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crédits : Pandamalin messages : 70 quartier : South Side - Un studio au dessus d'un restaurant chinois avec son époux mais plus pour très longtemps physique : Enceinte depuis cet été - A subi en début d'année une greffe pour mucoviscidose - poitrine scindée en deux par de nombreuses et grosses agrafes - en voie de guérison
Sujet: Tomorrow Never Came - Tomislav Mer 9 Aoû - 22:13
Tomorrow Never Came
Tomislav & Ayleen
“Hey, what you doing ? Not a lot. Shaking and moving in a local spot. Baby don't asky me why, don't ask me why”
Le grésillement sourd du tourne disque s'amenuise, se bloque et se répète. Il s'effrite, se racle contre la tête de lecture, éreinte les fins sillons noirs, accompagnant le rythme régulier d'une respiration lente et douloureuse. La trompette et le sax' pincent l'air dans les narines, la basse soulève la cage thoracique, la batterie fait sautiller un cœur qui se fatigue, s'épuise et se stop parfois. La mélodie court sur les motifs floraux des papiers peints, jaunis par le temps ; elle longes les arabesques des tapisseries poussiéreuses, les dents et les poils fins des animaux exotiques empaillés ; elle s'imprime dans les fêlures des porcelaines d'orient et dans les craquelures des vases d'occident. Le jazz dans son entièreté s'imprime dans absolument tous les recoins d'un salon aux couleurs criardes et dépareillées. Il s'éparpille et fait vivre dans son allégresse quasi centenaire un corps qui se meurt. A petit feu, au son des groupes de Harlem et de la Nouvelle Orléans, Ayleen s'éteint, jour après jour, d'heures en heures. Au son du blues et des gospels, dans la mesure des pianos et des voix soûls de ces grandes dames pleine d'énergie, Ayleen s'enfonce et s'enlise dans la mousse orangée et molle d'un canapé seventies bon marché, écorché qui épouse la cambrure maigre de son dos depuis plus d'une semaine. Devant ses yeux cernés d'un violet noirci et profond, se déroule la pellicule primaire d'un vieux film en noir et blanc. Dans un rire mutin, la blonde au premier plan se ressert un troisième verre de champagne plein de bulles qui dansent. Elle l'avale, hilare, soutenue par le charme d'un gentleman gominé, la main appuyée sur le comptoir d'un bar, qui n'ose dévier vers la cambrure des reins féminins qui provoquent plus qu'ils ne séduisent. Les hommes à leurs côtés poussent leurs jetons au milieu de la table grise, demandant à la blonde dans sa grande et longue robe brillante de souffler sa chance sur ces vulgaires bouts de plastiques qu'ils se disputent, porteurs de richesse. Ayleen les contemple, un peu envieuse dans leur époque joyeuse, dans leurs années folles. Elle appuie machinalement sur l'épaisseur de ses cheveux sales, s'imaginant avec une coupe aussi courte et lisse que cette dame pleine de grâce et de candeur. Bof, ça n'irait peut être pas, elle se dit que c'est peut être le bandeau orné d'une plume qui fait tout en réalité. Reniflant, elle réajuste les fils de Billy qui s'emmêlent autour de son bras frêle et puis continue de contempler ces personnages qui rient, jouent, s'amusent et exultent ; ces personnages qui respirent. Leurs poumons se vident, l'air y entre et ressort sans qu'ils ne se posent aucune question, aucune. Leur oxygène passé est une provocation à son malheur présent et elle tousse encore une fois, inconsciemment devant ça. Ça, ce marasme ambiant qui l'habite, qui ne la quitte plus depuis qu'elle sait ce qui l'attend dans moins de deux mois : ça, ce marasme qui reste et qui l'accompagnera derrière cette porte d'entrée close, derrière les murs blancs et désaffectés de l’hôpital, derrière les parois de bois de son propre cercueil. « Et des ravioles aux noix ! Des ravioles aux noix pour la table une, pour une charmante demoiselle qui devrait passer à la douche après son délicieux repas préparé avec amour ! » Son père adoptif se ramène, cet éternel ensemble de velours scotché à sa maigre silhouette qui se dandine et dépose un plateau odorant sur les genoux pliés couverts d'un plaid et de ses rats qui s'agitent lorsqu'ils hument la nourriture. L’œil morne et découragé mais la mine joviale et forcée il attend l'habituel refus qui tombe presque immédiatement d'une voix à moitié chuchotée. « Merci mais j'ai pas très faim. » Se penchant à la hauteur de la malade, il capture quelques pattes entre les pics de la fourchette et porte le tout dans sa propre bouche aux contours mal rasés. « Ils sont bons pourtant. Ça