Just one more mistake. [Lloyd]

Il n'est pas obligé de me le rendre ce service. Pas obligé du tout. Après tout ce qu'il s'est passé, après ce que j'ai fait, pendant des mois, après ce que j'ai fait ce soir, ce que je lui ai fait, à lui, il n'est pas obligé non. Je ne prendrai pas la moto, c'est certain, même s'il ne m'aide pas. Je trouverai un moyen mais je ne conduirai pas. Lloyd écrase sa cigarette et l'espace d'une seconde je pense qu'il va simplement s'en aller sans ajouter quoi que ce soit, sans même prendre la peine de prendre mon téléphone pour me trouver le numéro d'un taxi mais finalement, il récupère mon téléphone et, en plus de chercher un numéro, il va jusqu'à appeler lui-même pour faire venir le taxi. Plus généreux que je ne le mérite, à n'en pas douter. Il me rend finalement le téléphone que je récupère.

« Merci. » je lui dis, étant sincèrement reconnaissant.

Je range mon téléphone et tire une nouvelle taffe sur ma cigarette, me retrouvant ensuite à hésiter. Ce silence, entre nous, là, je ne l'aime pas, il me met mal à l'aise. Il doit bien y avoir quelque chose à dire mais qu'est-ce que je pourrais lui dire ? J'ai mis six mois à être honnête, je l'ai envoyé chier et j'ai fini par lui avouer que je n'ai pas l'intention d'arrêter de boire. Je ne sais pas ce que je pourrais lui dire en fait... Pour faire passer tout ça. Comment faire passer tout ça ? En m'excusant pour la énième fois ? Non, ça ne servirait strictement à rien du tout, c'est très clair. Lui promettre que je ne ferai plus d'excès comme ce soir et que je vais boire de façon raisonnable ? Comme si j'étais capable de tenir une promesse pareille... Lorsque Lloyd brise soudainement le silence en premier, mes yeux s'écarquillent sous le choc des mots qu'il vient de prononcer. J'ai l'impression de recevoir un coup en plein cœur, c'est tellement violent en fait que j'en ai le souffle coupé. Je regarde droit devant moi, les yeux grands ouverts comme si on venait de me poignarder. Il a dit... Il a dit que je devrais me tirer une balle... Et il a ajouté... Il a ajouté que ça irait plus vite. Les larmes me montent aux yeux et ma bouche reste ouverte sous le choc. Doucement, tout doucement, mon cœur s'emballe alors que mes poumons ont de plus en plus de mal à se remplir d'oxygène, et, lentement, alors que j'entends ses pas qui s'éloignent après qu'il 'ait prononcé cette phrase tout bonnement monstrueuse, mon visage se tourne dans sa direction pour regarder, à travers mes larmes, sa silhouette s'éloigner puis disparaître, me laissant seul avec le coup qu'il vient de me porter.

Le coup fatal.

Je ne m'attendais pas à de la compréhension. Je ne m'attendais pas à de la gentillesse. Je ne m'attendais pas au moindre pardon. Mais est-ce que je m'attendais à ce qu'il me dise de me tirer une balle dans la tête ? Est-ce que je m'attendais à ce qu'il me dise que je devrais en terminer ? Que ça irait plus vite ? Pour moi ? Pour tout le monde ? Oui, c'est ça, pour tout le monde. Tout le monde se porterait bien mieux sans moi. J'essaye de la combattre cette pensée, depuis des mois maintenant, et qu'il me dise une chose pareille c'est... C'est une main tendue vers la chute qui menace de m'emporter depuis tout ce temps. Et s'il savait que j'y ai pensé, que j'y pense, me l'aurait-il dit ? Je ne sais pas. Je ne le saurai sans doute jamais parce que jamais il ne me reparlera. Et jamais je ne lui r... Non. Non je ne peux pas penser comme ça. Je dois m'accrocher à Jess. Je dois m'accrocher à ceux qui comptent encore, pour qui je compte encore. Je dois repenser à ce que m'a dit Maeve, je dois m'accrocher à ses mots. Je dois m'accrocher à lui. Leo. Alors que je suis recroquevillé et toujours assis sur le trottoir, le visage enfoui contre mes genoux, c'est bien à lui que je pense, à lui que je ne m'arrête pas de penser. Je dois le voir. Il faut absolument que je le voie. Maintenant. Ce soir. J'ai besoin de lui. Encore une fois, j'ai besoin de lui. Parce qu'il est celui qui a donné le plus de sens à mon existence ces derniers mois même si j'ai été trop lâche et trop con pour l'admettre. Alors, les mains tremblantes, je récupère mon téléphone et alors que les phares du taxi sont en approche, j'envoie un message à Leo.