Who's the best ?

Lueur égarée, ils viennent pour sombrer. Rien que ce soir, pour certains. Pour d’autre, ce n’est qu’une habitude amère, quotidienne, une tourmente qui ne prendra jamais fin. Le groupe qui a fini par me tenter et m’entraîner en ce lieu ne prête guère attention. Personne n’ose jamais boire jusqu’à perdre la raison, pas ici, dangereuse tentation. Les rires éclatent, la bonne humeur roule sur le comptoir bondé où les verres ne cessent de se bousculer, d’être renversé par la maladresse de ceux qui ont déjà trop bu. Anecdotes lâchées bravement, rappels de souvenirs auxquels nous préférons rire aujourd’hui, désormais. L’oubli d’un passé fâcheux, de problèmes pesants qui n’attisent qu’une colère constante envers tout ceux pourvu d’une conscience et la capacité de s’exprimer. Une provenance logique quand l’on se déteste soi-même. Des erreurs faites qui ne seront jamais rattrapées, maintenues dans le silence absolu. Les conséquences n’ont été que fatale, douteuses malgré tout. Ignorance d’un ressenti à l’égard de celle qui a été profondément blessée. Détestée pour l’enfant qu’elle tient éloignée, appréciée pour la femme qu’elle est. Enfer et damnation. Dernière gorgée avalée, sèchement, d’une rancœur sans égal. L’impulsion vive, malsaine qui se doit d’être enterrée aussi vite qu’elle se soit manifestée. L’essence du poison ne fera qu’apaiser le sang, le cœur handicapé qui ne parvient à éprouver. Enfermé entre quatre murs, nourrit par le mal causé à ceux qui l’ont créé. Vengeance, deuxième du nom. L’air frais écrasant, aussi glacial qu’une caresse mortelle. Les poumons s’insufflent de cette bouffée addictive et toxique, la carrure repose contre la façade du bar où aucun démon n’ose s’aventurer. L’absence d’étoiles qui rayonnent qu’importe les saisons, les seules de leur scintillement qui réchauffent les esprits, les guident vers une réflexion intense et poussée, où la bêtise n’a pas sa place.  « Putain, fallait que je vois ta gueule ce soir… Ah moins que tu sois venu pour avoir ta correction. » Intonation désagréable, perturbant l’évasion. Le regard d’ores et déjà horripilé d’avance.

Dardé sur le russe à l’avenir douteux où le sursis n’est qu’un début. La pente est devenue glissante, il a osé. Il l’a fait, ce pas de l’autre côté où il est interdit de s’égarer, ce monde qui n’a aucune valeur, qui n’a rien en commun contre celui que l’on s’efforce de préserver. Limites franchies si une âme peut être sauvée. Alex n’en a rien fait, accueillit par le péché. « J’ai pas l’temps de m’occuper d’un gamin comme toi. J’ai autre chose à foutre de ma soirée que de m’abaisser à un tel niveau. » Mégot jeté, quelques mètres plus loin, d’un coup de doigt détaché. L’imposante silhouette se détache du mur contre laquelle elle reposait, loin de penser qu’on irait la provoquer ce soir. Surtout pas ici. Loin était l’idée de croiser celui qui ne mérite pas que l’on prononce son nom, lui qui a des qualités qu’il préfère simplement gâcher par la difformité de l’autre monde où l’on ne soit s’aventurer que pour de bonnes raisons, purement professionnelle. Le regard cherche, simule avant d’être porté au pêcheur. « Y’a pas ta pute dans l’coin ? Que j’vois pour quoi t’as risqué ta carrière, que j’rigole deux secondes. A moins que t’en aies plusieurs du coup. Faut t’occuper, pendant deux semaines. » Une tape amicale sur son épaule que j’empoigne sans aucune tendresse, sans agressivité. « Au moins, t’auras les couilles vides, t’ouvriras moins ta gueule. »

