let us sit together, until the moment comes ø Ezra

I truly understand.

Please, don't cry now

ft. Alma hunt

Les secondes s’égrainent avec une lenteur appréciable. La certitude qu’il n’en a plus beaucoup sur son compte renforce chacune d’elle pour Ezra qui sent le corps tremblant d’Alma se détendre petit à petit entre ses bras. Les plaintes qu’elle laisse échapper lui fendent le cœur et en même temps, il sait quel duel l’habite en ce moment et qu’il est en train d’en sortir vainqueur… Alma ne peut pas le haïr. Jamais tout à fait. Jamais tout court.
Il sent la main de l’avocate venir se perdre dans ses cheveux, les caresser avec une douceur maternelle qui apaise ses maux. Elle l’inonde de son amour autant que de ses larmes et sanglots. Il devrait se sentir affreusement coupable, d’autant qu’il sait pourquoi il est là et ce qu’il doit encore lui faire endurer, mais si la culpabilité fait bien partie de la gamme de ses sentiments, elle s’attarde rarement.
Il la serre avec un peu plus de force, soulagé qu’elle ne l’ait pas repoussé, s’imprégnant de son parfum qu’il veut emporter avec lui, en même temps que cette image d’elle auréolée de lumière.
« Si tu me l’avais demandé… » commence-t-elle à tenter de s’exprimer. Mais les sanglots qui serrent sa gorge et malmènent son corps l’empêchent de poursuivre durant quelques instants. Ezra lui laisse le temps. Ils n’en ont plus beaucoup cependant elle mérite celui de pouvoir s’exprimer sur tout ce qu’il vient de lui confesser. « Si tu me l’avais demandé, je l’aurais fais pour toi. »
Ezra se fige et expire doucement l’air contenu dans ses poumons. Il devine aisément de quoi elle parle. Il le devine aisément parce qu’une part de lui l’a toujours soupçonné, espéré. Alma aurait tué Caleb pour lui.
Il voit se jouer le film de leurs vies si elle l’avait fait, s’il avait osé le lui demander dans un moment de faiblesse. Il n’aurait jamais laissé le club poser la main sur elle. Il l’aurait protégée. Ils auraient fuis, loin de son père à elle, loin de Felix. Peut-être qu’elle aurait cessé de l’aimer comme un fils, comme un frère et aurait appris à l’aimer autrement. Peut-être que lui en aurait également été capable… Peut-être qu’il aurait pu l’aimer autrement…
Mais il n’a jamais rien demandé. Parce que ce n’était pas à elle de le faire. Ça a toujours été son rôle, mais il s’est débiné. Encore et encore, jusqu’à ce qu’un autre se charge du sale boulot à sa place.
Pourtant, il ne retiendra pas la leçon. Pas même ce soir. Pas même alors que toutes ces pensées lui traverse l’esprit… Il va se débiner une fois encore. Une ultime fois…

« Tu m’as trahie, chéri. Je me suis efforcé de t’offrir une famille, et tu l’as mise en danger. Toutes les vies que tu leur as prises… »
Ezra sent un changement dans son ton, dans sa posture un rien plus raide. Elle pense à Callum, il le sait. Lui-même se crispe à cette pensée, lui rappelle qu’il ne l’aura jamais tout à fait pour lui. Elle pense à la vie de son fils qu’il a sciemment mise en péril à cause de ses manigances. Alma y songe sans doute plus qu’à la vie de Caleb, celle du fils de Sebastian, à celle de tous leurs autres camarades tombés : Craig, Vince, Sonny, quelques Nomades, et des dizaines d’autres vies fauchées par sa faute, par le pouvoir dévorant de sa haine.
Le toucher d’Alma se fait moins tendre, elle referme durement sa main sur ses cheveux et le contraint à relever la tête. Il se laisse faire, affronte son regard sans ciller, ses yeux s’asséchant. Il déglutit péniblement, attendant la suite. Attendant les mots qui, à l’instar de la sonnerie d’alerte instaurée par Thomas, signeront sa perte.

« Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? »  

Ezra demeure silencieux, son regard toujours plongé dans celui d’Alma.
« Maintenant…je te le demande » laisse-t-il échapper d’une voix qu’il aimerait ferme et assurée mais qui chevrote un peu. Il prend une inspiration tremblante et expire lentement, par la bouche, essayant de calmer le rythme effréné de son cœur dans sa poitrine. Ce cœur qui semble vouloir profiter de ses derniers instants et qui pompe, pompe, pompe. «Je te demande de tuer pour moi. Tu dois m’aider Alma. Tu m’as dis que tu le ferais… Tu sais ce qu’ils feront s’ils… »
Mais s’en est trop. Il ferme les yeux et des larmes brûlantes s’en écoulent. Il aimerait être moins pathétique, faire preuve de plus de courage seulement la peur domine tout.
« Tu sais ce qu’ils feront s’ils me trouvent. Je ne suis pas fait pour une vie de fugitif. Je ne suis pas fait pour une vie sans toi et il est trop tard pour…pour… »
Trop tard pour nous. Mais il n’est pas capable de prononcer ces mots.
« Ils demanderont à Callum de le faire ! Je l'ai vu grandir, je... Ils vont me faire tellement de mal Alma s’ils me trouvent ! J’ai eu mal et j’ai eu peur toute ma chienne de vie, je ne veux pas mourir comme ça Alma ! Ne me laisse pas mourir comme ça ! Tu dois m’aider, tu dois le faire ! Je veux mourir aimé Alma ! Je veux mourir dans les bras de quelqu’un qui m’aime ! J’t’en supplie Alma, ça doit être toi ! Ça a toujours été toi ! » plaide-t-il, les yeux à nouveau larmoyants, s’étant saisi des mains de l’avocate qu’il embrasse tendrement, comme pour leur offrir sa bénédiction, comme pour les pardonner par avance du geste qu’elles commettront, qu’il a besoin qu’elles commettent.  

 

Nymeria.

I am not alone

ft. Alma hunt

Alma finit par accéder à sa requête. Elle lui hurle qu’elle est d’accord mais surtout, qu’il doit arrêter, se taire. Il s’exécute, ne cherchant pas à rentrer à nouveau en contact avec l’avocate. Ezra a obtenu satisfaction. Il sait ce qu’il lui demande… Il sait quel genre de conséquences cette action pourra avoir pour sa mère de substitution et aucune d’elles ne sera agréable… Ce qu’il lui demande, c’est qu’elle lui créé un échappatoire au prix de son âme, au prix de sa place au sein du gang. En lui accordant cette ultime faveur qu’il est venu réclamer à corps et à cris : Alma doit renoncer à sa propre existence. S’il a pleinement conscience de l’égoïsme de sa requête, Ezra ne peut se résoudre à l’alternative. Il est incapable de se laisser prendre par les hommes qu’il a trahis, qui ont perdu des frères, des pères, des fils dans ce combat perdu d’avance qu’il a cherché à mener contre son propre géniteur. Contre lui-même en fin de compte, car c’est son identité qu’il cherchait à renier toutes ces années.  
Ezra ne veut pas souffrir. La douleur physique le terrifie.
Il pourrait se suicider, mais si passer par Alma est envisageable, il ne se sent pas en mesure de mettre fin à sa propre existence. Cette idée le révulse parce qu’au fond, parce qu’à choisir : il préfèrerait vivre.
Peut-être que s’il avait été pris sur le fait par Gabriel et les autres, si ça avait été cette option ou la torture, il aurait été capable d’appuyer sur la gâchette, le canon tourné vers son crâne…  En dernier recours, peut-être qu’il en serait capable, mais pas dans ces conditions.
Il faut qu’Alma le fasse, c’est le seul moyen envisageable pour lui. Une mort presque agréable, ou en tout cas poétique.  

La sonnerie familière d’un portable s’élève soudain. Le pouls d’Ezra s’accélère. Il devine que ses hommes ont à présent découvert le cadavre de Thomas. Est-ce que Gabriel tente de la joindre pour s’assurer qu’elle va bien, qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle attaque des serbes ? À moins qu’il ne sache déjà qui est coupable et ne cherche à se renseigner auprès de la personne la plus à-même de savoir où se terrerait le Président… Ils le connaissent bien.
Sont-ils déjà en route pour venir ici ? Ont-il visionné l’enregistrement ? A-t-il mentionné le nom de l’avocate en pensant recevoir un appel de sa part ? Un appel fantasmé… Un appel désiré et salvateur, qui lui a permis de venir ici et de sceller son destin.

