serein et sain. Le genre de chose à laquelle je n’aspirais plus depuis plusieurs mois maintenant. L’équilibre se trouve enfin, une certaine paix aussi même si la dernière claque en date me trotte encore dans le crâne. Eamonn a jusqu’ici tenue sa promesse : Pas de types chelous devant la porte de mon appartement, pas de menace proférer à la morgue ou ailleurs. Il semblerait que son gang ne sache pas que j’existe ou, en tout cas, fait comme si c’était pas le cas. J’ai pas non plus recroiser ces types là-bas, au taff. J’ai hésité des semaines sur le fait de savoir si oui ou non j’devrais me tirer de cette morgue et en trouver une autre. Mais à ce rythme-là, c’est de pays que je devrais changer avec toutes les merdes dans lesquelles j’suis mêlée.

De toute façon, j’suis à des kilomètres de penser à ça puisque j’suis entrain de me faire dorer le cul sur la « plage » au bord du lac. Le soleil tape et j’ai mis trois tonnes de crème solaire pour pas me choper une peau rouge écrevisse en deux minutes trente. Je me tourne vers ma coloc’ parce que c’est encore mieux de faire ça à deux que toute seule. J’fais clairement tâche à côté de Miss Monde mais c’est pas comme si ni elle, ni moi, en avions quelque chose à foutre.

« J’pense que je vais mourir par combustion spontanée si j’reste une minute de plus sous cette chaleur. Je soupire en levant le visage vers le ciel et en buvant une énième gorgée d’eau. Ouais bah cramer au soleil c’est pas vraiment mon truc. Et tu m’expliques pourquoi tes deux jambes ressemblent déjà à des knakis dorées au four ?
- Bah va te baigner aussi ! Elle rigole, s’amuse de ma frustration comme à peu près tout le temps. Et c’est parce que mes magnifiques jambes voient la lumière du jour plus de deux fois par an, elles.
- … Touchée. Je marque une pause. Morue. Je souris avant de refaire face au ciel, plissant les yeux sous mes lunettes de soleil. P’t’être que j’devrais demander à mon boss de nous faire faire une salle d’UV. Ça serait bien pour ma santé mentale. Bientôt j’vais devenir comme les créatures de The Descent et te bouffer les boyaux dans ton sommeil. A mon tour d’éclater de rire comme une sorcière, avec le sourire du diable sur les lèvres.
- T’es sale Taylor ! Elle pousse un soupir avec un sourire. Allez, je me dévoue et je t’accompagne. Elle lève ses lunettes de soleil et les places sur sa tête.
- Vous êtes bien urbaine.
- Clairement faut que t’ailles barboter parce que t’es supeeeeer rouge ! T’es sûre que t’as mis de la crème ? Elle se met à rire parce qu’elle rajoute, ça aussi comme d’habitude, juste pour me faire chier. Sadie se lève, jette ses lunettes sur sa serviette et j’accompagne son geste en me mettant à sa hauteur. Allez ramène-toi !
- La dernière arrivée, se tape la vaisselle pour la semaine ! Tchuss ! »

Et j’ai bien évidement gagné parce que je suis doté d’une vélocité hors pairs.

±

J’ai la peau encore chaude de mon après-midi et constate que les miracles existent puisque j’ai à peine rougi, voir même un peu bronzé. On y croyait plus. Je m’arrête à la superette du coin pour faire quelques courses pour ce soir et demain avant de me dire dans les rayons que plus les jours passent, plus ça devient une habitude. Elle chez moi. Moi chez elle. Tomislav se fait peu à peu la malle maintenant que nous sommes ensembles, lui laissant plus de liberté et une grande marge de manœuvre. De quoi pouvoir profiter toutes les deux. C’est un quotidien qui s’installe naturellement entre Ayleen et moi et qui ne me déplait pas. Le bonheur n’est pas si loin finalement, il ne l’a jamais vraiment été. Il était à portée de main, sous notre nez et je n’suis pas mécontente d’avoir foutu une bonne fois pour toute, les pieds dans le plat parce qu’à ce rythme, on aurait pu se tourner autour encore dix ans.
Je paie à la caisse, râle contre un connard qui semble plus occupé à taper sur son téléphone qu’à avancer et ne me prive pas pour le bousculer au passage, content ou pas content. Ca n’est pas lui qui me privera de la joie de retrouver ma meuf pour quelques jours. Ou en tout cas, au moins pour la soirée et pour la nuit si Mr Creep comme l’appelle Saoirse, ne se décide pas à m’appeler à j’sais pas quelle heure pour m’annoncer dix autopsies à faire le lendemain.
Je passe devant le restau chinois, tape le code et monte les escaliers qui mènent vers la porte de son appartement. Trois petits coups bref sur le bois usé et j’entends les pas d’Ayleen qui s’animent derrière. J’souris déjà comme une conne, contente de la retrouver.