te dit qu'on fasse moitié moitié ? Aller, je vais quand même pas devoir repasser par ces boissons infectes et hyper-caloriques que je t’achetais quand tu étais petite pour que tu reprennes un peu de poids ? » Haussant les épaules Ayleen se redresse un peu, acceptant difficilement d'ouvrir la bouche, dégoûtée comme ces enfants devant une tonne de légume verts. « Oui, c'est vrai qu'ils sont bons, merci c'est gentil. » S'offrant le luxe de se forcer un peu pour éclairer le visage de cet homme qui dépéri autant qu'elle d'un simple regard porté sur sa personne, elle mange, sachant pertinemment que dans quelques heures le tout finira au fond des toilettes. « Tu devrais te laver un peu Ayleen, ça fait plusieurs jours que tu ne bouges plus de là. Tu devrais sortir, voir tes amis, aller au café comme tu fais normalement, au musée je sais pas. » Le regard chocolat se porte sur les tâches indélébiles du plafond, agacé. « Je veux voir personne, pas comme ça, je veux plus voir personne. » Se faisant violence pour que les larmes qui menacent de sortir restent à l'intérieur de ses prunelles, elle maintient sa tête ainsi levée, froissant les plis de son jogging jusqu'à ce que l'on sonne plusieurs fois d'affilé chez eux. Maintenant sa position, Ayleen résiste, laisse la gravité agir sur sa tristesse tandis que le cuir d'une semelle usée crisse contre le bois sale du parquet de la pièce. Une voix grave, froide teintée d'un accent marqué s'élève alors, lui demandant si elle compte rester ainsi longtemps. Boudeuse, la sylphide baisse le menton à hauteur normale, dévisageant l'invité surprise qui vient de débarquer. Tout de noir vêtu, Tom se tient dans l'encadrement de la porte, le visage toujours impassible, bizarre, détaché, hors du monde. Comme d'habitude. « Ah, c'est toi weirdo. » Un pouffement presque imperceptible secoue ses larges épaules tandis qu'il se tient toujours droit, raide comme la longue tige de fer qui peut rivaliser avec l’épaisseur ridicule de sa silhouette. Il ne bouge pas, il reste planté là ses gros yeux de défoncé braqués sur elle, activant sa moue rosée pour la prévenir que sa voiture est enfin réparée. Prenant la plus grande inspiration que ses poumons lui permettent de prendre, Ayleen dépose la voûte de ses pieds nus au sol avant d'enfiler ses chaussons à tête de licorne. Déposant ses petits compagnons sur ses épaules elle se décide enfin à se lever, traînant Billy derrière elle dans un bruit de roulettes rouillées pour aller contempler le résultat. « Je te dois combien du coup ? Ne t'approche pas trop de moi déjà parce que je ne veux pas que tu manges un de mes rats et ensuite parce que je suis vraiment dégueu. »
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Sujet: Re: Tomorrow Never Came - Tomislav Mar 5 Sep - 18:13
⚜ Ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'éternité.⚜
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Ayleen McKinney
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Sujet: Re: Tomorrow Never Came - Tomislav Lun 23 Oct - 11:51
Tomorrow Never Came
Tomislav & Ayleen
“Hey, what you doing ? Not a lot. Shaking and moving in a local spot. Baby don't asky me why, don't ask me why”
Un mètre, ou deux, voir trois tout au plus finalement lui semblent être une bonne idée. Ayleen s'avance, se recule, se déporte et s'écarte de parts et d'autres de son invité dans un méli-mélo de petits pas agités exécutés et noyés dans le flot rapide de ces mots qu'elle prononce avec tant de difficulté. Elle se déplace, lui fait face, se détourne et le contourne quelque peu, faisant mine de protéger, de gestes maladroits de la main, les bestioles qui s'agitent de plus en plus le long du tissus sale qui recouvre ses épaules. A chaque mouvement elle la sent, à chaque inspiration, à chaque coup de paume levée vers ses rats ; à chaque fois elle sent cette odeur corporelle gênante, cette odeur de crasse écrasante. Elle sent cette odeur pleine de miasmes, bourrée de pathétisme mais aussi et surtout de tout un marasme qui émane d'elle et dont elle tente de le protéger. En vain. Tous les pores de sa peau puent la peur, la dégueulasse transpiration de ceux qui se font dessus face à la mort, la défécation sensible de l'humain sans couilles et sans courage. Elle embaume la tristesse, l'encens fumant de la défaite. La déprime en fragrance qui souille ses lèvres et ses traits juvéniles, qui rend crade ses cheveux et le coin de ses yeux malgré le fait qu'elle s'asperge en continue de « l'air