Alma se met en mouvement, dirigeant ses pas non pas vers le mobile mais vers son sac à main. Ezra sait ce qu’elle y dissimule et retient son souffle. Elle n’hésite pas une seule seconde. Elle plonge sa main à l’intérieur de l’accessoire de mode de luxe et en sort son arme à feu. Ses gestes sont mécaniques. Alma semble s’être transformée en une poupée de cire, pâle comme la Mort et animé d’une volonté étrangère à la sienne.
Et c’est un peu le cas. Il lui a soufflé un script et elle est contrainte de le suivre. Parce qu’elle l’aime et parce qu’elle lui a promis de toujours le protéger. Et aujourd’hui, comme il le lui a dit, il a besoin d’elle comme jamais… Pour la dernière fois, si les choses se passent comme il l’a prévu.
La voir dans cet état de nerfs, cet état de transe quasiment, lui est pénible. Mais il ne peut pas interrompre le processus. Il ne le veut pas. Il sait qu’Alma prendra soin de lui, fera ce qu’il faut… C’est ce qu’il veut. Il veut partir rapidement, sans trop souffrir, aux côtés de la seule personne qui ait été capable de le comprendre. La seule qui ait eu ENVIE de s’y essayer…
Ezra se montre donc patient pendant qu’elle étudie les lieux d’une manière froide, méthodique, professionnelle. Elle a vu des dizaines de scènes de crime par le passé. Cette idée lui arrache un frisson alors que son cœur continue de cogner à tout rompre dans sa poitrine et que sa respiration devient plus saccadée. Ce salon va devenir une scène de crime dans peu de temps… SA scène de crime…
Qui débarquera en premier ? Les autorités ou les Kings ? Il penche pour la seconde option… Alma n’a jamais été une grande fan des poulets, tout comme le reste du MC. Mais il lui faut néanmoins tout orchestrer pour se préserver un minimum ; tenter au moins de duper les membres de cette famille à laquelle il n’a jamais réussi à appartenir tout à fait. Ezra doute que le club s’en prenne véritablement à elle. Elle est après tout la fiancée du Vice-Président et la mère d’un des membres… Mais il sait que ça ne les arrêterait pas. Pas après tout le mal qu’il a fait. En privant le MC de sa vengeance, elle se dresse contre eux en ennemie, en traitresse, au même titre qu’Ezra lui-même. Et cette trahison se paie généralement au prix fort… Il faut qu’elle se couvre, qu’elle invente une histoire crédible, qu’elle y mette les formes.
Alors il la regarde, semer des graines à gauche et à droite, tenter de crédibiliser sa version des faits quand elle devra être exposée. Elle ne lui réclame pas la moindre aide, s’occupe de tout gérer. Il l’admire et l’aime encore davantage pour cela, pour cette dévotion sans faille, cet instinct proprement maternel...  
Chacun des gestes qu’elle exécute est motivé par cet amour inconditionnel qu’il a tant cherché et trouvé trop tard…

Alma revient finalement se planter devant lui. L’arme est dirigée vers lui qui n’a pas bougé et se tient toujours à genoux devant elle. Le canon de l’arme s’attarde sur son front et Ezra retient son souffle. Il aimerait dire quelque chose, la remercier, lui faire comprendre à quel point il l’aime et lui est reconnaissant. Mais sa gorge est trop nouée.
Et puis l’arme s’abaisse, mais pas la détermination dont fait preuve l’avocate qui vise à présent son torse. Une balle dans le cœur. C’est parfait. Qu’elle fasse donc éclater ce cœur de pierre qu’il possède et qu’en gicle un sang rouge et aussi profond que son amour pour elle…
Il garde les yeux grands ouverts, braqués sur le visage fermé et concentré d’Alma. Il se demande s’il existe quelque chose après. Va-t-il se retrouver en Enfer ? En compagnie de Caleb à qui il a cherché à échapper toute son existence ? Il n’y a aucune chance pour qu’il se retrouve au Paradis, si un tel endroit existe… Mais quitte à passer sa vie après la mort à être torturé, il préfère savourer ses derniers instants sur Terre, auprès d’Alma. Il ne renoncera pas à son plan.
Elle ôte la sécurité.
Il prend une longue inspiration, gonfle sa poitrine d’un semblant de courage. Il lui adresse un hochement de tête qu’il veut encourageant et puis un sourire de gratitude sincère. Il n’a pas besoin de mots. Ils n’en ont jamais eu besoin et il ne voudrait de toute manière pas gâcher ce dernier moment d’intimité.
Il voit une foule de sentiments passer sur le visage et dans le regard d’Alma. De la colère, de l’amour, de la rage, de la pitié, de la compassion… Le coup ne part pas.