« Hey Sunshine !
Je suis de bonne humeur, ça irradie sur ma gueule et j’me prive pas de le lui partager en douceur. Je dépose un premier baiser sur ses lèvres lorsqu’elle me laisse rentrer en glissant une main sur sa hanche pour l’attirer tendrement vers moi. Ça va ? Désolée, j’ai un peu tardé mais j’suis allé faire quelques courses. Je quitte ce corps déjà convoité un nombre incalculable de fois pour aller déposer mes deux sacs de courses sur la petite table de la cuisine. T’as passée une bonne journée ? »
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Ayleen McKinney

Ayleen McKinney
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MessageSujet: Re: I thought I heard you speak ▬ Ayleen   I thought I heard you speak ▬ Ayleen EmptyMar 18 Juin - 16:59

I thought I heard you speak
Taylor & Ayleen


Elle attendit. D’abord quelques minutes. D’abord un quart d’heure et puis beaucoup plus. Elle attendit, observant avec de plus en plus d’inquiétude l’ampleur des doigts gonflés. Doucement, elle constate qu’elle s’habitue à la douleur et finit par remercier les forces et le ciel qui l’entourent que ce ne soit pas cassé. Elle qui est gauchère, la situation est bien assez fâcheuse comme ça et elle risque de payer pendant plusieurs semaines – si ce n’est plus - ce geste stupide qu’elle vient d’avoir. Et puis, elle n’a pas envie d’aller à l’hôpital. Pas encore du moins. Quand on passe les vingt-cinq premières années de sa vie à traîner dans la monotonie morne et terne des blancs couloirs, même en cas d’urgence, c’est un sacrifice que de devoir y retourner. Guérisseur du corps mais pas de l’âme, ce n’est pas non plus la décision qu’elle vient de prendre qui l’invitera à y aller et vivre ; vivre la douleur des autres, l’odeur des produits dans l’air saturé, le brouhaha, l'insupportable crissement des pneus de brancards sur le sol de plastique et les cris affolés, les pleurs, ou même parfois les rires déments. Alors elle attendit. Elle attend Taylor et son retour imminent. Elle pousse un profond soupir en grimaçant. C'est une façon tellement débile de se tordre le poignet, qu’au fond, elle se maudit un peu plus qu’auparavant. Qu’avant cet instant fatidique où son poing rencontra la dureté inébranlable du mur de béton. Plus calme, plus apaisée par l’adrénaline en chute libre désormais, Ayleen s’assoit sur le canapé, les jambes qui se balancent dans le vide et le sol qui se dérobe à ses petits pieds. Silencieuse, elle sent venir la nouvelle nausée, la sensation âpre de cet événement improbable qui lui confère le statut indésiré d’irresponsable. Les prunelles fixent le mur. Dans sa bouche, la langue palpe les parois collantes, presque gluantes de son palais et de ses joues brûlantes. L’estomac geint, réclame à la famine, vide - et pourtant, la gorge nouée plaint à l’angoisse, l’anxiété comme une terrible vermine. La boule se meut, monte et descend dans le gosier fin, caché derrière le cou diaphane. Le regard braqué sur le test de grossesse délaissé sur la table du salon, Ayleen a l’impression humiliante et instable d’être misérable face à l’honneur du don. Si généreux, si improbable qu’elle peine à en être reconnaissante. Elle est habitée. Elle est habitée par la vie, par un être nouveau, une génération autre, prochaine qui ne demande qu’à grandir, qu’à connaître et vivre. Comme elle. Les terres fertiles assaillies, le ventre qui se tord et ne demande qu’à se bomber, s’arrondir et qui, pourtant, va devoir se taire, disparaître et se réduire. Elle y songe. Elle est une sorte de tueuse, de terrible assassin en devenir.
