and sooner or later, mr Bad Man's gonna come back around

IT’S HARD NOT TO HATE

Mama, just killed a man
Put a gun against his head
Pulled my trigger, now he's dead

C’est dans un rare moment d’introspection que Karl se demande ce qui l’a amené dans ce putain de trou. Il se revoit quelques semaines plus tôt aux côtés d’une pute dans une des chambres de la garçonnière du club, au-dessus du garage. Ça lui manque, putain, une bonne clope, un verre, une fille et basta. Il se doute bien que c’est pas seulement se retrouver à poil devant les flics et le coup des serbes qui l’a amené là. Son cerveau pousse un peu sur le moteur ce soir et Karl, qui ne remet pas en question ses choix, essaie de trouver le moment où tout a commencé. Est-ce que y’a pas une putain de Bible quelque part qui pourrait l’aider à savoir comment ça marche ? Il pousse un énième soupir, s’imagine ailleurs qu’enfoncé dans le matelas pourri de sa cellule à la Cook County Jail. Il essaie, y met toutes ses forces, de se rappeler l’odeur de la gonzesse, directement importée du Homewrecker (Madmax et ses foutues règles du Crash, on en parle ?), le goût du whisky ou de la vodka, au choix, la sensation des draps de meilleure qualité que l’espèce de papier de verre qui lui sert de couverture.

Ça a commencé tôt, il s’imagine, peut-être bien que c’était écrit, son père était déjà dans le club, ça valait bien le coup d’essayer de l’éloigner de toutes façons, il a ça dans le sang. Et puis sa mère, une nana qu’a pas réussi quoi. Ni à trouver un taff stable, ni à mener une vie tranquille alors qu’elle avait réussi à s’écarter de son mari. Une old lady en carton. Les Kings of Speed, l’héritage du père, le goût pour l’alcool de la mère. Chacun son truc, il se dit, hausse les épaules et fait grincer pour la millième fois le lit superposé en ferraille. Putain à c’t’allure Max va encore gueuler parce qu’il fait un bruit d’enfer. Il parle trop fort, dort trop fort, respire trop fort. Tout c’qu’il fait exaspère le gérant du Crashdown. Au fond, ça le fait marrer un peu. Mais c’est pas de sa faute si ses cloisons nasales sont déviées. Enfin, si. Disons que les combats clandestins l’ont pas aidé à garder le nez droit. Ça va encore, il aurait pu faire pire, il le sait, il est pas dégueulasse. M’enfin, n’empêche que le revoila plongé dans ses pensées, Karl n’arrive pas à dormir, comme d’habitude. Bosser le jour au garage et boxer la nuit, voilà ce qui lui plaisait, passer le plus de temps à s’esquinter, c’est ce qui occupait ses nuits trop longues pour pas assez de dose de sommeil. Ici, il se fait vraiment chier et ça l’oblige à penser. Penser à quand il était gamin, quand il a rencontré Samwell. Ça lui fait un mal de chien, à chaque fois que la gueule du flic lui apparaît au milieu de la rétine. Quand dans ses cauchemars il le voit au pied de son lit où la gueule traversée par la balle qu’il a lui-même tirée. Ça le bute, et ne pas pouvoir en parler avec un gars du club lui pèse. Ils comprendraient pas, lui-même a du mal avec ça. Ça le dégoûte, un peu. Il peut pas dire ça, définitivement, comment pourrait-il leur raconté qu’il a aimé le grand frère de Kurtis ? Comment pourrait-il leur dire qu’il aurait aimé que leur nuit dure plus que ça ?

Pas y penser, en tout cas, pas trop fort au risque de pas pouvoir se contrôler. Il passe une main dans ses cheveux blonds et se redresse dans son lit pour s’asseoir au bord, jette un regard entre les barreaux. La moindre des choses qu’il peut faire aujourd’hui c’est essayer de veiller sur Kurtis, en attendant qu’il sache et qu’il mette un terme à son tourment, quand il ne pourra plus vivre avec la mort de Samwell sur les épaules. C’est comme ça que Karl voit les choses, né d’un KOS, il mourra des mains d’un autre. Finalement, il a l’impression que sa vie était déjà bien tracée et que ses choix ne sont que fictifs. P’t’être qu’il devait finir là et c’est tout, p’t’être que ça vaut pas le coup de chercher le pourquoi du comment. Malgré ça, Karl n’arrive pas à faire autrement. Trente-huit ans sur cette planète et il a l’impression d’être qu’un jouet. Peut-être qu’il devrait prendre un chien au moins il se sentirait pas seul comme un con. Heureusement qu’il a les Kings, il peut se focus sur autre chose que le cul et l’alcool. N’empêche que ça le fait chier d’être là. Et encore, il a de la chance, décidemment, Alma a réussi à les innocenter. Quelle bonne garce celle-là, y’en a pas deux au club. P’t’être qu’il devrait se trouver une nana pareille, pour se caler, pour que personne ne sache jamais c’qu’il fait quand les regards sont tournés. Enfin, pas souvent, rarement, presque jamais. Karl résiste à la tentation, il sait que c’est un péché à bien des égards et il ne compte pas, en plus d’être renié par le petit salaud de Tout-Puissant, l’être par ses frères d’armes. Ça lui dit pas une vie tout seul, alors au pire, c’est pas très grave d’être la en prison, au moins ça sert la cause.

Le russe finit par complètement se relever pour aller pisser, pas bien loin de son oreiller en vue de la configuration des lieux. Ça fait tellement de bordel qu’il entend les pas d’un gardien qui se ramène, braque la lampe torche sur son cul découvert. Un rire gras s’échappe de la gorge du mécano alors qu’il secoue son engin et se tourne vers le membre du personnel après avoir remonté son fut.

« Recouches-toi Gratchiov. »

Il lève ses mains comme pour lui dire qu’il a rien fait, ça va, il fait que pisser. La lumière réveille Madmax qui grogne et Karl se marre quand même. Sa petite action à trois heures du mat réveille d’autres gars de l’étage et ça suit la lignée du gérant du Crashdown. Le russe, imperturbable, pousse un soupir et revient se coucher, en tout cas s’allonger sur le lit du dessous en remontant ses genoux. Pour sur il en entendra encore parler demain. En attendant, il a juste à rester là, trouver une solution pour ne pas recommencer à regarder ce qui l’a amené là.