into the fire | ronnie joy dawson

.PRÉLUDE.
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« Alors, mon garçon, toi... eh bien, tu dois signer là, là et là si tu veux vraiment en faire partie. » La petite blonde de l'accueil qui se doit de faire signer les derniers formulaires se lèvent à son encontre après son caprice, celui survenu après qu'il ait voulu faire "comme les grands". Et elle lui montre le tout, venant lui montrer là où le stylo doit glisser. Et Ronnie hésite, rendant cet instant plus qu'important, parce qu'il ne comprend pas vraiment ce qui adviendra à présent, parce qu'il n'est pas à même de voir où toutes ces folies le mèneront. Parce qu'il a dû mal à se concentrer avec les larmes d'Irene qui continuent de couler, et ce sourire forcé qui essaie de s'ancrer. Il déglutit, le gamin. Neuf ans, à peine. Les souvenirs d'une maison plus qu'aisé, d'une chambre qu'on lui avait laissé, d'un endroit bien à lui apprivoisé. Et la déchéance d'un nom de famille qu'un jour il ne portera plus. Une mère autrefois aimante disparue, quelques hallucinations, quelques perditions pour la défaire de sa vue. Et il s'en souvient, de ces chansons, des mélodies fredonnés quand il restait éveillé, feignant un sommeil tombé comme dans l'espoir d'en ressentir les bienfaits des baisers déposés avant qu'elle ne réussisse à s'éclipser. Des souvenirs qui viennent se perdre dans les couloirs de ses songes, là où tout le ronge. Il essaie de comprendre, Ronnie. Il essaie de comprendre comment tout ça à pu changer. Tout un jour, rien le lendemain. Dans son esprit, la vision de son père commence déjà à s'effacer, les traits à devenir aussi flous que le papier qui se tient encore sous sa main qui s'est mise à trembler. Il aimerait pouvoir trouver une issue aux tourments qu'il sent déjà s'immiscer en lui sans être à même de les contrôler, de pleinement les gérer. Il veut faire cesser les battements de ce cœur devenu violent, la symphonie brisée qui en émane tandis qu'on attend après lui. « Il est où Rory ? » ; qu'il demande alors, relevant ses perles claires embuées vers sa grande sœur qu'il sent un peu plus se briser. Il sait qu'il ne viendra pas, tout comme ses autres frères, tout comme Henry d'une certaine manière, l'une de ces grandes personnes lui a déjà tout expliqué concernant cette famille qui lui est si chère. Alors il le laisse retomber, ce crayon tout juste donné. Il vient le laisser s'abattre contre le papier, celui qu'il vient repousser avant de se lever, à la vigilance fatiguée échapper jusqu'aux bras de Irene qu'il vient retrouver. Il s'y blottie, autant que possible. Il vient s'y accrocher comme par peur de ne plus pouvoir s'y trouver. Parce qu'il en ressent déjà un étrange vide, quelque-chose de douloureux qui se perd jusque dans les tréfonds de son petit être au teint déjà miteux. « Hey... écoute ; une légère caresse contre ses joues, les doigts féminins qui viennent ranger la crinière rousse en arrière. Il sent son regard hésiter, sa parole s'essayer. Il entend déjà les mots dans le creux de sa gorge, les devine aisément avant de comprendre qu'elle ne sera d'aucune aide pour cet instant. C'est ce qui vient blesser le garçon, ce qui vient rendre l'instant plus dur malgré ce qui essaie de se faire entendre, dans les corridors de son âme ces quelques brides de raison. Je viendrais te voir tous les jours, c'est comme aller chez des copains sauf que ce sera aussi ta maison. » Capricieux, déjà, de ces gamins qu'on a chérit avec peut-être trop de passion. Ronnie ose un pas en arrière, Ronnie ose venir contempler la silhouette fébrile de cette sœur qui vient rompre toute confiance. Elle ne restera pas. Elle ne veut pas. C'est l'idée qu'il s'en fait, se souvenant des larmes qu'elle laissait couler avant de se redresser, de cette tristesse infinie qui ornait ses traits alors qu'avec elle tous se tenaient. Des hauts et des bas, comme toujours. Tout allait bien malgré l'absence de sa mère, de son père, de ces deux êtres qu'on lui avait fait entendre qu'il reverrait sûrement après avoir rejoint leur nouvelle petite demeure. Il comprend que tout était