Compagnie peu agréable, cigarette peu appréciable. Le visage si familier qui n’a jamais su plaire à mes goûts loin d’être difficile. Un visage qui ne revient pas, qui appelle à la violence, crépitant sous les doigts d’une fermeté crue. Marquer l’épiderme ravagée par les années, par le temps qui découle à vive allure, nos jeunes années n’étant qu’un souvenir lointain. Détaché du mur tenace, sans grande envie de m’éterniser avec l’homme pour qui je n’éprouve aucune sympathie, qui ne m’assure aucune confiance. Un homme qui gâche tant d’opportunité, une carrière pour ses limites dépassées. Du potentiel, je l’admets. Un potentiel mêlé à un ramassis de conneries, un homme comme un autre qui ne vaut pas mieux que les vautours de ce funeste royaume maudit et, pas mieux que moi. « Moi au moins je me les vides. » Ignorance absolue, des mots qui n’atteignent pas. Aucune culpabilité ne pèse, la réalité n’est pas celle qu’il croit refléter. Seul le contact m’est désagréable, un sourcil s’arque, les prunelles méprisent l’homme qui se tient fièrement devant moi. Aucune intimidation éprouvée, celui qui prend le monde de haut par toute absence de fierté. Si écorché, abaissé au même niveau que ceux qui errent dans les tréfonds infernaux. Gagné par l’ombre menaçant chacun d’entre nous, soumis à la lugubre tentation. « Mais, dis-moi, t’y connaît quoi au gamin, t’as pas élevé la tienne toi. » Impassible mais, touché. Attaqué sur un terrain qui ne l’a jamais regardé, mêlé à la vie privée. Un niveau si bas qu’il en est désespérant, futilité agaçante. Bien sûr qu’ils savent, tout le monde sait ce qu’il se passe. Les gens parlent, la vérité prend le temps de s’installer mais elle finira toujours par régner. « On dit que t’es pas le mec le plus fidèle qui soit et que tu t’es fait jeter comme une merde. » Surpris par l’amusement qui me démange, le sourire peine à être réprimer, finit par s’installer. « A ton avis, ta gosse, elle le sait ? Que son père est un putain d’infidèle... » L’emprise brisée, ma main s’ôte de son épaule sans rechigner. Chance qu’il ne m’ait pas laissé avoir cette emprise bien plus longtemps. Le sujet dérange, le palpitant pompe d’une fureur meurtrière, les membres ne demandent qu’à violenter. « Peut-être que t’es juste jaloux, en fait, parce que même les putes veulent pas de toi ? » Un rire railleur s’échappe malgré lui.

« Les putes n’ont pas le choix, Azarov. Elles s’envoient même ceux qui sont bien plus vieux qu’elles. » Aveugle de cette triste réalité. S’il croit que ce gosse s’envoie seulement des gars de nos âges, il se trompe. Les putes en voient défilés, et la plupart du temps, il n’y a que les déchets qui viennent se réfugier entre leurs cuisses abusées. « J’ai pas d’quoi être jaloux, c’est pas mon délire les sacs à foutre. C’est plein d’maladie. J’ai pas non plus b’soin de claquer bêtement mon fric pour du cul. J’suis pas désespéré à c’point. » Bien que l’hygiène soit plus important, il suffit d’une fois. Un des nombreux clichés. Je n’ai pourtant aucune envie de vérifier, n’étant pas aussi atteint d’un désespoir aussi pathétique. « J’éviterais de ramener ma gueule, à ta place. Tu t’en occupes toi, de tes gosses ? Ils savent que tu t’es envoyé une putain bien plus jeune que toi ? J’suis sûr que ce garçon a commencé au même âge qu’un d’tes petits mecs. C’est à c’t’âge là que les proxénètes les aiment. Tu devrais le savoir, ça. » Des adolescents, filles comme garçons, d’une tendre naïveté, manipulable à souhait, si facile à dompter. Une image à parfaire, des poupées de chiffons. Programmé pour un défiler incessant, enchaîné à un homme puissant. Et ils finissent par oublier de vivre, ce qu’est la vie, la vraie. Ils ne finissent par ne connaitre que ça, embourbé dans une bourrasque chaotique. « Je suis peut-être le plus infidèle de tous, j’ai peut-être pas élevé ma gosse mais, mes conneries ne se sont jamais répercutés sur mon travail. Elle est là, la différence. Et à ta place, j’serais pas fier de m’être envoyé une pute. Ton rôle c’est d’les sauver, d’les foutre en taule s’il le faut et pas d’les baiser. T’as pas sauvé c’gosse, t’as juste profité et tu m’dégoûtes. T’es immonde. T’as aucun mérite. » Les prunelles détaillent, méprisent l’homme sans scrupule. Le respect il ne l’a pas mérité, l’insigne qu’il retrouvera dans quelques jours non plus. Corrompu, un flic qui n’arrive à se démarquer et qui pourtant jusqu’ici ne s’était pas éloigné. Haine littéralement crachée, loin d’être un homme raffiné. Les chaussures souillées de mucosité, l’irrespect démontré. L’affront pur.