Et d’ailleurs…ça remonte à quand la dernière fois ? Ça remonte à quand cette ultime fois ? Est-ce que ça vient d’elle seulement ou d’une autre encore précédemment ? Quand ? Qui ? Où ? Ils n’ont pas été nombreux ces quelques prétendants. Elle a fait n’importe quoi durant peu de mois seulement avant de réaliser, avant de lui dire. Avant de devenir une âme aimée. Peut être plus pour longtemps. Parce qu’il va falloir lui annoncer et probablement même s’expliquer, avouer. Avouer qu’elle ne sait pas, qu’elle se souvient mais qu’elle ne sait pas. Elle ne sait pas si c’est Tomislav au moment où elle a osé rentrer bourrée. Elle ne sait pas si c’est le nomade de passage, le cuir huileux, les cheveux blonds souillés par le soleil et qui a tant été croisé mais savamment ignoré. Elle ne sait pas non plus si c’est cet étudiant français qui continue de lui parler parfois du Louvre, des Lumières et de ses musées. Elle ne sait pas la traînée, la fille facile, de joie, celle qui s’est définitivement trop amusée pour rattraper. Et rattraper quoi au juste si ce ne sont les premières sages décennies de sa courte existence de malade, de mourante ? En si peu de temps, la fête s’est finie et avec elle viennent les flots nauséabonds des conséquences auxquelles elle n’a jamais vraiment songé. Le goût que tout cela laisse est amer, aussi répugnant que la gerbe qu’elle se doit de dégobiller régulièrement. Une nouvelle inspiration force la femme à se redresser, à regarder l’heure et son téléphone portable. C’est bientôt. Taylor ne devrait plus trop tarder et elle n’est pas prête ; pas prête à tout expliquer pour conserver ne serait-ce que le plus petit espoir de la faire rester. Les malentendus arrivent tellement rapidement qu’il va lui falloir être calme, précise, concise avant le moindre débordement affectif et ô combien justifié qui pourrait les perdre toutes deux. Qui pourrait les faire se séparer.
Et puis ça frappe. Trois petits coups. Les mêmes à chaque fois comme une signature musicale qu’elle ne saurait oublier. L’appréhension grandissante, Ayleen va, part dans la direction de la porte et fait face à son incertain destin. Là, devant elle, la petite brune irradie, elle illumine d’une œillade chaque foutu recoin pathétique de ce vétuste appartement. Et ça ne fait qu’accentuer le stresse de la femme qui se laisse faire, se laisse tout de même réchauffer au contact de ce doux soleil. « Hey. » L’esquisse d’un sourire et la voilà déjà qui la quitte, s’en va, va poser des sacs d’emplettes non loin du test encore visible comme une bombe à retardement insidieusement exposée. « Hm. Moyen la journée on va dire et toi ça a été ? Pas trop dure ? » Elle peine à faire semblant, laisse couler le long de ses lèvres les banalités saugrenues des bonjours et des retrouvailles. La communication forcée et souhaitable pour unir tout être sociable.  Elle souhaite se débarrasser du problème plutôt rapidement mais Taylor revient sur ses pas, lui attrape alors la main, lui arrachant une grimace aiguë de douleur. « Je me suis fait-mal au poignet. Je. J’ai tapé dans le mur et je me suis fait mal là et aux doigts. »
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Taylor M. Obrien

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MessageSujet: Re: I thought I heard you speak ▬ Ayleen   I thought I heard you speak ▬ Ayleen EmptyVen 28 Juin - 0:12