de rien », parfum des faux-culs, des hypocrites. Parfum des lâches. « Ah ! Et tu fais quoi exactement des poils, des os et des queues ? Tu en fais des boules comme les hiboux c'est ça ? Tu les recrache uniquement les soirs de pleine lune ou tu les digères comme les serpents avec de l'acide ? » Elle, elle pouffe immédiatement, ce qui a pour conséquence de décrasser un peu ses poumons et ses sentiments ternes. Lui, il a le coin des lèvres qui se relèvent à peine sur le coup. Il a les joues qui se tiraillent, qui fendent sa peau lisse et blafarde autour de ses commissures. Il étire toute cette bouche qui arbore la forme d'un joli cœur sur tout son être qui en semble pourtant dépourvu. Tom sourit, à sa manière ; ce qui sur l'échelle de la drôlerie équivaudrait probablement à une salle comble, pliée en deux, se cramponnant le ventre parce que secouée par de nombreux spasmes de rire.« Ahaha tu as donc plus d'expressions que Kristen Stewart, c'est bon à savoir ça ! Enfin bref. L'odeur vient bien de moi et pas des rats tu as raison. Je ne vais pas t'imposer ça plus longtemps, je vais aller me doucher...Je fais vite promis juré. En attendant je te confis la garde de ton repas journalier, ils vont faire leur vie dans la maison. Tu peux faire le tour du propriétaire ou si tu veux prendre un truc à boire avec mon père dans la cuisine avec son nouveau mec tu peux...enfin bref tu fais ce que tu veux quoi, fais comme chez toi. » D'un haussement d'épaules, elle tourne les talons et jette un à un ses rats sur le velours côtelé d'un des canapés qui meublent et encombrent autant la pièce que les piles de livres qui s’amoncellent ça et là. Billy sur les talons qui fait grincer ses minuscules roulettes, elle délaisse le serbe pour la politesse de la salle de bain juste un étage au dessus.
Là, dans la douche, les gouttelettes martèlent l'acier de sa bouteille. La vapeur s'emmêlent autour des tuyaux et le corps rougit tout entier sous la chaleur. Ayleen se lave, arase sa peau, la frotte au point de s'irriter, de s'écorcher, de se faire mal. Elle tire sur les cuisses et les bras, frictionne le dos et les joues, maltraite la cage thoracique et tout cet amas de chaire à la maladie tyrannique. Et puis après, la chevelure trempée, les lianes couleur caramel qui se prennent dans le tissage de ses vêtements, elle s'habille aussi rapidement qu'elle le peut. Précipitamment, encore humide, les extensions transparentes de Billy tordues sous sa robe et tirent sur son nez, elle se présente à nouveau face à Tomislav en lui tendant une enveloppe épaisse. « Tiens, c'est ton paiement. Ça va j'ai pas été trop longue ? Tu as pu t'occuper ? J'ai mis du parfum ça devrait être plus agréable pour tes narines maintenant. On va la voir ? » Pieds nus, elle se dirige vers la porte d'entrée. Sans broncher il marche derrière elle qui foule le béton comme une hippie un peu dérangée pour ces passants qui bousculent ses volants légers et colorés de fleurs brodées. « Wow ! C'est toi qui a tout tout tout fait dessus ? Même la peinture ? » Elle tente de siffler quand elle aperçoit la vieille carlingue à nouveau jeune et rutilante, mais ses incisives ne font que postillonner derrière une quinte de toux assez bien contrôlée. Soufflant, elle se tourne vers lui qui renfrogne son front face à la tonne de billets verts qui s'éparpille entre ses doigts et l'enveloppe ouverte. « 10 500 dollars ça te va, c'est bon ? C'est le budget que j'avais – enfin que mes « pères » ont calé pour la retaper entièrement mais je sais qu'ils ont vu un petit peu trop large...Surtout pour quelque chose dont je ne vais que très peu me servir au final haha. Enfin, le truc auquel j'ai pensé c'est que je ne vais plus pouvoir te dispenser...enfin te faire de cours – pardon – maintenant. Je suis trop malade pour ça, je vais rentrer dans quelques mois à l’hôpital alors du coup j'aimerai me faire pardonner en augmentant un peu ce que je te dois si tu es d'accord. » Ça lui paraît désormais si terriblement futile de parler de sa propre mort comme ça qu'elle en esquisse un pauvre sourire. Un sourire naze, à peine levé en l'air, qui bande mal, un sourire qui bande mou. Un sourire blanc, plein de ciment qui s'effrite, qui tombe en ruine, aux fondations branlantes. Un sourire d'arnaqueur; un masque marbré qui perd quelques grains de poussière en chemin quand elle secoue la tête. Un sourire du quotidien, celui des comédiens, celui de ceux qui vous balance aisément « tout va bien. ». Elle en rigole