Et puis l’arme s’abaisse tout à fait et Alma laisse échapper un hurlement d’impuissance qui doit lui écorcher la gorge et égratigne sévèrement l’assurance d’Ezra. Il ferme un instant ses paupières et expire l’air contenu dans ses poumons. Une part de lui est malgré tout soulagé d’être encore envie, veut le convaincre qu’il y a d’autres issues possible, qu’il peut encore vivre. Mais il ne peut pas l’écouter.
Il n’a pas mentit : il n’est pas fat pour une vie de fugitif. Il ne pourrait pas vivre dans la peur. Il n’en peut plus. Il ne pourra pas supporter ça. Sans compter qu’il a toujours eu des goûts de luxe… Non, il faut qu’il en finisse, aujourd’hui et maintenant.
Il faut qu’elle se ressaisisse et reprenne cette arme pour aller jusqu’au bout, aussi difficile que ce soit pour elle. Il doit pouvoir compter sur elle, il ne peut pas en être autrement.
« Alma… » commence-t-il d’une voix à peine audible, réalisant qu’il a contractée ses mâchoires au point qu’elles en deviennent douloureuses.
Elle ne répond pas. À la place, elle se laisse tomber à ses côtés et le serre contre elle avec la force du désespoir. Il lui rend son étreinte. Il aimerait être assez fort pour la repousser, pour la mettre face à son devoir, la secouer pour obtenir ce qu’il lui est venu lui demander de lui offrir… Sauf qu’il en est incapable puisque ce qu’il est venu chercher au fond, c’est son amour ;  la certitude implacable que malgré tout, malgré ce qu’il a fait et a été, il ne mourra pas haïs de tous. Il voulait mourir aimé et personne d’autre qu’elle ne pourra lui offrir ce cadeau précieux.  
Il la laisse couvrir son visage de baisers frénétiques, trahissant son urgence et sa désolation. Et se cramponne à ses épaules, gardant la tête haute, refoulant ses larmes.

Elle finit par déposer un baiser tendre sur ses lèvres. Le même genre de baiser que sa mère déposait en cachette de Caleb sur ses lèvres lorsqu’il était jeune enfant. Un baiser d’amour plus puissant que tous ceux qu’il a pu partager avec n’importe quelle autre femme depuis. Une promesse.
Il ferme les yeux une seconde, apaisé, en paix avec lui-même, prêt à affronter ce qui l’attend.
« Je suis désolée, Ezra. N’oublie pas, je t’aime » lui souffle-t-elle en caressant délicatement sa joue pour la dernière fois.
Elle lui adresse un sourire qu’il lui rend volontiers.
« Je ne l’oublierai plus jamais Alma. »
C’est ce qui l’a perdu… S’il s’était contenté de cet amour maternel dès le début, ils n’en seraient pas là aujourd’hui, elle sur le point de le sacrifier et de se sacrifier dans un même temps.
« Merci. »
C’est son "Je t’aime" à lui. Il continue de lui sourire, ses yeux brillants animés d’une lueur de profonde reconnaissance. Il enregistre le moindre de ses traits, la revoit nimbée de lumière, belle comme un ange.
Dans les yeux de l’enfant qu’il est toujours resté, Alma a toujours été sa mère, son Dieu. Il ne craint plus rien. Il n’y plus qu’elle.

La détonation lui vrille les tympans. L’odeur de poudre agresse ses narines presque immédiatement. Il bascule, son sourire se crispant sur ses traits. Ses yeux ne sont plus fixés sur Alma mais il la voit encore. Son image est imprimée dans ses rétines.
Il n’y a toujours eu qu’elle, il n’y a plus qu’elle.
Il baigne dans son amour.
Love.  


 

Nymeria.