Haine déversée gratuitement, sans aucune surprise. Faille trouvée de l’homme qui pense tout savoir. Atteint du sujet évoqué, de l’enfant que je n’ai pas eu la chance d’élever, de voir grandir, tentant désespérément de faire survivre mon existence, lui assurer à ma façon que malgré tout, je ne passe pas une seule journée sans penser à elle. Résultat de mes erreurs sans avoir pensé aux conséquences. Une ex-femme égoïste qui mêle notre fille à des histoires qui ne la concerne pas, privant l’enfant d’un père qui lui donnerait tout, cherchant constamment à être présent d’une façon ou d’une autre. Ma vie privée n’a pas à être jugé, elle qui n’a jamais empiété sur ma vie professionnelle qui ne m’a jamais été reproché. Alexeï a commis un délit, a été à l’encontre des valeurs. Les défenseurs des lois se doivent de protéger et non de franchir les limites à ne pas dépasser, à donner l’ingrate image que l’on se colle à cause de ce genre de flics véreux, une image ternie que je tente de redorer, conscient de ne pas être le seul, dieu soit loué. Non-respect de l’homme témoigné, vulgaire loque. Poussé violemment contre le mur, coincé entre ce dernier et le russe poussé dans ses retranchements. Le souffle dérangé, la pomme d’adam écrasée. La situation ne m’empêche pas de sourire, de s’amuser de la fureur qui tombe sans chercher à m’épargner. Seule la solitude, mon propre reflet m’effraient. « Mes gosses, moi au moins je les ai élevés et je continue de leur parler presque tous les jours, alors ferme ta grande gueule de bâtard. » La vulgarité témoigne de la faiblesse heurtée. Les insultes, les propos n’atteignent ce cœur ébranlé depuis tant d’années. « Et tu crois vraiment que foutre des putes en taule ça les aide, hein ? T’y connais quoi à la taule ? Moi, j’y étais, je l’ai vécu. Des gars comme lui serait brisé et ressortirait encore plus fragile ou transformé en taré. Mais en aucun cas, aucun, ça ne l’aiderait. » Ignorance totale de la galère vécue dans l’école de la vie. Autre point que l’on ne me reprochera pas, aucune raison de douter de mon allégeance. Preuve concrète de la légèreté empruntée par Azarov vis-à-vis de la peste des bas-fonds. Les doigts attrapent le col de son blouson en cuir, ne cherchent à se défaire de l’emprise, le jeu n’est que trop cinglant. Un plan glissé en deux-deux, d’un venin sans antidote. Il frappera, d’une seconde à l’autre, lui le premier. « Je savais pas que t’avais des caméras chez moi, t’es comme ses couillons des mœurs, tu m’accuses sans preuves. Qu’est-ce qui te dis que je ne lui ai pas simplement offert un toit pour la nuit. T’es exactement le genre de flic que je méprise, tu crois tout savoir, tu crois que tout est blanc ou noir, mais putain, je te jure quand tu feras une connerie, parce que tu en feras une, un jour… Crois-moi, je me ferai un plaisir de t’en foutre plein la gueule. » Blessé par la punition méritée, par les accusations portées. Le mépris affirmé n’est qu’une futilité. Chacun est le con de quelqu’un. Pression ôtée,  le coup prêt à être porté.

Esquivé de justesse, ripostant sans attendre d'un violent coup de poing d'une brutalité animale en plein dans les côtes. Aucun scrupule, aucune maîtrise de la force émise. Le choc est ferme, d’une robustesse animale. L’écart est forcé, détestant la menace imposée. Les mots ne sont que lassants, le coup à deux doigts d’être administré est suffisant pour provoquer, réveiller le démon qui ne répond qu’à l’appel du sang et de la violence. « Tu réagirais pas comme ça, si tu lui avais simplement offert un abris. Et t’admets à demi-mot que tu l’as fait, cette connerie. T’es qu’un putain d’coupable qui assume que dalle. Si t’avais voulu l’aider, tu l’aurais pas jeté à nouveau en pleine rue. Mais toi, ça t’arrange bien, n’est-ce pas ? T’as été fini à la pisse ou, comment ça s’passe ? » Le dégoût craché en plein visage, seule vérité connue, sur la piste d’autres éléments à savoir le concernant. Pas seulement son passé bien joyeux mais les actes qu’il a commis, les fréquentations qu’il s’est coltiné. Convaincu que malgré les qualités gâchées, il n’est pas fait pour ce métier. La mafia, elle n’est pas ici. « Qu’est-ce qui a Azarov ? T’as envie d’te taper la honte une deuxième fois ? T’aimes t’faire humilier, en fait, petite salope. » Un rire guttural résonne, se répercute contre les façades des hauts bâtiments élancés vers le ciel, ce paradis que les hommes ne cherchent sans cesse à atteindre. Approchant d’une nonchalance dérangeante, la folie sondant l’âme peu reluisante de l’homme de l’Est. Distance rompue, les mètres qui nous séparent ne sont qu’une terrible menace de la violence qui ne supplie qu’à être abattue. « J’comprends mais, désolé, c’est pas trop mon délire les mecs et tout. J’voulais pas péter ton fantasme mais, j’veux bien t’faire du mal. » L'élan est pris, le poing part en direction du pécheur.