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« Hm. Moyen la journée on va dire et toi ça a été ? Pas trop dure ? J’suis étonnée de sa réponse mais même pour les personnes les plus optimistes, les mauvais jours existent et viennent pourrir leur éternelle bonne humeur. J’ai parfois tendance à oublier qu’Ayleen aussi à ses hauts et ses bas, même s’il est difficile de se dire que l’âme de cette femme peut, parfois, côtoyer le blues. Compliqué de s’imaginer ça après l’avoir vu sourire, rire, alors qu’elle se pensait condamnée. Mes sourcils marquent la surprise mais je décide de tenter d’égayer ce moment avec ma journée qui, pour être honnête, était très loin d’être compliquée.
- Non, c’était top. J’ai eu mon après-midi. Du coup on a été s’dorer le cul au bord du lac avec Sadie. D’ailleurs, t’étonnes pas si tu trouves des coups de soleil ridicules un peu partout… j’suis vraiment pas faite pour ce genre de truc. » Je souris, elle, non. C’est ce qui m’interpelle certainement le plus. Ayleen n’a plus vraiment besoin de me parler pour m’exposer l’intensité d’un problème. A partir du moment où elle n’est absolument pas réceptive à ce genre d’histoire de tous les jours, de vies, sans l’ombre d’un sourire, c’est que le souci qui barre son front et son regard est potentiellement plus grand que sa propre personne.
Je reviens sur mes pas, délaisse les courses qui passent en second plan.

« Et toi alors, qu’est-ce qui t’as pourri ta journée ? Ou qui ? Je lui prend délicatement la main mais me fais couper net par la grimace douloureuse qu’elle m’affiche. Mon regard se baisse sur le dessus de sa main… Wow.
- Je me suis fait-mal au poignet. Je. J’ai tapé dans le mur et je me suis fait mal là et aux doigts.
- Quoi ? Comment ça taper dans le mur ? » Oui, taper dans le mur. Ayleen. Si j’avais pas le bleu qui commence déjà à se former autour du poignets et les phalanges rougies à la peau écorchée et légèrement gonflé sous les yeux, je ne l’aurai pas cru du premier coup. Parce que ma meuf c’est pas tellement le genre à se la jouer Rocky Balboa contre les murs ou les parpaings. L’inquiétude est là, s’installe au creux du bide, comme un sixième sens qui me hurle que tout ça, ça pue. La seule raison pour qu’Ayleen en arrive à en taper dans un mur m’apparait comme un mauvais cauchemar. Une boucle qui se répète. Je l’imagine déjà m’annoncer que sa muco est revenu, que c’est la merde, que finalement la greffe va pas fonctionner suffisamment longtemps et tout un tas de connerie aussi déraisonner et justifiés pour la plupart.
J’lui laisse pas vraiment le temps de répondre alors que je la guide en douceur vers le vieux canapé qu’elle a récupérer il y a un bail et la pousse à s’y installer.

« Bouge pas, j’vais chercher ce qu’il faut. J’ai pas tellement de mètre à faire pour atteindre la salle de bain et choper la trousse de secours que j’lui ai ramené et fourni en un paquet de truc utile, tout en sachant qu’elle-même avait déjà des réflexes et un stock bien avant que j’me ramène. Je reviens rapidement vers elle, m’installe à ses côtés et prend de nouveau délicatement la main que j’examine, palpant en douceur chaque phalange, m’arrête lorsqu’elle sursaute de douleur, remonte jusqu’au poignet délicat. C’est pas cassé mais j’pense que tu t’es faite une belle entorse. Je sors de quoi désinfecter les petites coupures avant de revenir à son regard. Un paquet de nuage se trame au fond de ses prunelles d’ordinaires lumineuses. Bon, qu’est-ce qu’il s'est passé pour que tu frappes comme ça ? » Elle sait qu’elle peut tout me dire, j’ai même pas besoin de le préciser. Liées par la vie, par la mort, par la peur, un lien particulier s’est tissé depuis la tuerie de noël. Un lien que j’ai peur de voir s’effilocher à l’aube de notre commencement.
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Ayleen McKinney