faux, que tout n'est que leur. Alors il recule, Ronnie. Il recule en venant soutenir le regard de sa sœur qui s'en relève malgré tout, essayant de lui faire entendre qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir leur alliance bout à bout. Tout. Ce ne sera pas suffisant, pas pour l'espoir de cet enfant. Cet enfant qui vient maladroitement signer, dans son coin finalement rester. « Parfait, bonhomme. T'es un grand maintenant. » La petite blonde récupère le dossier qu'elle vient présenter à la dernière concernée qui doit encore à son tour signer. Ronnie guette mais s'en détourne finalement, portant son regard un peu plus dur sur les deux silhouettes débrayées qui attendent encore en reclus, derrière son assise dégagée. C'est vers eux qu'il porte sa curiosité, s'essayant à un sourire quand même légèrement forcé qu'on lui rend dans la foulée. « Je vais m'appeler comment, alors ? » Question innocente à laquelle ils mettent un peu de temps à répondre parce que ces choses-là ne sont pas encore à décider ; chose qu'il serait à même de comprendre s'il s'était fait plus âgé. Mais ils choisissent de jouer le jeu, ils choisissent de faire plaisir à celui dont ils devront désormais prendre soin. Car, lui, la seule chose qu'il sait ici, c'est que ces deux âmes seront les deux orchestres de sa nouvelle vie. « Eh ben tu gardes ton prénom, seul le reste change. » L'homme s'abaisse à sa hauteur, tout sourire bien qu'attristé quant à tout ce à quoi il vient d'assister. Ronnie laisse faire, patient, venant seulement froncer les sourcils quand la suite peine à venir ; réaction qui vient faire sourire Ada quand elle vient rejoindre son époux. « Tu gardes ton petit prénom et on en rajoute seulement un deuxième ; légère pause tandis que Ronnie s'en fait désormais bien intéressé. Gamin bourré d'une certaine curiosité. Je vais avoir deux prénoms alors ? De nouveaux ces sourires qui changent de la morosité dans laquelle il s'était jusqu'alors tenu. Ça lui rappelle sa mère, Irene également lorsque Henry n'était pas là. Ça lui rappelle que des souvenirs heureux et c'est ce qui l'attire en soit, c'est ce qui ravive légèrement sa joie. Oui, avec un nouveau nom de famille, comme ta sœur, parce que tu deviens grand. » Elle ose un regard vers la jeune femme qu'elle évoque, elle ose comme pour tenter de lui faire entendre – bien que silencieusement – que tout ira bien. Oui, tout ira bien désormais pour celui qui, néanmoins qu'à ses dix-huit ans et par choix, deviendra Ronnie Joy Dawson.


Un soleil qui frappe le bitume déjà bien asséché, et ils traînent des pieds, à la recherche d'un coin d'ombre pour pouvoir s'y cacher. Les rires qui résonnent dans les ruelles à peine fréquenter. Ils avancent, s'élancent, rejoignent le lac Michigan comme chaque après-midi qu'ils parviennent à se consacrer. Rituel sacré qu'aucun de ses trois abrutis ne tient à rater. Ronnie le premier, toujours prêt à sortir malgré l'acquisition de son appartement du South Side, premier pas vers cette vie rêvée, celle qu'il s'est imaginé à l'aide de conseils avisés. Des parents hippies bien placés pour savoir ce qui pourrait désormais advenir de lui et l'homme qu'il est parvenu à forger malgré son passé. Non, vraiment, il tient à l'organiser cette soirée plutôt que de défaire des cartons qui – demain – ne se seront pas envolés, pas même brûlés pour ceux qui regorgent encore d'une relation dont il se relève à peine malgré les années déjà passées, Natalia l'ayant comme un bon à rien jeté malgré cette année et demi à la choyer, à tout faire pour qu'elle ne se sente chaque jour que plus aimée. Ronnie tourne lentement la page d'une période difficile, pleine de doute malgré sa tête haute, malgré cet enclin à persévérer, à continuer, à s'élever concernant tous ses projets, toutes ses volontés. Et l'après-midi passe, aussi simplement qu'étaient passés les autres, avec pour sujet tout ce qu'il pourrait encore accomplir, avec ces deux cœurs habituels prêts à le soutenir. C'est pour eux qu'il organise cette soirée, pour eux qu'il en vient à oser braver – une nouvelle fois et autrement qu'en jouant à les tatouer – la barrière de la légalité,  gagnant les rives du lac retrouvé une fois le crépuscule levé. Un feu de camp allumé, des rires, des chansons, la voix du jeune homme qui aime à se faire entendre. Parce qu'il dessine, compose, chante en plus de créer ce petit monde dans lequel il aime à tous les convier. Le cul posé sur le sable dans lequel sa bouteille est enfoncée, guitare en main, Dawson divertit comme il l'a toujours fait ; de son plein gré. Parce qu'il aime à être distrayant, parce qu'il aime à avoir cette attention bienveillante posée sur lui ; celle dont il aurait pu manquer si les choses s'étaient autrement passées. Il a eut de la chance et le sait, fait au mieux pour le rendre à ceux qui lui ont permis cette avancée. Comme ce soir, tandis qu'il laisse ses paroles se perdre dans l'espace qu'ils animent de leur festivité, tandis qu'il laisse son regard se porter sur l'une des jeunes femmes qui commence à lui plaire avant que son attention ne se porte sur une silhouette étrangère. Les notes se brisent et la guitare se pose, certains poursuivent leurs discussions quand d'autres s'élèvent à son rythme pour tenter de comprendre. Des années de bénévolats dans des refuges pour animaux délaissés, des années à côtoyer la douleur de petites bêtes pour en reconnaître leurs complaintes n'importe où ; même malgré le bruit et l'obscurité. Comme ici. Le pas pressé et son nom qu'on continue de crier. Il n'en tient pas compte, viens se perdre jusqu'à l'homme qui, dans son élan, marque un arrêt après avoir rompu le calme ambiant de la rive dont il pensait pouvoir s'éloigner. En vain, parce qu'il s'y tient, à ses côtés, parce qu'il vient déjà l'accoster malgré l'alcool et tout ce que ça offre ; à commencer par sa légère instabilité. « Qu'est-ce que tu viens de faire, fils de pute ? » Envolé, cet éternel sourire. Envolé, ces traits joviales qu'on aime à lui voir maintenant qu'il envisage le pire. Il en sent son cœur se serrer, balayant le lac qui, malgré tout, commence à reprendre son aspect lissé ; ou presque. Parce qu'elle vient pleurer, la petite bête dans un sac enfermée. Elle vient supplier, gémir pour qu'on vienne l'aider. Et il ne faut que quelques secondes à Ronnie pour, finalement, perdre toute contenance, toute retenue ; l'alcool n'arrangeant rien au rouge installé sur sa vue. Il frappe jusqu'à s'en blesser les phalanges, laisse ces dernières s'abattre autant que possible contre ce faciès qu'il arrange. Mais on le tire, Ronnie. On vient le relever, dans des bras tremblants le coincer. « Dégage de là, connard ! DÉGAGE ! » Il hurle avant de venir lui cracher dessus, d'essayer de le toucher vainement à coup de pieds. C'est le souci, avec l'émotion et ce qui – dans ses veines – se comptent en degré ; il en devient agressif malgré tout ce qui lui est positif. Il essaie de respirer, tente de retrouver un calme qui lui a rapidement échappé, ça malgré les larmes déjà montées, là aux abords de ses yeux tandis qu'à nouveau, son attention se porte sur ce qui lutte tant bien que mal au loin. Il en ressent toute cette panique, cette terreur qui se traduit en quelques aboiements étouffés, qui dans les quelques vagues levées viennent se briser. Alors il s'en défait, de cette étreinte, il vient se débattre comme un forcené pour, sans plus réfléchir, rejoindre l'eau et y plonger. Quelques secondes, quelques minutes et les doigts qui se perdent sur le sac presque submergé. La rage au ventre et la peur immiscée, il l'arrache jusqu'à la trouver, apeurée. Et elle gémit encore la peluche rattrapée, sous ses mains Ronnie en sent son petit cœur s'affoler. C'est contre lui qu'il la tient, revenant jusqu'à ceux qui lui ont permis de pouvoir se concentrer sur ce qu'il fait désormais sien : une petite chienne de quelques mois qu'il nommera Emy. Point de repère à ses songes, à ses idées, muse de ses heures perdues et parade tenace contre la moindre seconde d’ennui. Cette petite boule de poils deviendra sa seule et vraie femme de sa vie et ça, dès lors où elle s'endormira contre ses bras, là, enroulée dans des draps réchauffés aux abords du jeu de joie, cette fameuse nuit-là.