pour enjoliver le tout, arrondir les angles, ramasser la merde mensongère qui en tombe et qui tiraille ses traits fatigués. « Roh aller, fais pas cette tête là il y a plein de gens bien meilleurs que moi pour t'en filer des cours comme ça, c'est quasiment le business de tous les étudiants du coin. Prend tout s'il te plaît, c'est largement mérité vu tout le boulot que tu as fais dessus. Elle était dans un sale état et maintenant elle claque vraiment. Ça te fera de quoi payer une autre personne pour te préparer tranquillement et comme ça j'aurai la conscience plus tranquille. » Déconfit, elle l'observe tordre l'argent, le chiffonner pour le tasser au cul du sachet de papier. Pendant une minute elle ne comprend pas trop et puis elle capte ses sourcils froncés. Énervé c'est ça, il semble énervé. « Il y a quelque chose qui ne va pas ? Tom' ? »
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Sujet: Re: Tomorrow Never Came - Tomislav Mar 31 Oct - 15:47
Ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'éternité.
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Ayleen McKinney
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Sujet: Re: Tomorrow Never Came - Tomislav Mar 2 Jan - 21:15
Tomorrow Never Came
Tomislav & Ayleen
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Deux enfants. Là, dans cette rue, deux enfants sous la chaleur déjà écrasante, sur le pavé lisse du béton qui crame la voûte nue des petits pieds. Deux gamins sous le soleil qui tape et dont la lueur leur tombe lourdement dessus de façon aveuglante. Ça crispe leurs yeux, ça enserre leur regard, ça fait chier leur vue. Deux mioches, deux gosses aux traits encore juvéniles sous les signes de plus en plus visibles de l'âge adulte, de ses réflexions et de ses problèmes inutiles souvent complètement cons. Des problèmes qui viennent percer leur nonchalance, qui viennent s'imposer avec beaucoup d'imprévu et surtout pas mal d'indécence. Ayleen interloquée se dresse par cette réaction un poil trop négative pour quelqu'un qui reçoit entre ses mains autant de pognon. Elle a le capot éclatant de la bagnole rutilante sous ses ongles rongés, sous ses paumes tout juste lavées. Elle a le gravier grossier qui lui rentre et éraille l'arc de ses talons bombés. Elle a le mégot d'une clope laissé là qui se coince sous l'un de ses orteils ; un bâton qui dégage encore ses cendres froides, qui imprime sa peau ; un filtre mousseux qu'elle roule du pied, qu'elle jette du haut du caniveau d'une mine dégoûtée. Elle le regarde s'éloigner, tourniller sur lui même et puis tout simplement tomber. Elle le regarde lui, et puis elle regarde Tom à nouveau. Lui, elle le contemple plutôt, elle le détaille avec attention pour anticiper sa réponse. Autour d'eux les gens passent, les contournent. Ils les évitent ou bien les bousculent, ils se tournent. L'un remarque la liasse de biffetons entre les doigts, un autre lorgne carrément dessus pour continuer son chemin un plus loin, plein de regrets, dans la rue. Ça marche, ça passe, ça s'éloigne d'eux, eux deux qui ne bougent pas, qui ne remuent toujours pas. Ayleen attend, Ayleen comprend. Tout en lui se crispe. Tout en lui se tend et se sert subitement mais de façon assez subtile paradoxalement. Les contours osseux de sa mâchoire s'accentuent sous l'impulsion de quelques coups de dents. Les coteaux luisants de son bec de vautour s'écrasent et ses yeux ronds de rapace la fixent, ne la quittent pas, tenaces. Les longues griffes de ses doigts éreintent l'enveloppe, froissent les billets, percent le papier blanc, chiffonnent le tissus vert des billets comme s'il s'agissait plus d'une vulgaire proie que d'un apport de choix. Il la met mal à l'aise. Soudain ça la frappe, l'idée perce et la gêne. Il ressemble à un sale mioche comme ça avec ses airs hautains de prince sibérien. Il ressemble à une petite merde capricieuse, à un petit connard qui a envie de tout balancer à son paternel avec sa mèche lissée et ses vêtements noirs taillés bien droits. Il ressemble aux fils de ces Tsars qu'on a souvent peint autrefois, il a leurs traits bourgeois, ténébreux et froids, les couleurs de l'hiver au bord de ses lèvres pâles dénuées d'une quelconque nuance rosée. Il parle, exige plutôt. Il balance des mots qu'elle ne comprend pas, des syllabes, des sons ou bien des phrases aux accents d'insultes, aux tons plein de tumultes. Il renfrogne autant sa gueule que toute cette monnaie pliée, presque arrachée sous sa poigne en étau serré.