Rechercher la culpabilité, que ce poids vienne à le peser, que ses erreurs viennent le hanter. Prêcher pour la vérité, supposition du sujet évoqué, ce pour quoi il a été mis à pieds. Il va de soi qu’il l’a à nouveau abandonné à son triste sort. Les rumeurs ne sont que vérité, basées sur le réel. Mots choisis, balancés sans tact. La diplomatie n’est pas de mise, ne sera qu’inutile à ce moment où seule la fierté d’un homme compte. Se battre comme des animaux, revenir à l’ère scandinave où les vikings régnaient en maître, se battaient pour prouver leur puissance, muni d’une armée infatigable. Il n’y a rien à défendre sur ce terrain, rien que l’égo agressé par des attaques personnelles. La haine découle, ravive les flammes ardentes, appelle l’animal à se hisser au-devant de ce bar, là pour défendre l’hôte qu’il habite, qu’il a longtemps choisi. La riposte claque, les phalanges frémissent sous ce nez vibrant face à la violence, à la force émise sans retenue. Il recule, sonné un temps. Le sang se doit de couler, d’être déversé sur le bitume de cette ville infâme déjà souillée du liquide pourpre du sang des innocents et de ceux qui ne cessent de pactiser avec le diable. « Tu veux que je te dise quoi, hein ? Que c’était bien ma moto, que c’était bien moi, que je l’ai ramené où il voulait parce que j’allais pas le séquestrer dans ma cave ? Ouais, c’est le cas, mais j’ai rien fait d’autre. » Absurdité affligeante, aveu à moitié prononcé. La réalité parviendra à être dévoilée. Alexeï aura beau me vendre même une vérité, jamais je ne m’y fierais. Beaucoup trop d’incohérence. Pourquoi avoir ramené le jeune homme chez lui si ce n’est pour simplement le regarder dans le blanc des yeux ? S’amuser quelques heures de son corps salement jeté aux cerbères ? Un rire mesquin franchit le seuil de mes lèvres, qu’une moquerie folle, répugné aussi de ces derniers mots qu’un mensonge effroyable. Il s’approche, l’imposante carrure se prépare à la défense, à encaisser.

Touché en plein ventre, le souffle m’échappe en l’espace de quelques infimes secondes, le corps se meut sous le choc reçu mais l’esprit fonce, se bat contre la désorientation, contre la douleur qui n’est qu’une caresse, comparé aux nombreux traumatismes déjà vécu. Il a de la poigne, de la force mais il n’a en rien la carrure d’un tank de plus de deux mètres pesant une tonne. Propos appuyé, abusé mais bien loin de dénaturer la réalité. Le poing part instantanément, raide, pur réflexe du corps en défense, réagissant sauvagement par la douleur ressentie de l’être secoué de part et d’autre de son effluve loin d’être titanesque, suffisante pour que le fauve feule, se livre à un combat sans merci. « Et en attendant, vous vous êtes tapé une partie d’monopoly, c’est ça ? Ou alors tu lui as fait la moral sachant qu’ça sert strictement à rien avec c’genre de personnes ? J’ai réellement du mal à t’croire, Azarov. Tu t’fous royalement d’ma gueule et de celles des autres. C’est pas avec des gars comme toi qu’on peut les sauver. On est des flics, putain d’merde ! T’as quoi dans l’crâne ? A part ta bite ?! » S’il est incapable de pouvoir se tenir droit, épargner les âmes comme celui dont il a usé des services, il ne sera pas capable de sauver les autres, de les préserver des dangers. Incapable de se sauver lui-même. « C’est à cause des gars comme toi qu’on nous prend pas au sérieux, que personne ne nous fait confiance. T’as fait une connerie, ouais c’est dégueulasse, ouais, ça arrive. Mais tu recommenceras, parce qu’on est comme ça. Une fois qu’on a dépassé les limites, on est foutu. T’aurais pu être un putain d’flic. T’aurais pu. » Mais c’est trop tard. La confiance n’a jamais été réellement de mise et n’aura jamais l’occasion de se faire une place. « J’te coincerais un jour. J’me ferais l’plaisir de te coller dans une cellule. Avec lui, avec tes futurs nouveaux copains pas très réglo. »