Ayleen McKinney
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MessageSujet: Re: I thought I heard you speak ▬ Ayleen   I thought I heard you speak ▬ Ayleen EmptyJeu 15 Aoû - 17:15

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Dans sa bouche, la langue palpe les parois asséchées et le palais, et les dents, et les joues. Dans sa bouche, l’estomac geint, gémit et gerbe les germes de la gestation. Dans sa bouche, l’impression instable, l’impression humiliante et misérable de s’asseoir sur les vestiges passés des joies éphémères, des récréations affolantes et fugaces d’une vie frêle et maladive. Dans sa bouche, la vérité, les actes, le passé niqué par les désastreux faits. Dans sa bouche, la vérité, la volonté, la peur de faire pareil, d’abandonner après l’avoir été ; de tuer après en avoir réchappé. Dans sa bouche, face à l’expression de Taylor, ses questions et ces crevasses inquiètes qui se creusent le long de ses traits, Ayleen est désertée. La faiblesse juvénile de l’adulte à peine autonome, la peine féminine d’une humaine aux envies soudaines de maternité. Le pathos se traîne le long du membre pété, claqué contre la dureté d’un parpaing cathartique et à l’inutilité bel et bien avérée. Et dans sa bouche, elle se mord lorsque la compagne bouge, remue et soigne. Dans sa bouche, faut qu’elle parle. « Faut que j’te dise un truc... » Sa voix fait mal, sous la peau fine du cou, le long de la trachée. Sa gorge fait des rebonds et sa luette se meurt sous la douloureuse déglutition. « Je sais bien d’avance que tu vas penser à des trucs en cascade avant que je finisse alors...alors je te demande, par pitié, d’attendre la fin de ce que j’ai à te dire avant de réagir. » De sa main niquée, elle retient celle de la brune. Les doigts rouges et blancs, les stigmates de l'épuisement, elle est bleue sous les yeux et elle flippe. C’est affreux. « Je...pfff. J’ai... Quand je suis sortie de l’hôpital et bien j’ai essayé un peu de rattraper quelques trucs que je n’avais pas pu faire durant ma maladie et ma convalescence tu sais. Oui tu le sais. Enfin, j’ai fait un peu n’importe quoi pendant trois semaines avant que ça se précise entre nous deux et je n’en suis pas très fière. J’ai pas réfléchi à tout, je l’avoue, j’ai juste voulu sortir, rire, voir ce que ça fait de boire à outrance, rester dans des boîtes qui font mal aux oreilles...et voir ce que ça fait de ...de titiller les personnes qui me plaisent au lieu de juste rester assise bêtement comme j’ai toujours fait. » Quelque part, dans les tripes, dans les entrailles, dans les recoins cachés d'elle-même, Ayleen pensait qu'elle était quelque chose d'autre, quelque chose de mieux ; un être mantra, un être chakra, ouvert et raisonné. Pas la salope, pas la pétasse, la pute, la dévergondée du quartier qu’on a involontairement engrossé. Elle lèche ses lèvres pour les hydrater. Mais ça ne les hydrate pas la salive, ça les craquelle. « Et...il y a...il y a eut trois personnes, deux hommes et une femme. Et...bon. Je vais pas passer par quatre ch...bon...je suis enceinte. » Le cœur au bord, dans sa bouche, elle sent sa poitrine s’arracher d’abord et puis la peur, ensuite, qui la prend et la dévore. « Ça fait un moment du coup, plus de deux mois...ça fait depuis deux semaines que je me sens bizarre mais j’ai seulement pensé à cette éventualité hier soir...et j’ai fais le test et voilà... Je...je vais pas le garder hein. » Faut qu’elle le précise, qu’elle capte son regard par tous les moyens pour la sonder, pour savoir, pour au moins essayer de deviner si ce qui vient d’être dit peut être surpassé. Ou pas. « Je...je vais pas le garder et c’était avant toi mais je voulais être honnête avec toi parce que je me sens pas de faire ça seule...sans toi. »
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