« Oui la mort Weirdo. C'est ça qui va arriver de grave. » Elle ne peut réprimer un léger agacement mélangé à quelques tremblements. Tripotant machinalement le joint chaud de caoutchouc de la portière close de sa voiture à peine refaite, elle enchaîne gorge serrée sur sa fatidique vérité, hésitant à intégrer l'intérieur du véhicule pour parler dans un endroit plus approprié, dans un peu plus d'intimité. « J'ai une maladie grave je te l'ai déjà dis mais c'est le genre de truc qui ne se guéri pas comme ça. Je dois presque attendre un miracle... En gros pour te la faire courte j'ai la mucoviscidose et je ne sais pas comment on dit ça chez toi. Je dois rentrer à l’hôpital en décembre pour une greffe des poumons. Je dois donc attendre que quelqu'un comme moi, jeune dans le meilleur des cas, compatible parfaitement en tout cas meurt pour que j'hérite de ses organes, en espérant être assez haut placée dans la liste pour ne pas mourir avant. » Les idées morbides traînées en fardeau pendant ces derniers mois se font enfin matérialiser dans le timbre rocailleux de cette foutue voix faiblarde qu'elle peine à maîtriser. Ça la fait blêmir et chanceler. Ça la fait pâlir. Accoudée au toit d'une guimbarde ancienne qu'elle ne conduira pas et probablement jamais, elle fourre sa tête et ses cheveux agréablement humides dans le creux de ses bras. Elle a des mèches qui se détachent de sa nuque qui soudain se met comme à cuire sous les affres de l'astre dont la puissance ne faiblit toujours pas. Sous sa peau, le métal bouillonne, Billy contre son mollet aussi, le goudron fond, les égouts puent, les échappements menacent de la faire tousser et elle se laisserait presque aller, elle se laisserait presque glisser au sol pour se mettre à pleurer au lieu de tout simplement se retourner vers celui qui se permet de percuter son marasme sans avoir l'air d'éprouver ne serait-ce qu'un peu de compréhension si ce n'est de la pitié. « Écoute Tom, calme toi, il y a forcément une solution. Au pire je peux continuer à te donner tes cours à l’hôpital, tu n'auras qu'à venir me voir dans ma chambre et on arrêtera un petit temps quand je recevrais ma greffe...ou quand...enfin voilà. Par la force des choses quoi. » Elle ose à nouveau porter ses yeux sur lui. Il s'est rapproché pour mieux l'entendre. Il lui fait de l'ombre, il l'englobe de toute sa hauteur, de toute sa noirceur dans la chaleur. Ce qu'elle propose ne lui semble pourtant pas suffisant. Elle décèle encore de l'inquiétude, de l'impatience aussi et surtout de l'urgence. Ce type est clairement désespéré. Une situation dans laquelle Ayleen n'a aucun mal à se projeter, sentant elle aussi une certaine sentence à venir menaçant d'absolument tout écrouler. « Sinon... Il y a le mariage blanc. » La solution vient percuter autant sa bouche que sa conscience, surprise au fond que ce garçon n'ait jamais pu y songer. « Tu n'y a jamais pensé en arrivant ici ? Ça se fait de plus en plus souvent dans le pays en plus. En gros il y a des filles ou des garçons hein, ça dépend de ce que tu vises, qui, en échange de tout l'argent que je viens de te filer, pourraient parfaitement accepter de t'épouser pour que tu puisses rester et obtenir la nationalité. Il te faudra juste être super prudent avec les services de l'immigration et préparer des preuves de ta relation avec eux mais tu pourras trouver des gens pour te conseiller. En même temps je pourrais continuer à t'aider, faire des attestations sur l'honneur comme quoi tu cherches à apprendre, à t'intégrer enfin ce qu'il faudra leur donner pour les contenter. Je peux te trouver quelqu'un dans le cercle d'étudiants que je connais qui serait prêt à faire ça, une pas trop laide au pire si tu veux nouer quelque chose, joindre l'utile à l'agréable, ou un mec je n'en sais rien je ne te connais pas. Ou alors je peux le faire moi. Je peux t'épouser si tu veux. »