Il n’y a que colère et haine qui déferle sur ce terrain en plein saccage, dévastation de deux rois qui ne se battent pour obtenir aucun royaume, simplement par une question de fierté, pour prouver celui qui est plus digne de régner. Les hommes dans toute leur sublime splendeur. Au fond, peut-être se cache une part d’inquiétude, bien moins intense que le mépris dévalant les paroles corrosives osant franchir le seuil de ces lèvres épineuses. Alexeï aurait mérité mieux, oubliant d’user de son intelligence pour mieux se dédouaner, se faufiler entre les mailles. Bien plus malin s’il n’avait pas osé franchir les limites, braver les barrières tel ces nombreux prêcheurs de la mauvaise parole. « T’es vraiment qu’un connard. J’ai jamais commis aucune bavure. La seule fois où j’ai dû faire usage de mon arme, c’est à New York, en 2011. Quand je faisais parti des stup’. Une descente sur un entrepôt qui a mal tournée, on été avec le SWAT et on s’est fait tirer comme des putains de lapin. C’est ce jour-là que je me suis pris deux balles. Avant et après, je n’ai jamais eu besoin de mon arme. Jamais. Alors j’ai peut-être fait une connerie, mais elle est pas dans les journaux, j’ai buté personne. Alors tu n’as aucun droit de me dire que je fais parti de ses connards de raciste ou autre qui profite de leur position pour s’en prendre à des innocents. » Logorrhée à peine écoutée, des oreilles sourdes. Se justifier d’une autre manière, plus vilement détournée. Le crime est tout aussi odieux, bien moins grave d’un certain point de vue mais, il est là. Délit abject. Le droit m’est dû, Alexeï n’est peut être pas un tueur mais, il a usé d’un être humain comme ceux aspirant aux innombrables vices. Le coup part, la mâchoire se crispe et diffuse la douleur provoquée par l’impact du choc. Désagréable, j’ai connu pire, je m’en remettrais. « Voilà une raison de me foutre en cellule. Agression sur un officier de police. » Idée qui m’a traversé l’esprit sans aucune honte lorsqu’il a déclaré la guerre, lorsque la chasse à l’égo a été ouverte. L’instinct a pris le dessus, a provoqué cette vague colossale du besoin de défendre l’honneur. Réaction à la con. « Je vais t’en donner d’autre des raisons, tu vas voir. » Et qu’il me les donne, je les prendrais à cœur joie. Je les embrasserais de toute mon âme luttant contre la déviation, je les accueillerais comme l’on accueillerait une bonne vieille amie venue nous rendre service. Saisi par surprise, retenu après les membres de l’agent en sursis, prêt à me défaire mais le coup est douloureux.

Plié en deux, main plaquée contre le ventre par pur mécanisme inutile. Le souffle peine à reprendre son flux normal, à se régulariser. Un rictus s’échappe des profondeurs de l’être. Moqueur, glaçant. Qu’importe ce que je m’amuserais à lui dire, à lui faire comprendre, Alexeï restera campé sur ses positions. Il ne réfléchira pas plus loin que l’infâme bout de son nez. Aucune remise en question, rien du tout. La coquille est vide, alimentée par la haine. « Tu m’en donneras assez, plus tard. Je suis patient, je ne m’en fais pas pour ça. » Convaincu par la bêtise de celui se tenant fièrement en face. Les hommes se ressemblent, commettant le vice, se jurant de ne plus recommencer. La déviance appelle la tentation, la tentation est faite pour que l’on finisse par y céder. « Compare pas l’incomparable, AlexeÏ. T’as profité de c’môme, comme beaucoup d’autres l’ont fait avant toi. J’crois même que tu te voiles bien la face. » Et le jour où il s’en rendra compte, quand il sera trop tard, après avoir plongé beaucoup trop profond dans ces eaux infernales, ça lui fera tout drôle. « Discuter avec toi, c’est pas plus intéressant qu’ça au final. T’es …creux. Apprend à utiliser autre chose que ta bite et tes bras, tu verras, ça t’sauverais l’cul. » Les prunelles lorgnent la silhouette face à moi, prennent le temps de l’analyser avec dédain. L’autre stature se détourne, ôte toute attention à celui qui n’a pas de quoi être fier. Tout comme je ne le suis pas. Se battre comme des gueux, rien que par fierté mal placée. « Profite de tes petites vacances, Azarov. J’espère que t’as les tripes bien accrochées. »