SAISON 2 # INTRIGUE 3

Saison 2, intrigue 2

J'acquiesce chacun des mots prononcés par ma collègue comme pour leur donner plus de poids et qu'ils pénètrent plus sûrement la boîte crânienne de John, dans un état psychique fragile. Et quelque part, je sens déjà la situation se désamorcer. Par cette ligne de dialogue restée ouverte. Par cette volonté de ne pas faire de mal à autrui. Par cette hésitation qui, finalement, n'est pas une si mauvaise chose. Parce que je préfère me convaincre que s'il avait voulu appuyer sur la détente il l'aurait déjà fait et que l'homme ne cherche qu'une raison suffisante à laquelle se raccrocher. Une seule petite raison. Et j'ai encore envie de croire, à l'instant I, que les choses se finiront bien. Qu'il n'y aura pas un nouveau drame.
Jusqu'à ce que je les entende au loin, hurler et résonner contre l'acier de la ville. Les sirènes. Pompiers, ambulances, et policiers. Un regard à Daya qui redoute visiblement tout autant que moi leur arrivée imminente. Mes yeux dérivent sur l'homme qui se tient encore en joug, pensant pouvoir le raisonner avant qu'il voit les voitures et les lumières, avant qu'il voit les uniformes et les armes, avant qu'il ne comprenne. Mais un simple coup d'oeil suffit pour me faire rater quelques battements. Parce qu'il sait. Les conséquences. Ce que ça veut dire pour lui. Et c'est impuissant que je le vois retourner l'arme qu'il pointait sur sa gorge en direction des voitures fraîchement débarquées.

Tout s'accélère. En quelques secondes. J'entends mes collègues derrière donner les sommations d'usage, lui intimer l'ordre de baisser son arme en pointant la leur sur sa personne. Je le vois lui, continuer de brandir son arme sur eux. Et au milieu, Daya et moi. Et j'en ai presque le tournis. Mon sang bouillonne dans mes veines alors que je vois le gérant suer à grosses gouttes et trembler d'angoisse, les larmes embuant son regard paniqué. Quelques secondes qui me semblent durer une éternité alors que toutes ces informations percutant au même instant ma matière grise. Quelques secondes avant d'entendre mon patronyme prononcé derrière moi. Quelques secondes avant de me remettre en action, me tournant légèrement de côté pour avoir John dans mon champ de vision tout en m'adressant à mes collègues – du moins certains d'entre deux – et leur intimer l'ordre de ne pas avancer davantage. Je dois me répéter, au milieu de cette cacophonie, et si la situation n'était pas aussi critique nul doute que je me laisserais emporter et leur hurlerais dessus. Je me répète, encore et encore, tentant de faire passer les informations par le regard plutôt que par les mots, au moins à ceux qui me connaissent. Je ne veux pas non plus que l'homme sache que je suis flic, qu'il pense soudainement que j'ai essayé de lui faire à l'envers et voit ça comme une trahison. Pas quand il lui suffirait de détourner si légèrement la trajectoire de son arme pour me tirer en pleine poitrine. Une pensée pour Saoirse, fugace, et je me force à ne pas la regarder, espère qu'elle ne regarde pas. Pas après ce qu'elle a vécu.
À défaut d'avoir abaissé leurs armes pour des raisons de protocole, les policiers n'avancent plus, conservant une certaine distance. Je repose alors mes yeux sur l'homme. Il n'y a plus de marge de manœuvre. Il ne reste qu'une seule chance que tout ceci ne se termine pas dans un bain de sang. Une seule et toute petite chance.  

Les sirènes grondent, les lumières viennent peindre l'environnement chaotiques dans lequel on se trouve de bleu et de rouge et cet homme, celui qui se tient là, face à eux se met à trembler. Le regard de Daya est fixé sur sa main gauche, celle dont les doigts sont serrés autour de l'arme qui pourrait faire bien plus de dommages encore, que ce qui n'est déjà et son coeur manque un battement lorsqu'elle voit le revolver sortir de sa trajectoire pour se diriger d'abord vers les véhicules, puis vers les forces armés qui en un quart de seconde est venu les entourer. Les cris viennent emplir les lieux, ce ne sont plus ceux des victimes et de leurs proches, mais ceux de ses collègues qui intiment à l'homme de lâcher son arme, il panique, elle peut le voir dans son regard, elle est suffisamment près pour ça, ils sont suffisamment près pour cela. Elle jette un coup d'oeil rapide vers Ethan dont la voix se fait elle aussi entendre, il s'adresse à une partie des tireurs et leur demande de ne pas s'avancer, enfin c'est ce qu'elle croit entendre alors que machinalement son regard s'en retourne au véritable danger, celui d'un homme apeuré et perdu. "Hey..hey...John..Elle lève de nouveau ses mains devant elle en signe de trêve. Regardez-moi.Son regard se braque sur elle avant de dévier vers les hommes derrières eux. Non, regardez-moi. Il revient à elle, elle hoche la tête, esquisse un pas, un seul vers lui en signe de bonne foi. C'est terminé John et ça ne pourra qu'empirer si vous ne lâchez pas cette arme et vous ne voulez pas ça, je ne veux pas ça, personne ne veut voir un autre malheureux accident se produire. La flic essaye de choisir ses mots de façon judicieuse et elle espère qu'ils atteindront son destinataire. Son coeur bat la chamade dans sa poitrine, mais elle essaye de ne pas trop laisser paraître son inquiétude. Ses pensées s'éloigne un instant vers Josef, mais elle n'ose pas tourner la tête pour s'assurer qu'il est suffisamment loin de tout ça, elle ne veut pas briser le mince contact qu'elle a réussi à établir avec le gérant de l'épicerie. Baissez votre arme...c'est terminé...tout va rentrer dans l'ordre je vous le promets... Il ouvre la bouche, mais aucun son ne semblent vouloir en sortir, puis finalement il balbutie quelque chose d'incompréhensible avant de s'y reprendre. - Je...je ne voulais pas..je...les larmes viennent glisser sur ses joues alors que son bras est pris de tremblement, faisant vaciller son arme, son doigt toujours fermement accroché à la gâchette, puis il le balance de droite à gauche, puis de gauche à droite.